« Leçons indiennes » Sanjay Subrahmanyam – Lecture critique – Deuxième partie

« Leçons indiennes »

« Itinéraires d’un historien »

« Delhi .Lisbonne. Paris. Los Angeles »

Sanjay Subrahmanyam

Lecture critique

&

Deuxième partie
Occident et Empire

            L’OCCIDENT – Leçon 2 « Retour vers le futur : pourquoi l’Occident domine le monde ? »

(pages 31 à 41)

             L’auteur a dans sa ligne de mire deux intellectuels Morris et Pomeranz.

           Le concept historique d’Occident est depuis longtemps un sujet de controverse, et l’auteur écrit :

           «  Les questions que pose Morris expose lui-même explicitement sont : 1) pourquoi « l’Occident » domine-t-il actuellement le monde ? 2) Combien de temps cette domination est-elle censée durer ? » (p,33)

         Un espace ou une idéologie ?

          Morris : « Il entend donc traiter de l’Occident et de l’Orient comme appellations géographiques, sans jugement de valeur – du moins à l’en croire » (p,35)

         Pomeranz : « Pomeranz ne se préoccupe non pas de l’Occident mais de l’Europe occidentale et même d’une région qu’il définit assez précisément »

        Morris « Comme contretype de ce matériau occidental, Morris a décidé de choisir un autre lieu. Son choix s’est tourné vers la Chine, (bien qu’on croie comprendre qu’il ne lit ni le chinois ni le japonais. » (p,36)

       « C’est la cueillette des cerises transposée à l’histoire, pour ne pas dire plus. » (p,37)

         « La mentalité binaire qui caractérise l’ouvrage tout entier. Mais depuis quand les historiens sont-ils effrayés par la complexité ? »

         Les appréciations de l’auteur sont violentes :

           « …une sorte de charabia …, pseudo-science naïve,… Il comporte un étalage d’érudition dont la fonction s’apparente aux poignées de confettis jetés en l’air pour distraire le spectateur pendant l’avancée du défilé… Peut- être est-ce vraiment une blague que nous joue un professeur érudit de grand talent qui a décidé de se métamorphoser, l’espace d’un instant, en un croisement de Nostradamus et de Bécassine. » (p,40)

         Fin de leçon : le lecteur partage le doute du professeur sur la nature et la définition relative de ce qu’est l’Occident, mais était-ce le seul but de la leçon ?

         UN EMPIRE ?

         Un autre sujet tout aussi sensible et polémique, celui de la signification historique du concept  d’empire, abordé par la Leçon 8 « Qu’est-ce qu’un Empire ? », un sujet très à la mode.

       En France, certaines écoles historiques n’ont-t-elles pas tendance à considérer que l’empire est avant tout un concept colonialiste ?

        En 1866, quoi de commun entre l’Empire du Brésil et l’Empire Ottoman ?

         L’auteur consacre sa réflexion au livre de John Darwin « Après Tamerlan » consacré à « l’histoire globale de l’empire depuis 1405 ». Il n’est pas interdit de se demander ce que l’auteur entend exactement par « empire ». John Darwin n’affronte pas cette question directement. Mais on peut y réfléchir en posant deux questions corollaires. En premier lieu, qu’est-ce qui n’est pas empire (et par conséquent exclu de cet ouvrage ) ? En second lieu, quels sont les autres termes qui vont de pair avec « empire », dans un de ces couples d’oppositions complémentaires dont les historiens et les spécialistes de sciences sociales raffolent, comme « empire » opposé à « Etat nation ? » (p,136)

      Le livre : «  Il met en avant trois vastes thèmes : l’évolution de la connexion globale vers la globalisation ; le rôle de l’Europe et des empires européens dans ces transformations de longue durée ; la « résilience » – peut-être faudrait-il dire le pouvoir résiduel – des Etats non-européens et des autres acteurs dans le processus.

       Ces thèmes sont à leur tour liés avec ce que John Darwin choisit d’appeler – « les quatre postulats de base » qui émergent rapidement dans l’ouvrage et sont les suivants :

  1.     la mutation historique produite par et à travers les empires après 1400 fut conjoncturelle et réversible, non pas linéaire, cumulative, et téléologique ;
  2.      dans ces six siècles, l’Europe doit constamment être replacée dans le plus vaste ensemble de l’Eurasie, afin d’échapper au piège de l’exception européenne ;
  3.       l’idée d’ « Europe » en elle-même doit être soumise à une constante interrogation pour distinguer ses diverses acceptions, comme « espace géographique, communauté socio-politique et programme culturel » ;
  4.       l’empire est une réalité largement répandue et pas uniquement une réalité européenne ; en fait, c’est « le mode par défaut d’organisation politique au long du plus clair de l’histoire », plutôt que «  le péché originel des peuples européens ». (p,136)

       « En quoi les trois premiers de ces quatre points sont-ils réellement des « postulats » – non des hypothèses ou des spéculations ? Ce n’est pas immédiatement évident. Toutefois, pris globalement, ils permettent de situer assez précisément John Darwin dans un  champ historiographique en tension : il n’est ni de ceux qui affichent une version triomphaliste de la mission universelle d’ l’Europe, ni le fervent partisan d’un certain style d’études postcoloniales. Ses interprétations ne se prêtent pas au politiquement correct. Pour autant, il ne succombe pas au radicalisme inverse du politiquement incorrect. Ce livre est en bref, une tentative de judicieux équilibre, ce qui peut évidemment susciter des ennemis de tous bords. » (p,137)

         Il est noté que l’histoire globale n’est pas nouvelle, voir Hérodote.

