Le livre « Les empires coloniaux » – Lecture critique 2

Le livre  « Les empires coloniaux »

Sous la direction de Pierre Singaravélou

Lecture critique 2 (page 77 à 124)

          Nous allons à présent examiner d’un peu plus près le contenu des chapitres de ce livre.

 Chapitre 1 « Appropriations territoriales et résistances autochtones »  Isabelle Surun

       Ce chapitre est un bon résumé des analyses qui ont trait à la période des conquêtes et des résistances souvent minimisées par l’histoire coloniale traditionnelle. Il aurait toutefois été utile de tenter une typologie des opérations de conquête et des résistances et collaborations rencontrées.

         Il aurait été intéressant, à partir de quelques exemples tirés de la même période, et sur des théâtres d’opérations comparables, en milieu tropical ou tempéré, en forces égales ou inégales, en affrontements directs ou indirects (guérilla), de  comparer les récits qu’en ont fait, soit les acteurs, c’est-à-dire dans les deux camps, récits ou traditions orales, soit les chercheurs issus des deux camps du monde impérial.

      Il aurait été tout aussi intéressant de tenter de classer les types de résistances armées ou non, courtes ou longues, artisanales ou sophistiquées, de même que les types de coopération possibles selon les organisations religieuses, ou politiques rencontrées : quoi de commun par exemple entre les résistances rencontrées et les truchements disponibles avant 1939, en Afrique de l’ouest ou en Indochine, où il existait déjà une administration  impériale ?

Chapitre 2  « Castes », « races », et « classes »  Armelle Enders

      Un chapitre qui mérite à lui seul un long commentaire.

   Il s’agit d’une synthèse comparative hardie et, ambitieuse, compte tenu de la multiplicité des contraintes historiques rencontrées, dues tout à la fois au sens des concepts analysés à la fois en Europe et dans les territoires des empires, selon les époques et selon les territoires, à leur relativité, et au risque constant d’interprétation idéologique qui pèse sur ce champ historique.

    Je serais tenté de dire que, par définition, il s’agit d’une entreprise historique impossible, sauf à analyser, au cas par cas, et époque par époque, le contenu de ces mots et l’existence même des perceptions que les différents peuples en avaient, si tant est que la chose soit possible.

       La contribution proposée soulève un certain nombre d’autres questions de ma part.

     Est-ce qu’il est possible d’écrire « L’esclavage, l’institution structurante » (p,83) ? Où et pour qui ?

       En France même, alors que, hors une petite élite politique de la Cour, seule la périphérie atlantique des ports en a eu connaissance, sinon l’expérience, et pendant une période de temps limitée ?

       La France est restée très longtemps un pays de villages.

Le monde des îles Caraïbes aurait été à ce point capable d’irradier en France et en Europe ? Une thèse qui parait donc frappée d’un brin d’exagération, pour ne pas dire plus.

      L’esclavage n’aurait-il pas été plus structurant en Afrique noire, avec à l’ouest le double mouvement de l’esclavage atlantique et de l’esclavage domestique qui a duré longtemps, et qui dure encore en Mauritanie par exemple, et avec, à l’est, le double mouvement de l’esclavage arabe et de l’esclavage domestique qui a duré également longtemps, s’il n’existe pas encore.

      A Madagascar, où l’esclavage a été supprimé à la fin du dix-neuvième siècle, n’aurait-il pas eu une fonction beaucoup plus structurante qu’en France, avec des effets qui se poursuivent encore de nos jours ?

      Pour ne pas évoquer les dégâts causés dans les peuples côtiers par les négriers de l’Océan Indien !

     A la page  85, une des sources citées est celle d’une publication de Frederick Cooper intitulée «  Plantation Slavery on the East Coast of Africa ».

