Foutaises ou Fictions historiques : les nouveaux explorateurs de Namibie ?

Foutaises ou Fictions historiques ?

« La Namibie dans le sillage des explorateurs »

Le Figaro Magazine des 28 et 29 juin 2019 (pages 91 à 99)

« Après Omaanda, Sonop, la seconde adresse namibienne d’Arnaud Zannier ouvrira le 5 juillet à l’extrémité sud du pays. Entre déserts et canyons, ce campement d’explorateur hors du temps incarne le rêve d’un esthète du XXième siècle, amoureux de l’Afrique australe et de la vie sauvage. »

            La rédactrice de ce reportage n’y va pas avec le dos de la cuillère pour encenser le créateur de ce nouveau lodge en Namibie, non plus qu’en troussant avec talent un récit imagé de sa découverte de la Namibie, avec de belles photos…

            Le titre de ce reportage est-il justifié ? « La Namibie dans le sillage des explorateurs » ?

        Est-ce qu’il s’agit vraiment d’ « Un voyage dans le temps guidé par l’histoire des premiers explorateurs anglais » ?

         Rappelons qu’au dix-neuvième siècle les côtes de Namibie furent au dix-neuvième siècle un enjeu colonial entre anglais et hollandais, et que les premiers à explorer cette contrée furent les missionnaires anglais de la puissante London Missionnary Society, les missionnaires allemands et finnois, puis les Afrikaners d’Afrique du Sud. Ces derniers ouvrirent la voie à la conquête coloniale allemande du Sud-Ouest Africain qui fut d’une grande violence, notamment avec le génocide des Hereros. A la fin de la première guerre mondiale, l’Afrique du Sud reçut un mandat international de tutelle de l’ancienne colonie allemande en sa qualité de Dominion de la Couronne britannique (statut de 1910), un dominion qui pratiqua le régime de l’apartheid.

        Ce rappel historique utile nous projette évidemment assez loin du reportage qui précise :

            « Il veut appliquer au monde de l’hôtellerie sa vision des choses : un décor authentique et un service attentif mais naturel… une philosophie qu’il résume souvent avec une citation de Léonard de Vinci : « La simplicité est la sophistication suprême »…

       Du Cambodge à la Namibie : En 2016, l’actrice Angelina Jolie séjourne à Phum Baitang durant le tournage de son film « D’abord, ils ont tué mon père ». Elle évoque auprès d’Arnaud le travail de ses amis Marlice et Rudie Van Vuuren, très investis dans la restauration de la vie sauvage en Namibie… Elle avait raison : j’en suis tombé amoureux… Ce que j’aime, c’est faire vivre la culture locale, tout en respectant le lieu et l’environnement. Je ne veux surtout pas imposer un modèle qu’on retrouvera ensuite dans chaque pays…

        Un poste d’observation idéal

      Sonop n’est pas un hôtel, c’est un voyage dans le temps, guidé par l’histoire des premiers explorateurs anglais du début du XXème siècle… »

          « Un campement d’explorateur hors du temps » ?

        Ne sommes-nous pas ici en pleine fiction ? Complètement en dehors du champ des descriptions multiples de campements qu’en ont faites les explorateurs de l’Afrique du dix-neuvième siècle ?

          Je recommanderais volontiers la lecture, entre autres, car il y en a eu des centaines d’autres,  du récit de l’exploration que fit Sir Samuel W. Baker, en 1861, en compagnie de son épouse vers les sources du Nil « Le Lac Albert » (Paris Hachette 1872), afin de se mettre « Dans la peau d’un explorateur » (page 97) à la fin du dix-neuvième siècle.

         « Voyage dans le temps » ? Vraiment ?