       « Reprenant au départ l’idée de « trois grandes zones de civilisation », à savoir la Chine, le monde islamique et l’Europe… (page 140

    … Rappelons que, dans « Une grande divergence » (2000 ; traduction française de 2010), Kenneth Pomeranz, spécialiste de la Chine, établit d’abord la quasi-équivalence, au XVIIIème siècle, entre les niveaux de développement socio-économique de l’Angleterre, berceau du décollage industriel européen, et ceux de la vallée du delta du Yangzi…Sa thèse n’a pas été sans provoquer de vives discussions…(p, 141)

      « … Nombre d’assertions et d’hypothèses stimulantes feront sans doute de ce livre, dans la prochaine décennie, un point de départ et de référence  pour des essais et des réflexions sur l’histoire globale… N’en demeurent pas moins quelques troublants problèmes conceptuels.

      Prenons, pour commencer, le terme « empire ». Nous l’avons vu, John Darwin ne se soucie guère de le définir, le considérant peut-être comme une notion qui relève du sens commun ou dont il suffirait de rechercher la définition dans l’Oxford English Dictionnary…

     De toute « évidence, les empires doivent être distingués d’autres formes politiques qui existent dans l’espace, comme les cités-Etats, les royaumes d’une pièce, ou les républiques ou les Etats-nations – dont certains ont en fait une assez courte histoire, même s’ils projettent encore leur ombre sur les débats actuels

      Au premier abord, c’est une question d’échelle, mais les choses ne sont pas si simples……

      Le raisonnement doit être explicité. L’empire implique une complexité politique, une diversité culturelle – le plus souvent, ethnique et linguistique – parmi les populations sujettes. La forme typique que prend cette complexité politique est une palette de dispositifs politiques et administratifs hétérogènes au travers de l’espace, s’accompagnant de phénomènes de souveraineté superposée. L’empire ottoman aux XVIème et XVIIème siècles en est un excellent exemple.…

       L’empire ici en vient à signifier diversité, tolérance et droit à la différence, à l’inverse de l’Etat-nation avec son penchant intrinsèque de l’homogénéité dans les domaines linguistique, religieux et autres… » (p,144,145)

       « Le problème, c’est que les empires peuvent être radicalement différents les uns des autres. Nous pouvons provisoirement en esquisser une vague classification pour la période postérieure à 1 400, même si c’est un peu à la manière de Borges :

  1.       Les empires qui pensent qu’ils sont des empires… Cette catégorie, la plus évidente, inclut les Ottomans, les Habsbourg, les Moghols, etc   …
  2.      Les Etats qui prétendent être des empires, bien qu’il y ait de bonnes raisons de douter du bien-fondé de leurs prétentions. Les danois au XVIIème siècle en sont un bon exemple, quelque peu obscur, mais sans doute peut-on aussi classer dans cette catégorie le Brésil du XIXème siècle.
  3.       Les empires qui nient être des empires. La Compagnie anglaise des Indes orientales vient immédiatement à l’esprit, comme la Compagnie hollandaise des Indes orientales, en certaines de ses incarnations. Si l’on accepte la classification de John Darwin, c’est là que devraient se retrouver les Etats Unis.
  4.       Le cas sur lesquels on n’arrive pas à trancher. Ainsi de l’Iran safaride ou de la Chine des Ming par opposition à la Chine des Qing. Autant de pouvoirs dont les traits impériaux semblent faiblement constitués.
  5.    Les empires continentaux d’un seul bloc, opposés aux empires avec des possessions séparées par de larges étendues d’eau.
  6.     Les empires constitués de petits territoires dispersés sur un vaste espace, comme l’empire portugais du XVI ème siècle.

       On voit maintenant la difficulté qu’il y a à manipuler la catégorie « empire » et la nécessité d’arriver à un accord qui prenne en compte cette difficulté plutôt que d’en nier l’existence. Il est vrai qu’«empire » est plus facile à manipuler que, par exemple, « globalisation », ou « modernité », en ceci qu’elle est beaucoup plus une abstraction et qu’à certains égards, elle est conjointement relativiste et universaliste. Ce qui complique un peu plus le problème, c’est qu’au XVème ou au XVIème siècle, l’entité qui était expressément opposée à l’empire était le royaume autonome (qui pouvait avoir ou ne pas avoir une base ethnique) alors qu’au XXème siècle, c’était l’Etat –nation (dont les citoyens avaient tous une  nationalité « commune ». (p,147)

          Je me suis beaucoup étendu sur les citations de l’auteur, ses raisonnements, ses définitions, sa classification, ses réflexions stimulantes, mais à dire la vérité, j’éprouve une certaine déception à ne pas y avoir trouvé de réponse au classement qui pourrait être proposé pour les empires coloniaux des 19 et 20ème siècles, sauf à dire qu’implicitement ils rentrent dans telle ou telle catégorie proposée, alors qu’il d’agit d’un sujet qui parait être encore un objet de vives controverses dans certains milieux de chercheurs.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Chronique N°7 de la France d’en bas- Etat d’urgence ? Etat d’urgence?

   « Etat d’urgence » contre les attentats terroristes ! « Etat de guerre » contre Daech !

           Après le Mali, la Centrafrique, le Sahel, le Moyen Orient ! ! Hollande s’érige en justicier international des conflits.

           Et pendant ce temps-là, que voit-on ? Depuis des semaines et des semaines, sans discontinuer, avec Nuit Debout et les manifs contre la loi Travail, les forces de l’ordre sont en permanence mises à contribution, mais dans quel but ? Maintien de l’ordre public ou lutte contre les menaces terroristes ?

            Depuis des semaines et des semaines, ces graves désordres nourrissent l’actualité des médias. Le 18 mai 2016, à titre d’exemple, en première page de La Croix : « Mais que peut faire la police ? », en deuxième et troisième pages, « Les policiers face aux nouveau défis du maintien de l’ordre », « Depuis les attentats, la fatigue s’accumule ».

          Je corrigerais volontiers le titre de la première page en écrivant « Mais que doit faire la police ? ».

          Et pendant ce temps-là, les commandos des ultragauches s’entrainent   place de la République, sur un magnifique terrain, pour une autre guerre intérieure ?