    L’analyse de l’esclavage que fait le même auteur dans « Le colonialisme en question » mérite d’être citée :

     « C’est ici que s’interpénètrent des histoires que l’on ne peut simplement comparer. Aux XVII° et XVIII° siècles, l’économie britannique était prête pour utiliser ses connexions ultramarines  de manière plus dynamique que ne l’avaient fait les impérialistes ibériques à une époque antérieure. Les rois africains étaient vulnérables chez eux et puisaient leur pouvoir dans leurs liens avec l’extérieur. Le commerce des esclaves ne signifiait pas la même chose pour les différents partenaires : pour le roi africain, il signifiait l’acquisition de ressources (de fusils, de métaux, de vêtements et autres produits ayant un potentiel redistributif) en s’emparant des biens humains d’autrui et en s’évitant ainsi de devoir subordonner sa propre population. Razzier un autre territoire et vendre à un acheteur étranger les esclaves récupérés externalisaient non seulement le problème du recrutement mais aussi celui de la surveillance. Avec le temps, le marché extérieur eut un impact croissant sur les politiques et les économies de certaines régions d’Afrique occidentale et d’Afrique centrale, impact que n’avaient pas prévu les premiers rois africains qui se trouvèrent impliqués dans ce système transatlantique. Il favorisa les Etats militarisés et accrut l’efficacité des mécanismes de la traite des Noirs. Du point de vue des participants africains à ce processus, cette militarisation fut une conséquence non voulue de cette fatale interpénétration : les débouchés pour les captifs de guerre créèrent une logique nouvelle et insidieuse qui commença d’alimenter tout le système de la prise et du commerce d’esclaves. » (p,140,141)

     J’ai surligné en gras les mots qui suffisaient à mes yeux pour caractériser une description historique tout à fait étrange, sauf à dire qu’elle valait pour l’Empire anglais, ce qui est loin d’être sûr.

      L’auteur américain de ce texte est celui du chapitre 9, intitulé « Conflits, réformes et décolonisation ». (p,377) 

    La traite des esclaves fut effectivement une institution de structuration ou de déstructuration en Afrique noire, compte tenu des dégâts en tout genre causés aux sociétés africaines par la traite des Noirs de l’est ou de l’ouest.

     Le passage consacré aux « savoirs coloniaux et à l’ingénierie sociale » soulève à nouveau la question polémique du « pouvoir » qu’auraient eu les colonisateurs de créer de toutes pièces les « ethnies » africaines, puisqu’il s’agit d’elles.

     « Ingénierie sociale » du colonisateur ? N’est-ce pas lui prêter beaucoup de savoir-faire ? Ingénierie sociale au service de l’ethnie ? (p,110, 111)

       J’ai relu et analysé les articles rédigés par MM Amselle, Dozon, et Bazin, parus dans le petit livre « Au cœur de l’ethnie », sur les Bété de Côte d’Ivoire, et les Bambara du bassin du Niger, et les questions de fond que leurs thèses posent sont celles de savoir :

    – s’ils n’ont pas mis plus de contenu  dans la description qu’ils font du sujet que les premiers explorateurs ou administrateurs qui sont entrés en contact avec ces populations dont les villages étaient dispersés dans la forêt ou dans le bassin du Niger, et dont le seul lien apparent le plus souvent était un langage commun, et que dans la discussion ouverte sur l’ethnie, la cible visée n’ait pas été plutôt la race : pas d’ethnie, donc pas de race !

    La préface de la deuxième édition montre clairement que l’objectif visé est la stigmatisation de tout recensement de type ethnique en métropole, de crainte d’y réveiller les « fantômes » de la race et d’y importer le modèle qui aurait existé dans les colonies, pour autant que ces fantômes aient existé.

      – s’ils n’ont pas mis plus de contenus aussi que ceux de la tradition écrite quand elle existait, ou orale quand elle fut recueillie, cédant à la tentation du blanc qui, mieux que le noir, dit la vérité de l’ethnie d’Afrique ou d’ailleurs, le sachant blanc prenant la place du sachant noir.

      –  si leur analyse est représentative des réalités ethniques du monde, car leur regard, à part le cas du Rwanda, est principalement centré sur l’Afrique de l’ouest.