       En lisant que le lodge en question était « Meublé avec de véritables antiquités (plus de 500 pour l’ensemble du lodge » (page 97), je n’ai pas pu m’empêcher d’évoquer les récits de la vie coloniale anglaise officielle des « clubs », qui jalonnèrent l’histoire coloniale anglaise, avec l’exemple du récit « Une histoire birmane » de George Orwell. (1926, à Kyaut-hada, en Haute Birmanie. (1)

      « Dans chacune des villes de l’Inde, le Club européen est la citadelle spirituelle, le siège de la puissance anglaise, le nirvana où les fonctionnaires et les nababs indigènes rêvent en vain de pénétrer. » (p,23)

    A  lire la description de ce merveilleux lodge, la question peut se poser de savoir si son décor intérieur ne rappelle pas trop celui des « clubs » anglais de l’histoire coloniale.

       Ceci dit, et pour avoir, il y a une vingtaine d’années, effectué avec mon épouse, un voyage de découverte dans ce pays, il s’agit d’une belle région à visiter, notamment le désert du Namib, en notant qu’à cette époque, nous avions beaucoup plus vu de traces anciennes de la présence germanique que de la britannique.

        Enfin, dernière remarque, heureusement le Figaro Magazine ne publie pas que des articles, récits, ou reportages respirant à haute dose ce type de fiction.

            Jean Pierre Renaud

  1. Référence à l’analyse intitulée « Images des sociétés coloniales des années 1900-1930 » sur le blog eh-tique-media-tique@overblog.com du 20/06/2016

« Votre » télévision publique ? S’agit-il bien de votre télévision publique ?

 Pourquoi « votre » ? Chaque jour, « vos » journalistes annoncent « votre » journal, « votre » feuilleton, « votre » film…

            « Votre » ? En est-on sûr si l’on tente d’évaluer le contenu et la qualité du produit télévisé public qui nous est servi chaque jour, à la lumière de quelques critères :

La représentativité ?

       L’information délivrée est-elle représentative du monde et de la France actuelle, compte tenu de la place qui est faite aux faits divers farcis d’émotions,  par rapport à celle qui est donnée à l’information ?

            Pour ne citer que France 2 ou France 3, et les informations des journaux, avec de plus en plus de « décryptages », les journalistes oublient le plus souvent de proposer un cadrage de représentativité statistique du sujet traité.

            Encore plus quand il s’agit de télévision « trottoir » comme dans « Ma Rue » !

La transparence médiatique ?

            Le moment n’est-il pas venu pour la télévision publique d’ouvrir ses lucarnes afin de dire qui fait quoi et avec qui, entre les journalistes eux-mêmes et les ou leurs sociétés de production, les échelles de rémunération, les relations entre communicants et journalistes, entre les chaînes et les agences de communication ou de publicité … Que d’ « Histoires Secrètes «  à venir sur la 2 !  

La pédagogie citoyenne ?

            Je ne suis évidemment pas un critique spécialisé, pas plus sans doute qu’un téléspectateur représentatif, mais comment ne pas être surpris par l’importance des jeux d’argent qui jalonnent les programmes, des films violents, des émissions qui correspondent à des sortes de rentes « quasi-perpétuelles » pour leurs acteurs officiels ou cachés ?

         Comment expliquer la place quotidienne – même le dimanche ! – qui est faite à l’émission « Affaire Conclue », et ce goût des brocantes, alors que leur mode semble dépassée dans nos provinces ?

            En comparaison, et à l’occasion des dernières élections européennes, nos chaines publiques ont-elles fait le nécessaire pour en expliquer les enjeux, et une fois les élections passées, expliquer le rôle respectif de la Commission européenne, de sa Présidente et des Commissaires, de l’Assemblée  Européenne, de l’Exécutif européen, du qui fait quoi et avec qui ? Ou encore des pouvoirs respectifs de l’Union et des Etats membres, etc…

      Est-ce qu’il n’aurait pas été intéressant de proposer un calendrier régulier de chroniques spécialisées et d’ateliers-débats dans le but que les institutions de l’Union ne restent pas étrangères aux citoyens?

            Cela fait des années que j’estime que nos chaines publiques n’accordent pas une place suffisante à la pédagogie citoyenne et civique : pourquoi ne pas ouvrir quotidiennement une rubrique citoyenne ?

            Jean Pierre Renaud