        Oui ou non, la France est-elle en « état d’urgence » ?

         Comment le croire puisque les médias, tout comme le gouvernement, font comme si ce n’était pas le cas ?

       Au journal du soir du13 mai, sur France 2, et à Rennes, ville de graves désordres, le ministre de l’Intérieur expliquait gravement qu’il fallait tout à la fois faire preuve d’autorité, et respecter la liberté de manifester, c’est-à-dire de déployer, sans discontinuer, nos forces de police contre des bandes de casseurs au lieu de se mobiliser pour maintenir la paix civile dans  notre pays.

        Que de contradictions et de circonvolutions, pour ne pas dire d’innocence vraie ou fausse ! Hollande va en Nigéria proposer son aide militaire, Le Drian, va porter bonne parole et feu dans les pays où la France a cru devoir s’engager, Ayrault, va plaider à Tel Aviv et à Ramallah, pour une nouvelle étape de pacification de ces territoires, alors qu’ils ne sont pas foutus d’entretenir ou de préserver la paix civile en France, à Rennes, ou Nantes.

       Ces jours-ci, Valls passe trois jours en Israël et Palestine.

         On croit rêver ! Mais non, c’est la réalité d’une France politique complètement zinzin !

Jean Pierre Renaud

« Leçons indiennes » « Itinéraires d’un historien » Sanjay Subrahmanyam

« Leçons indiennes »

« Itinéraires d’un historien »

« Delhi .Lisbonne. Paris. Los Angeles »

Sanjay Subrahmanyam

Alma Editeur

Lecture critique
Première partie

            Il s’agit d’un livre tout à fait intéressant pour de multiples raisons, le ton irrévérencieux des textes, leur style souvent dérangeant et décoiffant, au moins tout autant que leur contenu, riche, encyclopédique, quasi-planétaire, une réflexion et des témoignages touche-à-tout sur l’histoire des idées, des hommes, les débats passés ou encore actuels sur les grandes problématiques du monde, historiques ou non, intellectuelles, politiques, ou religieuses.

            Ce livre démystifie beaucoup de sujets d’histoire et oblige le lecteur à regarder un peu plus loin que le bout de son nez, le fameux ethnocentrisme que la plupart des historiens, sinon les intellectuels du monde entier, ont en partage, avec leurs modes, leurs courants, leurs partis pris.

            Car, il est toujours très difficile d’échapper à son égo, à sa subjectivité, au nombrilisme, quel que soit le continent.

            Dans une de ses leçons, le « provincialisme » de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales en prend pour son grade, et, à lire ce livre, tout laisse à penser que la France n’occupe qu’une place modeste dans les recherches historiques postcoloniales.

            « J’avais très peu d’étudiants en doctorat à Paris, car les sujets que j’étudiais étaient jugés marginaux. Quand Serge Grunitzky et moi avons proposé des changements au cœur de la structure de l’EHSSS, de sorte que les « aires culturelles » soient mieux intégrées à l’histoire, notre proposition a été rejetée sans ménagement par l’administration et par beaucoup d’historiens spécialistes de l’Europe. Je crois que la partie historique de l’EHSS est en train de commencer à payer le prix de son provincialisme et de son incapacité à suivre le rythme des évolutions… » (p, 349, Leçon 21 « A travers trois continents » »

            Tout en estimant que l’histoire postcoloniale française a un caractère un peu trop franchouillard, je n’hésiterai toutefois pas à me demander si l’auteur ne souffre pas lui-même de cette maladie « nombriliste » qu’il dénonce au fil des pages, dans l’écriture de sa leçon parisienne, (Leçon19 « Un Parisien ambigu »), et peut-être aussi certaines de ses réflexions qui ne peuvent échapper à son lieu de naissance indienne, à sa vie d’intellectuel indien.

            A la lecture de la leçon 4 « L’histoire politique indienne et Guha », la découverte d’un autre livre à lire : « La fin des terroirs » d’Eugen Weber, un ouvrage qui démontre, à mon avis, avec un certain succès, que la nation française n’a véritablement commencé à exister qu’à la fin du dix-neuvième siècle, et au début du vingtième.

            L’auteur relie cette référence à la problématique discutée et discutable de la fabrication de la « nation indienne ».

            « Weber est surtout connu pour son étude sur la manière dont la nation française moderne se construisit entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle. C’est une interprétation qui met en jeu routes et chemins de fer, écoles et instituteurs sévères et qui se centre sur la production d’une « francité » uniforme, à la fois comme réalité et comme mythe, englobant les divers terroirs qui existaient encore en 1870. On peut y voir soit une version de la théorie de la modernisation… 

… Aucun maître ouvrage comparable à celui de Weber n’existe à ce jour pour l’Etat-nation qu’est l’Inde moderne, en partie parce que les historiens du sous-continent on généralement évité de s’aventurer au-delà de 1947, laissant cette tâche aux politologues, aux sociologues, et aux touche à tout omniscients. »  (page 56 et 57)

         Au risque de déflorer une partie du sujet, les historiens qui se sont  fait une belle notoriété en décrivant dans un de leurs ouvrages « Culture coloniale »  que la France s’était « imprégnée de culture coloniale » au cours de la période 1871-1914 feraient bien de mettre en accord leur discours trompeur avec la situation qui était encore celle de la France à la fin du dix-neuvième siècle.

            En premier jugement, donc un livre désaltérant sur le plan intellectuel, un ton souvent incisif, et quelques détours dans les coulisses de l’édition et des publications.

            Nous allons à présent évoquer quelques- unes de ces leçons indiennes,  en regroupant notre lecture par quelques-uns des grands thèmes qui touchent à des sujets sensibles de l’histoire du monde, à la fois dans leur contenu, et dans la façon dont les historiens la racontent.

            L’Inde est le premier thème d’analyse et de réflexion  qui occupe au moins huit  leçons sur vingt et une, lesquelles nourrissent largement la critique historique de l’auteur.