       Afin de ne pas trop allonger mon commentaire, j’envisage, si j’en ai le courage, de publier   ultérieurement un plus long commentaire à ce sujet sur mon blog, mais je vous avouerai que ce type de discussion frise à mon avis avec celle du sexe des anges, compte tenu de toutes les ambiguïtés qui pèsent sur ce débat, alors que dans les médias, beaucoup de journalistes sans doute « racistes » n’hésitent pas à emprunter de nos jours le mot « ethnie » pour décrire les situations qu’ils rencontrent sur le terrain et dans leur domaine.

      Et que penser des appellations de minorités ethniques qui sont celles de la Chine ou du Vietnam ?

     J’ai relu les récits de M.Nebout et de M.Thomann qui furent parmi les premiers administrateurs des premiers cercles créés en Côte d’ivoire.

       En 1894, à Tiassalé, chez les Baoulé, Nebout  « apprend », si je puis dire, cette Afrique de la forêt des Baoulé où il est chargé de créer de toutes pièces une administration coloniale dans le cadre d’un cercle de commandement découpé à l’emporte- pièce dans un cadre géographique inconnu, au sein d’une Afrique locale tropicale constituée avant tout de villages isolés, tentant d’interpréter, comme il le pouvait, les signes d’un ensemble collectif vivant et présent, le langage en étant le plus évident.

    Il convient d’ailleurs de noter que M.Nebout épousa officiellement une femme d’origine Baoulé.

     M.Thomann faisait le même type d’expérience, et tous les deux utilisaient beaucoup d’appellations différentes pour dénommer les situations humaines qu’ils découvraient, royaumes, pays, tribus, peuples, peuplades, villages…

      Les récits retiennent les vocables d’indigènes, de chefs de villages, de pays, mais pas d’ethnie.

    En 1894, il n’y avait en Côte d’Ivoire, colonie créée de toutes pièces en 1893, que deux postes administratifs dans l’intérieur, Bettié sur la Comoë, et Tiassalé sur la Bandama.

    L’auteure du chapitre 2 écrit :

    « En Côte d’Ivoire, l’ethnie des Bétés, l’un des groupes les plus emblématiques de ce pays, ne correspond pas à une entité précoloniale : elle s’est constituée à partir de la conquête française. » (p,111)

     Outre le fait qu’une telle assertion mérite d’être discutée, il est tout de même difficile de partir de cet exemple historique pour en tirer une théorie générale sur le sens et le fondement des ethnies en Afrique ou ailleurs.

     « Un des groupes les plus emblématiques de ce pays » ? A quelle époque ?

     Il est évident qu’au fur et à mesure de la colonisation et de la mise en place d’une administration coloniale dispersée et fragile, dans l’ignorance généralisée de ces nouveaux territoires, les découpages du commandement ont opté le plus souvent pour la voie la plus simple, fut-elle arbitraire, ne serait-ce que géographique !

     Il n’en reste pas moins que le concept d’ethnies a bien eu un contenu variable en cohérence et en force collective dans un certain nombre de cas, et l’historien Ki Zerbo dans ses analyses approfondies de l’histoire de l’Afrique fait constamment appel à ce terme, à titre d’exemple : « un certain nombre d’ethnies du Fouta et de Sénégambie » (p,137)

     La thèse défendue par M.Amselle n’est d’ailleurs pas dénuée d’une certaine contradiction quand il écrit :

     « La cause parait donc entendue : il n’existait rien qui ressemblât à une ethnie pendant la période précoloniale. «  (p,23)

      Et plus loin :

     « Dans certains cas, comme nous l’avons vu, « l’ethnie » est donc une création précoloniale, en ce sens qu’elle est un mode de regroupement idéologique d’un certain nombre d’agents et cela en parfaite continuité avec les unités sociales plus petites que sont les « clans » et les «  lignages ». (p38)

     Le même anthropologue impute la responsabilité de la définition du terme à l’ethnocentrisme :

      « On voit combien la définition de ce terme est entachée d’ethnocentrisme et combien elle est tributaire de l’Etat-nation, telle qu’elle a pu être élaborée en Europe. »  (p,19)

      Ne s’agit-il pas plutôt du contraire ?