            La réflexion commence avec la leçon 1 :

 La «  civilisation indienne » est-elle un mythe ?

A lire toutes les pages qui sont consacrées à l’Inde et au Sud Est Asiatique, le lecteur prend la mesure de l’écart qui semble séparer, sans doute aux yeux d’un ignorant, les travaux de recherche historique coloniale et postcoloniale consacrés à l’impérialisme britannique des Indes comparativement avec les travaux consacrés à l’impérialisme français, un écart qui s’appuie sur un appareil universitaire important, aussi bien à Dehli qu’à Londres, ou à Chicago.

.Des historiens indiens, souvent anglicisés, dialoguent, débattent entre eux, échangent des propos agressifs, qu’ils soient restés en Inde ou qu’ils se soient expatriés dans des universités anglo-saxonnes, ou qu’ils fassent encore partie de la cohorte des historiens anglo-saxons reconnus compétents sur l’histoire coloniale ou postcoloniale du Royaume Uni.

Un des débats porte sur la question de comprendre comment la civilisation indienne, pour autant qu’elle ait existé, s’est positionnée par rapport à l’impérialisme anglais, décrite par certains intellectuels sous les traits d’une « Inde comme civilisation, vite synonyme d’une Inde close » (page 22)

La leçon 3 «  Le sécularisme et le bienheureux village indien » ouvre un débat parallèle sur ce que certains intellectuels appellent le « sécularisme », un concept très différent de la laïcité à la française, et à cette occasion, l’auteur épingle violemment Ashis Nandy sur son ignorance à la fois du passé de l’Inde et de l’Europe :

         « C’est donc une profonde erreur de partir du principe que le sécularisme est un mot courant dans l’usage politique occidental, qui aurai été transféré en Inde, comme une « idée importée ». En réalité, le terme a en Inde un poids politique qu’il n’a jamais eu en Occident et a acquis un sens profond que de nombreux Européens ne comprennent même pas…(p,43)

     …  A croire que, pour être un « grand penseur », il faut d’abord être un grand ignorant. Comment ne pas désigner ainsi quelqu’un qui peut affirmer en toute insouciance que –comme le fait Nandy – que l’Inde n’a jamais eu d’historiens avant la période coloniale ? Sans doute Abu’l Fazl venait-il de la planète Mars ?…(p,44)

       Cela réclame évidemment plus de travail que de vendre de la guimauve qui passe pour de l’intelligence dans les cercles « indigénistes »…

      Nandy est désormais – maintenant que Nirad Chadheri a disparu – notre seul vrai penseur colonial. Peut-être un romantique colonial, mais un colonial tout de même, d’une mentalité profondément coloniale….(p,45)

      …Cela ne signifie pas pour autant qu’il faudrait s’abstenir de débattre du sécularisme en Asie du Sud, bien au contraire. Mais ce débat, ne saurait s’enfermer avec profit dans les termes de cette fausse alternative, pas plus que dans les termes d’une opposition tout aussi fausse entre les productions conceptuelles d’on ne sait quelle Inde éternelle, d’une parfaite pureté chérie, et de haïssables importations d’origine étrangère. » (p,53)

           Plusieurs débats d’idées et d’histoire courent à travers les lignes de plusieurs leçons indiennes, le rôle respectif des intellectuels immigrés du monde anglo-saxon ou des intellectuels restés sur le continent indien, la lutte entre les historiens marxistes et les libéraux à la Delhi School (Leçon 17 « Jours tranquilles à la D.School »), le rôle de l’impérialisme anglais dans la modernisation de l’Inde, la place qui est faite à l’histoire de l’Inde ancienne par rapport à la moderne, le regard des historiens tourné à juste titre ou non, de façon pertinente ou non, vers la vie du petit peuple, avec le succès qu’a connu le « subalternisme » (p,167), ou avec l’expression à la mode de « Subaltern Studies », un thème de réflexion et de critique qui irrigue la leçon 10 «  Les civilisations souffrent-elles du mal des montagnes ? et la leçon 13 « Le marché mondial et l’histoire de l’Inde »

           Le contenu de la leçon 10 est décoiffant dans sa critique d’une théorie historique d’après laquelle, en tout cas déjà dans le Sud-Est asiatique, l’expansion des Etats dans les plaines aurait trouvé constamment ses limites dans les difficultés, sinon l’incapacité qu’ils ont eue à imposer leur domination dans les régions de montagne, ce qu’un historien, Scott a baptisé du nom de « Zomia ».

        « Sur « Zomia », Scott a une thèse « simple, suggestive et sujette à controverse ». Jusqu’à présent, avance-t-il, la plupart de ces minorités ethniques ont été étudiées par les anthropologues aussi bien que par les décideurs politiques comme des vestiges du passé, les survivants d’une époque révolue. Au contraire, affirme-t-il, « les peuples des collines doivent être bien plutôt perçus comme des communautés de fugitifs, d’esclaves marrons qui sur un arc de deux millénaires, ont fui l’oppression des projets de construction étatique à l’œuvre dans les vallées –esclavage, conscription, corvées, épidémies et guerres ». (p,169)

       L’auteur cite la source de l’anthropologue français Clastres (les Indiens Guyaqui), et note :

      « Pour ce qui est de la traque des intentions, nous avons vu que Scott s’allie à un courant en pleine croissance parmi les anthropologues de l’Asie du Sud-Est (mais dominant aussi partout dans le monde qui affirme que « les Etats, en fait, créent les tribus » (p,177)

     L’auteur ne ménage d’ailleurs pas Clastres dans son propos :

      « Ecrivant au début des années 1960, Clastres avait lui-même tendance à voir les Guyaki comme des vestiges d’un monde disparu, un petit groupe (deux cents-cinquante ou trois cents personnes, selon son estimation) qui aurait éclairé les origines d’un groupe bien plus large d’Indiens Guarani. Par la suite, il changea radicalement son point de vue et se lança dans une polémique féroce contre ceux qui voyaient la question sous cet angle évolutionniste – et donc affirma- t- il,  ethnocentrique. Peut-être cela avait-il à voir avec son expérience sur les barricades du Quartier latin comme soixante huitard… (page 170)

       Comment ne pas souligner qu’il parait effectivement difficile sur le plan scientifique de tirer des conclusions sur la nature du pouvoir dans l’histoire de l’humanité en fondant son raisonnement sur des populations indiennes comptant plusieurs dizaines, centaines, et quelquefois milliers de membres.

      Résistances ou non, importance effective de la géographie des lieux, montagne ou forêts impénétrables contre l’expansion des Etats, il parait évident que les minorités ethniques ont été modelées, sinon crées par tel ou tel Etat, colonial ou pas, mais dans le cas français, sur une durée assez courte qui a peu à voir avec l’Asie du Sud-Est.

       Le contenu de la Leçon 13 « Le marché mondial et l’histoire de l’Inde» est tout aussi intéressant en dévoilant les coulisses des modes historiques, qu’elles aient pour origine, les éditeurs eux-mêmes ou les écoles de chercheurs.

        Le texte d’ouverture de la leçon mérite d’être cité :

       « Permettez- moi de commencer par une longue anecdote, qui va faire office de libre exemplum ethnographique. Il y a quelques années, alors que j’étais dans une université américaine, j’ai assisté à un « job-talk » : il s’agit d’une conférence destinée en priorité aux membres du département qui recrute un nouveau professeur, mais néanmoins ouverte à un plus large public…. Ces interventions sont d’étranges procédures… Elles ne se pratiquent pas, en règle générale, à Paris, Oxford, ou Lisbonne, pas plus qu’à Delhi ou Chennai…. »

        Deux cas de figure, l’un ciblé sur un candidat déjà retenu, l’autre choisissant entre plusieurs candidats, et dans le cas présent l’anecdote concerne la deuxième procédure :

       « Les questions fusèrent et il fut immédiatement évident qu’elles n’avaient rien à voir avec celles d’un séminaire de recherche à l’anglaise. Il n’y eut pas de discussion sur des faits concrets. Les sources et les archives ne furent même pas citées. L’exposé portait sur l’Inde coloniale et la domination britannique. Les auditeurs n’étaient préoccupés que par l’opinion personnelle de l’orateur, sa généalogie intellectuelle, bref de son identité académique. Finalement, une personne extérieure au département d’histoire, mais adepte autoproclamée du courant connu sous le nom d’ « Etudes postcoloniales » leva la main. « Il y a maintenant deux écoles dans l’histoire indienne, déclara-t-elle avec assurance, les Etudes subalternes et l’Ecole de Cambridge. J’aimerais savoir où vous vous situez par rapport à elles. …» (p,224)

         Les Etudes Subalternes devinrent à la mode dans les universités américaines, car elles  étaient fondées sur le postulat qu’elles devaient porter sur les dominés, un domaine à la fois méprisé, mais difficile à saisir :

      « Je me rappelle avec quel plaisir et quelle fierté les membres du collectif « Subaltern Studies me dirent – j’étais alors doctorant à Delhi – que même les poids lourds du monde universitaire américain étaient maintenant en relation avec eux et que, si certains de leurs articles avaient été acceptés, d’autres avaient été rejetés sans façon. C’était j’imagine un moment d’ivresse postcoloniale…. » (p,228)

      « … En d’autres termes, pour que les Etudes subalternes puissent entrer en force dans le monde universitaire américain, elles ont dû prendre le « tournant culturel » et pas du tout du bout des lèvres. Sans quoi, on n’aurait pas pu les distinguer de banales recherches sur les paysans latino-américains : face à la profusion des révoltes paysannes au Nicaragua ou en Bolivie, quelques rébellions au Bihar ou en Andhara n’auraient rien changé au tableau. La « différenciation du produit » était désormais de rigueur : Ranajit Guha ne pouvait être confondu avec le sous-commandant Marcos ! Pour le dire sur le mode de la tradition orale, si Gayatri Spivak était Ry Cooder, les Etudes subalternes étaient le Buena Vista Social Club. » (p,233)

          Dans cette leçon, l’auteur montre toute l’ambiguïté de certaines modes historiques, l’importance du marché des recrutements, des revues, et des éditions, et dans le cas présent, celle du marché américain.

          Conclusion :

     «  En bref, les nouvelles conditions du marché laissent à penser que, parfois et à l’instar des dominés, les historiens ne peuvent pas parler » (p,239)

        Pour la bonne compréhension de l’expression Etudes subalternes, rien ne vaut que de citer la note de la page 95 :

        « Le Subaltern Studies Group « SSG) « Groupe d’études subalternes », réunit de nombreux chercheurs d’Asie du Sud étudiant les sociétés postcoloniales et/ou postimpériales, en Asie du Sud mais aussi plus largement, dans ce que l’on a désigné comme le tiers-monde. Leurs recherches se concentrent sur ceux dont ils estiment que la voix n’est pas entendue et l’action peu ou pas prise en compte. Dans la postérité de Gramsci, les Subaltern Studies s’intéressent particulièrement aux personnes discriminées du fait de leur ethnie, de leur classe, de leur genre, de leur sexe, de leur religion, etc. Le chef de file de ce courant a été l’Indien Ranajit Guha. »

             Pour avoir lu de nombreux récits d’officiers, d’administrateurs, de chercheurs, ou de lettrés, sur l’histoire coloniale, je ne vois pas ce qu’il peut y avoir de novateur dans ce discours à la mode sur les Subaltern.

           Je me rallierais volontiers à ce qu’écrit  à ce sujet, Jean-François Bayart, dans son livre «  Les études postcoloniales- Un carnaval académique ».