     A lire la bibliographie de ce chapitre, il est légitime de se poser la question : regard « ethnocentrique » ou regard « périphérique » de ceux qui ont témoigné dans chaque territoire sur le type de relations humaines y existant ?

     Le chiffre très faible des travaux consacrés par exemple par l’Université de Dakar à l’esclavage domestique ne serait-il pas une indication intéressante sur la prudence que les historiens des « périphéries » manifestent sur le même type de sujet ?

     Pour citer à nouveau le roman « Amkoullel, l’enfant peul », le titre même plaide déjà pour l’existence d’un groupement humain de type peul, et tout au long des pages le lecteur découvre la variété des ethnies locales, peuls, bambaras, songhaï, ou dogon, ainsi que l’existence de castes de naissance, ainsi que de la persistance d’un esclavage domestique, les captifs de case.

     Et pourquoi ne pas ajouter que ces sociétés « indigènes » n’étaient pas exemptes de ce que l’Europe moderne a qualifié de racisme ?

     Les ethnies, quelles qu’elles soient, avaient le plus souvent un nom qu’elles se donnaient elles-mêmes ou que les autres lui donnaient, et ces appellations étaient changeantes selon les époques et les lieux, plus changeantes dans les zones d’échanges que dans les zones reculées de l’Afrique.

    Pourquoi ne pas appeler en témoins, dans chaque cas, les descendants vrais ou supposés de ces peuples qualifiés d’ethnies ?

     Sauf à dénier le témoignage d’un grand témoin de cette Afrique qui semble parfaitement s’inscrire dans les revendications d’une histoire postcoloniale qui découvrirait toute l’importance des histoires de la périphérie ou d’en-bas, un terme bien malheureux, citons un passage du livre  « OUI MON COMMANDANT » d’Amadou Hampâté Bâ :

     « Sous l’effet de la colonisation, la population de l’Afrique occidentale française s‘était divisée automatiquement en deux grands groupes, eux-mêmes subdivisés en six classes qui vinrent se superposer aux classes ethniques  naturelles. Le premier était celui des citoyens de la République Française, le second, celui des simples sujets.

Le premier groupe était divisé en trois classes : les citoyens français pur-sang, nés en France ou Européens naturalisés français ; les citoyens des « quatre communes de plein exercice » du Sénégal (Gorée, Saint louis, Dakar et Rufisque) ; enfin les Africains naturalisés citoyens français. Tous jouissaient des mêmes droits (en principe) et relevaient des tribunaux français.

     Le second groupe, celui des sujetscomprenait à son tour trois classes : au sommet de la hiérarchie venait les sujets français du Sénégal, qui jouissaient d’une situation privilégiées par rapport à ceux des autres pays et auxquels on évitait de se frotter, par peur des répercussions judiciaires ou politiques ; puis venaient, dans les autres territoires, les sujets français « lettrés » (c’est-à-dire scolarisés ou connaissant le français) et les sujets français « illettrés » uniquement du point de vue français, cela va de soi.)

     A côté de cette division officielle de la société, l’humour populaire en avait créé une autre, qui se réduisait à quatre classes : celle des blancs-blancs (ou toubabs) qui comprenait tous les Européens d’origine ; celle des blancs-noirs qui comprenait tous les indigènes petits fonctionnaires et agents de commerce lettrés en français, travaillant dans les bureaux et les factoreries des blancs-blancs qu’ils avaient d’ailleurs tendance à imiter ; celle des nègres des blancs qui comprenait tous les indigènes illettrés mais employés à un titre quelconque par les blancs-blancs ou les blancs-noirs (domestiques, boys, cuisiniers, etc…) ; enfin, celle des noirs-noirs, c’est-à-dire les Africains restés pleinement eux-mêmes et constituant la majorité de la population. C’était le groupe supportant patiemment le joug du colonisateur, partout où il y avait joug à porter.