            Juste un mot sur la Leçon 11 « Churchill et la théorie du grand homme en histoire ».

         Il est évident qu’il est plus rentable pour un éditeur, et plus utile pour un historien ou un intellectuel, de publier un livre sur la vie d’un grand homme que sur le petit peuple des dominés, mais dans le cas présent, nous ne nous attacherons pas à rappeler la consanguinité de Churchill avec l’impérialisme anglais, mais à l’usage historique qu’en a fait  Mukerjee dans son livre « La guerre secrète de Churchill » :

        «  De son propre aveu, Mukerjee n’est pas une historienne mais une journaliste de formation scientifique qui, de manière désarmante, note que pour écrire son livre, elle a dû « apprendre les bases de l’histoire mondiale ».(p,193)

       La journaliste a su utiliser le personnage du grand homme pour traiter le sujet qui lui tenait à cœur la grande famine du Bengale des années 1943-1944, donc pour simplifier mon propos et le rattacher aux lignes précédentes, a trouvé une astuce pour faire des Subaltern.Studies à l’ombre d’un grand homme.

Deuxième partie, la semaine prochaine

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

« Guerre d’Algérie: réflexions »

« Guerre d’Algérie : réflexions »

Volet 4, et dernier volet

La querelle du 19 mars 1962 ? Une querelle de mémoire ou une querelle d’histoire ?

Ou le constat historique que l’Algérie, comme les autres colonies, n’étaient pas la France ?

            L’analyse du sens mémoriel ou historique de cette querelle en dit plus long qu’on ne voudrait bien le dire, ou entendre dire habituellement sur la portée de cette date.

            Pourquoi ne pas reconnaître que le choix de cette date par les anciens soldats du contingent appelés à servir en Algérie sanctionnait le véritable constat historique, non pas celui de la fin de la guerre d’Algérie, mais le fait que l’Algérie n’était pas la France, contrairement à tous les discours qu’ils avaient entendus ?

            Convient-il de rappeler que ce constat fait par plus d’un million de jeunes soldats en Algérie valait bien n’importe quel sondage ?

            Les adversaires de cette date, pour des raisons tout à fait honorables, notamment les massacres postérieurs au cessez-le-feu, des Français et des Algériens pro-français, s’inscrivent encore dans le courant d’autres mémoires, et de l’histoire officielle de la ratification des Accords d’Evian, et donc d’un cessez le feu qui n’en fut pas un.

            Car une autre histoire continua en effet après la 19 mars avec le massacre des Algériens qui partageaient notre combat, lâchement abandonnés par le gouvernement, et celui de nombreux pieds noirs encore en Algérie.

            Un dossier d’autant plus  difficile à refermer que les accords d’Evian avaient accordé l’impunité pour tous les actes des deux camps commis auparavant, c’est-à-dire les crimes, et qu’après le cessez le feu, d’autres crimes commis par les représentants du nouveau pouvoir algérien furent couverts  par la même impunité.

            Un dossier d’autant plus difficile à refermer qu’un courant idéologico-mémoriel puissant tente en permanence de démontrer que la France a commis tous les péchés coloniaux du monde, et qu’en conséquence notre pays doit  s’adonner à des cérémonies permanentes d’autoflagellation.

            Un dossier d’autant plus difficile à refermer qu’un des zélateurs de ces mémoires, bien en cour, agite en permanence le flambeau d’une guerre des mémoires qu’il n’a jamais eu le courage, avec ses compères, d’évaluer, c’est-à-dire de mesurer.

Jean Pierre Renaud

La repentance postcoloniale avec le prix Goncourt Jérôme Ferrari

Réflexions d’un prix Goncourt sur une repentance « postcoloniale » qui ne dit pas son nom : la chronique de Jérôme Ferrari intitulée « Repentance et héritage » parue dans le journal La Croix, « La dernière page », le 4 avril 2016

Pourquoi ne pas proposer « Le sermon sur la chute de Rome » pour un prix d’histoire corse ?

            Je vous avouerai en tout premier lieu que le titre de cette chronique m’a surpris, étant donné qu’il s’agit d’un sujet polémique rebattu depuis de longues années, et que, a priori, il s’agit plus d’un sujet d’histoire que de philosophie, mais soit !

          Les deux concepts du titre mériteraient déjà d’être définis, car la repentance fait référence d’abord au monde religieux, le péché,  les «  filles repenties » des siècles passés, alors que le concept d’héritage a un sens ambivalent aussi bien matériel, avant tout, qu’intellectuel ou spirituel.

            J’avais lu dans un lointain passé quelques prix Goncourt dont le décor et l’intrigue se déroulaient dans les mondes coloniaux, « les Civilisés » de Claude Farrère, « Batouala » de René Maran, ou encore « La condition humaine » d’André Malraux, pour ne citer que ces quelques exemples.

                Lisant le contenu de cette chronique dont les références coloniales et postcoloniales à la fois annoncées,  « l’ampleur des crimes de la colonisation », et d’autres, sous-entendues, j’ai cru devoir faire une exception à la règle que je me suis depuis longtemps fixée de n’acheter aucun livre propulsé par les concurrences éditoriales dans le flot médiatique du moment.

              J’ai donc acheté le livre intitulé « Le sermon sur la chute de Rome », en me disant que j’allais y trouver réponse à mes questions sur les sources romanesques auxquelles avait pu faire appel notre philosophe, en tout cas coloniales ou postcoloniales, compte tenu des postulats posés par la chronique en question.

           Pourquoi pas, avant toute analyse, une remarque préalable, étant donné l’importance que les Corses  donnent à juste titre à leur culture et à leur histoire?

            A lire cette chronique et le texte du prix Goncourt,  et compte tenu des « origines » de l’auteur, certains lecteurs trouveront sans doute qu’il n’a pas été très charitable pour la famille corse qu’il met en scène, en lui faisant porter une lourde responsabilité coloniale, les « crimes  coloniaux », et les « mains trempées de sang ».

         Détrompez- vous, chers amis, les Corses des colonies françaises n’ont pas tous été des buveurs de sang !

       Le contenu –  Analysons brièvement le contenu de cette chronique dont l’intitulé annonce déjà le programme, la repentance, un terme à la mode dans certains milieux politico-médiatiques de chercheurs intoxiqués par la mode d’une nouvelle histoire de France autoflagellante, d’après laquelle notre pays aurait été historiquement une terre de péchés, au moins au temps de la colonisation.

       L’auteur écrit : « Quand a-t-on commencé à fustiger la « repentance ». Si ma mémoire est bonne, j’enseignais encore en Algérie quand je ne sais quel parlementaire avait eu l’idée géniale de parler du rôle positif de la colonisation ou plutôt – délicieux euphémisme – de la présence française… puisqu’on avait le choix qu’entre le repentir et la revendication cynique, mieux valait choisir cette dernière option, même si elle entrainait une relecture pour le moins hardie de notre histoire. Pourtant, à l’époque déjà, cette alternative ne me semblait pas du tout pertinente: j’étais pleinement conscient de l’ampleur des crimes de la décolonisation et je ne me promenais pas cependant dans Alger la tête recouverte d’un sac de cendres en suppliant les passants de me pardonner. »

        Eureka !  Pas de « sac de cendres » ! Pas besoin de se faire « pardonner », d’aller se confesser ! Mais de quoi ?

      Le romancier philosophe apaise ses états d’âme en faisant référence aux propos de Pierre Joxe, lequel explique que « c’est d’une certaine façon normal qu’un Français de 50 ans ou a fortiori plus jeune ne se sente aucune responsabilité dans le passé colonial de la France, dans les crimes qui ont été commis à cette époque dans différentes régions du monde. Mais d’un autre côté, c’est une illusion parce que l’histoire d’un peuple est globale. Elle est l’histoire des générations d’avant… Moi, je ne ressens pas une position d’accusateur. Je l’ai eu quand j’étais jeune, dans des mouvements étudiants anticolonialistes, j’étais accusateur, oui, de ceux qui étaient auteurs de crimes. A présent, je ne me sens héritier de cela, mais pas responsable, ni coupable. »

         « Assumer son héritage n’a rien à voir avec le repentir car il n’existe rien de tel qu’une responsabilité morale collective. »

           Il est bien dommage que le chroniqueur n’ait pas demandé à Pierre Joxe plus de précisions sur les conditions de son service militaire à Alger, dans les années qui ont précédé l’indépendance.

             Le chroniqueur poursuit, en sa qualité de professeur de philosophie, une comparaison audacieuse avec la situation de l’Allemagne : « En 1945, Karl Jaspers a donné un cours incroyablement lucide et courageux publié chez Minuit sous le titre «  La culpabilité allemande ». Il y distingue notamment la culpabilité juridique, qui concerne uniquement ceux qui se sont rendus coupables de crimes, de la culpabilité (1) politique, qui concerne un peuple tout entier, en tant que tel, y compris, Jaspers lui-même, bien qu’il ait été antinazi. »

            L’auteur précise dans une note de bas de page (1) : «  Dans le second cas, le terme de culpabilité n’a de sens que parce que le public auquel s’adresse Jaspers a connu le nazisme. Il ne convient bien sûr plus pour les générations suivantes et doit être remplacé par celui de responsabilité ou d’héritage. »

             Une comparaison audacieuse, pour ne pas dire une assimilation tout à fait suspecte, inacceptable entre les deux problématiques de l’Allemagne nazie et de la France coloniale.

             En référence implicite, ce type de réflexion « philosophique » confond naturellement le domaine algérien et le domaine colonial, une confusion qui arrange aussi le promoteur bien connu d’une soi-disant guerre des mémoires qui n’a jamais fait l’objet d’une validation scientifique.

          Je me suis demandé quels étaient les fondements du raisonnement philosophique proposé, quelles en étaient les sources ? Son passé familial, l’expérience d’un jeune professeur de philo à Alger à la fin du siècle passé, plus de trente ou quarante ans après les accords d’Evian, et quelques années après la deuxième guerre civile qui a ensanglanté l’Algérie ?

         Faute de mieux, j’ai analysé le contenu du roman « Le sermon sur la chute de Rome », un titre qui se propose de mettre le récit sous le patronage de Saint Augustin, dont la pensée, si j’ai bien compris, a nourri les études du romancier.

        Rien qu’à lire le titre, il y avait en effet de quoi toucher beaucoup de lecteurs, Rome, Saint Augustin, et la comparaison entre la chute d’un empire, colonial français, plutôt bref, qui eut beaucoup de mal à exister, même en Algérie, et celui de la Rome qui a duré plusieurs siècles.

            Une écriture allante, un roman qui entortille habilement l’histoire de deux jeunes corses autour du gros fil conducteur de la pensée augustinienne.

            Les deux « héros » en question, Mathieu et Libero, désertent leurs études, reviennent en Corse pour y tenir un bar, lequel devient très rapidement un refuge de beuveries et de débauches, avec ce qu’il faut de références coloniales, un père, Marcel,  qui fut à un moment donné de sa vie, fonctionnaire de l’Afrique coloniale, un oncle qui fut sous-officier colonial, avec inévitablement un séjour en Indochine, et « ses trafics abominables » (page 71), puis en Algérie, un autre parent officier, le capitaine André Degorce, qui fut également en Algérie (« la seule compagnie de ses mains trempées de sang » (p,145), une sœur, Aurélie qui fait évidemment des recherches archéologiques à Hippone, et qui connait Alger, avec pour finir l’émasculation de Pierre Emmanuel et l’assassinat du coupable, Virgile Ordioni, par Libero.