       Du point de vue de la division « officielle » des classes, j’étais un sujet français lettré, né au Soudan, donc juste au- dessus de la dernière catégorie. Mais selon la hiérarchie indigène, j’étais incontestablement un blanc-noir, ce qui, on l’a vu, nous valait quelques privilèges – à cette réserve près qu’à l’époque le dernier des Blancs venait toujours avant le premier des Noirs. » (pages 186,187, Acte Sud) 

      A la lecture de l’analyse du livre de Frederick Cooper, intitulé « Français et Africains ? »que je publierai sur ce blog, le lecteur se rappellera le contenu du paragraphe ci-dessus  « le second groupe, celui des sujets… » et la place qui occupaient les sujets français du Sénégal.

     Les témoignages de deux administrateurs coloniaux, Labouret et Delavignette,  que certains classeraient volontiers dans la catégorie nouvelle des « colonialistes » en apprennent beaucoup plus sur le vécu des paysans et des villages à l’époque coloniale que certaines historiographies.

       Un seul échantillon, pour conclure sur ce chapitre : Labouret,

    « Avec les castes, les classes, les corporations de métier, nous avons considéré un autre aspect de la vie paysanne, qui parait si simple à l’observateur superficiel et si complexe à qui s’inquiète de sa complexité. La société rurale est avant tout hiérarchisée, avec ses nobles, ses hommes libres, ses esclaves, ses spécialistes, tous divisés et subdivisés en catégories superposées et antagonistes. L’analyse qui précède, bien que très incomplète, nous permet cependant de comprendre comment fonctionne cette société et d’indiquer les types particuliers qui l’animent. » (page 131, Paysans d’Afrique Occidentale, Gallimard 1941)

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Frederick Cooper versus Elise Huillery ? Le fardeau de l’homme blanc ou noir en Afrique Occidentale Française ?

Frederick Cooper versus Elise Huillery ?

Ou les contradictions de l’histoire postcoloniale sur le colonialisme et l’anticolonialisme !

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 La France a – t- elle été oui ou non « le fardeau de l’homme noir » dans l’ancienne Afrique occidentale française ?

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Selon la déclaration de Mme Huillery dans le journal Le Monde du 27 mai 2014 :

« La France a été le fardeau de l’homme noir et non l’inverse »

Et corrélativement, et si on lit bien le dernier livre de Frederick Cooper intitulé « Français et Africains ? », les dirigeants africains de l’Afrique noire des années 1945-1960 auraient été masochistes à ce point qu’ils auraient demandé à continuer à porter le fardeau de l’homme blanc, même après la deuxième guerre mondiale ?

En ce qui concerne le premier point, l’analyse critique de la thèse Huillery, que nous avons publiée au cours des derniers mois, démontre qu’elle n’est pas bien fondée.

En ce qui concerne le deuxième point, le livre de Frederick Cooper, nous verrons avec nos lecteurs ce qu’il faut en penser.

Notons simplement pour l’instant que l’auteur fait l’impasse sur le volet économique et financier des relations existant à l’époque ente la France et l’Afrique Occidentale Française, l’objet central de la thèse Huillery.

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique – Une politique d’union nationale à petit bras- La tragédie grecque de M.Tsipras

     Hollande joue petit bras !

             Après les attentats de janvier, le Président avait l’occasion unique de devenir le champion d’une union nationale seule capable de sortir la France des ornières du passé.

             Il n’a rien fait !

         La tragédie-comédie de la loi Macron, timide tentative de coopération entre une gauche et une droite réunies pour un modeste progrès, démontre une fois de plus que le Président s’enferme dans des schémas politiques obsolètes dont il croit sortir en lançant le pays dans des aventures militaires extérieures pour l’honneur et la grandeur de la France, alors qu’il y a le feu dans la maison.

Tsipras, le nouveau dieu de la Grèce !

         Tsipras, le nouveau héros des tragédies grecques se croit encore sur l’Acropole antique, en apostrophant les dieux de l’Olympe européen.

             Non, Monsieur Tsipras nous ne sommes plus dans l’Antiquité !

La planète handball au Qatar: du ballon ou du fric qui roule? un idéal pour notre jeunesse ?

La planète handball au Qatar : du ballon ou du fric qui roule ?

Ethique et modèle civique pour la jeunesse de France ?

Un idéal pour notre jeunesse ?

Le vrai débat !

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            La dernière Coupe du Monde de handball au Qatar a de nouveau mis en pleine lumière, dans les déserts du Golfe du gaz et du pétrole, le débat toujours engagé sur la marchandisation du sport et sur les dangers qu’elle fait courir à notre jeunesse.

Modèle de l’effort ou modèle du tout fric ?

        J’ai déjà eu l’occasion sur ce blog de critiquer la prise en mains par le Qatar du club parisien le PSG, par le biais de la concession du Parc des Princes, une opération qui a permis à cet émirat étranger de mettre la main sur l’image de la capitale, Paris, mais aussi de la France.

          Cette opération a reçu l’approbation de « l’établissement » parisien de la gauche et de la droite par l’intermédiaire du Conseil de Paris, alors que la municipalité était dirigée par le socialiste Delanoë.

         Il est évident que cette opération de marketing international visait à mettre au premier plan les réussites sportives d’un club bourré aux as par le Qatar, un beau succès pour ce que les esprits savants dénomment le « soft power » des nouvelles puissances.

          J’ai analysé cette nouvelle forme d’impérialisme sur ce blog.

        Ce mélange des genres entre le sport et le fric est de nature à détourner le sport de ses objectifs initiaux et de changer la formule de Coubertin « L’important dans ces Olympiades, c’est moins d’y gagner que d’y prendre part » en « il est important de payer ou de se faire payer ».

         « Le foot entre civisme et affairisme (Forum&Débats), le 6 juin 2014, et à propos de la Coupe du monde de football, M.Mignon écrivait dans la Croix, sous le titre :

        « Un producteur de citoyenneté » :

        « Par le maillage du territoire national réalisé par les presque 18 000 clubs, le football partage avec l’école des problématiques communes, telles que l’accueil des familles défavorisées et marginalisées là où une partie des services publics a disparu, et représente ainsi une des institutions structurantes de la société française. »

        Le même jour, dans la même page, et sous le titre « Sport et mondialisation, unis par un lien dialectique » M.Boniface plaçait sa réflexion sur un terrain différent :

         « … En 2022, pour la première fois, la Coupe du monde aura lieu dans un pays arabe et musulman, le Qatar. Le choix est critiqué, mais le vote obtenu en 2010 par 14 voix contre 8 pour les Etats Unis est dans la logique d’expansion des pays hôtes et de la recherche de l’universalisme. Il ne serait guère étonnant que la Coupe s’installe en Chine en 2026…. Sport et mondialisation sont unis par ce lien dialectique. »

         Tout le monde ou presque sait que la régularité de  ce vote  a été contestée, mais il est tout de même étrange de placer ce type d’analyse dans le champ du concept de l’universalisme, lequel ? La mondialisation du tout fric ?

Je serais tenté de dire que la balance entre civisme et affairisme penchait déjà nettement vers l’affairisme, sans discussion.

          En écho, aux attentats de janvier, le même journal publiait le 26 janvier 2014, une chronique cosignée de MM.Boniface, directeur de l’Iris et de Massiglia, président du CNOSF, intitulée : « En quête de repères »

       Afin de démontrer le rôle positif du sport sur la société française, cette chronique s’appuyait sur deux exemples, ceux de Singapour et de Medellin.

           Il parait tout de même difficile de comparer la situation française, ne serait-ce que sur le plan d’une représentativité statistique assimilable à celle de nos quartiers sensibles, à celle de Singapour, une ville-Etat de type dictatorial, et Medellin « soumise au sinistre cartel qui porte son nom… », comme cette chronique le rappelle.

        Est-ce que le sport mondialisé, soumis aux lois du tout fric, la forme triomphante d’un nouvel universalisme, made in Boniface accrédite encore l’appréciation qui suit ? :

         « Le sport est un exemple réussi de méritocratie républicaine. Le talent et le travail, qui ne sont rien sans l’autre, y sont justement récompensés »

       La Coupe du monde du handball qui vient de se dérouler au Qatar mérite le détour dans ce type de débat, car de la plume des journalistes eux-mêmes, cette compétition était la caricature du sport.