            Le roman n’est pas inintéressant, mais un lecteur qui dispose d’un minimum de culture coloniale ne peut s’empêcher de voir dans le fil de cette lecture qui se veut « augustinienne », le choix d’un décor, celui de la fin de l’empire colonial français, une intrigue truffée de ce qu’il faut d’ingrédients pseudo-historiques au gré de son fil idéologique, avec la question : que l’auteur de ce prix Goncourt connait-il de l’histoire coloniale française qui ne serait faite que de « crimes coloniaux » bien sûr, car la thèse idéologique qu’il défend est celle d’une France historiquement criminelle ?

            Le contenu du roman a au moins le mérite de faire référence à la multiplicité des relations coloniales qui existèrent entre la Corse et les colonies, et à leur rôle non négligeable, car les Corses y furent très présents pendant toute la période de l’empire.

            Décor de roman ou décor d’histoire ? Décor  de roman ou décor idéologique ? Pour l’inscrire dans un courant idéologique à la mode, même s’il commence à décliner, celui d’une histoire de France qui met en scène la célébration d’un culte victimaire, quel qu’il soit ?

            Au début de cette petite analyse, j’ai cité quelques-uns des prix Goncourt dont les auteurs avaient au moins le mérite d’une vraie expérience historique de témoins et d’acteurs.

         A la fin de son livre, l’auteur remercie les personnes qui lui ont apporté leur concours, notamment Jean-Alain Hauser : « Jean-Alain Hauser m’a permis de m’initier aux mystères conjoints de l’administration coloniale et des maladies tropicales dont jj me suis permis de déformer les symptômes en fonction de critères que je n’ose pas qualifier d’esthétiques ».

        Il convient de reconnaitre en effet que l’évocation de l’AOF coloniale est également toute en déformation.

      Et pourquoi ne pas conclure ces réflexions par celles-ci ?

1 – En dépit de tout ce que ces propagandistes racontent sur une France coupable de tous les maux de la terre, ils devraient se demander pourquoi tant d’Algériens et d’Algériennes sont venus se réfugier dans notre pays pendant la guerre islamiste des années 1990.

2- A voir tout autant beaucoup de jeunes algériens ou algériennes manifester leur désir ou leur volonté de venir dans notre pays, pourquoi ne pas se demander s’ils partagent aussi ce dégoût de l’histoire de notre pays ?

3- Le jour viendra, qui ne saurait beaucoup tarder, où les thuriféraires de ces mémoires tronquées et frelatées se trouveront discrédités, et où l’histoire rendra justice à tous ces citoyens de France qui se sont mis au service des habitants d’outre-mer, y compris pendant la guerre d’Algérie.

4- Enfin le vœu, si cela n’a pas déjà été fait, que le roman se voie couronner d’un Prix littéraire corse !!!

            Pour terminer, j’aimerais dire ma surprise, et sans être nécessairement bégueule,  de voir l’auteur en question publier une chronique hebdomadaire dans un journal comme La Croix, au risque d’y voir une recommandation faite aux bonnes paroisses de France de faire l’acquisition d’un ouvrage qui est aussi un hymne à la débauche.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Areva, Edf et l’Etat- Mayotte- le terroriste Abd… Mailly, l’indécrottable…

Humeur Tique

Areva, Edf, et l’ETAT- Mayotte – le terroriste Abd…Mailly, l’indécrottable FO

            Areva, Edf et l’Etat

    La déconfiture des deux grandes sociétés contrôlées par l’Etat, considérées naguère comme des fleurons de l’industrie française, pose la question du rôle de l’Etat, de sa responsabilité dans les décisions des conseils d’administration.

            La même déconfiture pose une autre question sur la responsabilité des deux grands « courtisans » qui en ont eu la responsabilité tout au long des dernières années, Madame Lauvergeon et Monsieur Proglio.

            Ne trouvez-vous pas curieux que dans toutes les informations que publient les journaux, on oublie d’interroger ces deux grands commis de l’Etat sur ces gestions calamiteuses ?

            Mayotte

          Récemment encore, la France s’est engagée stupidement à Mayotte, comme elle le faisait au temps des conquêtes coloniales de Jules Ferry, au XIX siècle.

        Quelques années passeront peut-être avant que le pays ne reconnaisse que les gouvernements français nous ont mis dans une impasse, dont personne ne saura comment en sortir.

        Valls va à Mayotte et promet des « mesures » de l’ordre de 50 millions d’euros, en plus de toutes les autres.

        Cela fait tout de même 2 350 euros par habitant de Mayotte! Pas si mal, non ?

        Est-ce que le Premier Ministre a exigé de la part des habitants de Mayotte qui revendiquent une égalité des droits, la même égalité de leurs devoirs ?

Abd… le terroriste assassin du Bataclan et du Stade de France !

             A voir et à entendre chaque jour les commentaires des médias sur ce terroriste, c’est à se demander si nos médias ne sont pas un peu fous, oui, fous, en faisant la pub quotidienne de ce barbare de l’Islam radical.

         Le 27 avril 2016, au Journal de 20 heures, avec Pujadas, dix minutes d’antenne !     Et on nous précise que ce barbare va bénéficier dans sa nouvelle cellule d’un poste de télévision.

         Au moins aura-t-il pu s’y voir déjà, et entendre le discours de son avocat déjà sollicité sur notre chaine publique !

          Heureux les terroristes qui tuent ou font tuer et qui bénéficient de tous les droits de notre défense judiciaire ! Que les pouvoirs publics informent les citoyens du coût de la défense de ces assassins ! Traque, prison cinq étoiles, avocats en série, etc…

          Sommes-nous, oui ou non en guerre ? Si oui, c’est la justice militaire qui devrait être saisie.

Mailly, enfin, l’indécrottable de FO !

Ce syndicat, au demeurant sympathique, composé majoritairement d’adhérents à statut protégé, n’a rien compris à l’évolution de l’emploi et de l’économie.

         Résultat : il ne joue aucun rôle dans le redressement du pays.

Jean Pierre Renaud