       Dans Le Monde du 3 février 2015, sous la plume d’Henri Seckel :

      « La farce qatarie, que tout le monde voyait s’achever en quarts de finale, a duré plus longtemps que prévu. »

        Dans les Echos du 3 février 2015, sous la signature de Guillaume Maujean

     « Mascarade sportive

      Par un de ces pieds de nez que le sport sait parfois distiller, le Qatar a donc reçu, à l’issue d’une finale de handball dominée par la France, la médaille d’argent. Dee l’argent, il n’en a pas manqué lors de ces championnats du monde organisés par l’émirat gazier… il a bâti une armée de mercenaires… Il a enfin fait venir tous frais payés, des supporters espagnols pour encourager son équipe…

     Comment ne pas voir en effet dans cette aventure le stade ultime du sport businesse, où l’on peut désormais acheter sur commande une compétition, des joueurs, des supporters…

     Le Qatar est aussi au centre des turpitudes d’une autre fédération, celle de football ; qui lui a confié l’organisation de la Coupe du monde de 2022…Une autre mascarade. »

     Pourquoi donc ne pas se poser une bonne question : universalisme du fric ou universalisme des lumières revisité, modèle 2015 ?

     Pour conclure avec un nouveau tir au but, l’article de Jean-François Fournel dans la Croix du 5 février 2015 sur la Coupe d’Afrique qui a lieu en Guinée équatoriale :

    « La Guinée équatoriale s’est qualifiée pour la demi-finale de la Coupe d’Afrique de ce soir contre le Ghana, grâce à un pénalty imaginaire accordé par l’arbitre en sa faveur, lors du quart de finale contre la Tunisie…

      Le sélectionneur de cette équipe, nommé deux semaines avant le match d’ouverture, a eu quelques jours pour composer un groupe de joueurs totalement inconnus, dont quelques-uns ont été naturalisés en urgence. »

Jean Pierre Renaud

Sottise postcoloniale: Assimilation, intégration, « nettoyage de l’identité » Le Monde du 13 février 2015

Sottise postcoloniale : assimilation, intégration, « nettoyage de l’identité… »

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Journal Le Monde du 13 février 2015, page 10

« Nicolas Sarkozy veut lancer un débat sur l’Islam »

Alexandre Lemarié

&

       M.Lemarié interviewe l’historien Blanchard, je cite :

            «  Assimiler c’est vouloir effacer »

            « … Pour souligner sa différence avec son concurrent, l’ancien président de la République a affirmé que la droite ne pouvait « pas continuer à utiliser le mot « intégration » mais devait désormais « utiliser le mot « assimilation ». Un terme qui est tout sauf neutre. « Il est directement issu de la période coloniale, rappelle Pascal Blanchard, cela suppose de vouloir faire rentrer l’immigré dans un modèle, avec la notion de nettoyage de l’identité. »

       Tout d’abord, un rappel de vocabulaire tiré du Petit Robert :

                  Assimiler, c’est rendre semblable

            Intégrer, c’est établir une interdépendance plus vivante entre les membres d’une société.

            L’historien  cite « l’immigré », mais s’agit-il effectivement de l’immigré, celui qui a une carte de séjour, ou du citoyen français d’origine immigrée ?

         Le même historien utilise aussi une expression douteuse, celle- là, «  la notion de nettoyage de l’identité », très proche de l’autre expression plus connue de « nettoyage ethnique ».

         L’ambition coloniale française de l’assimilation n’a jamais dépassé, sauf cas particuliers des quatre communes du Sénégal et des actuels départements d’outre- mer, le stade de la parole, de la propagande, pour la raison bien simple qu’elle était vouée à l’échec, même en cantonnant son sens à la citoyenneté politique.

      En Algérie, la place de l’Islam compliquait la solution du problème, et dans les autres colonies, hors Antilles, la diversité des cultures et des croyances, les statuts privés des peuples de ces pays, l’effectif des évolués par rapport au total de la population, le poids démographique et donc politique des peuples susceptibles d’être assimilés, la relation qui fut faite entre la citoyenneté politique et la citoyenneté sociale, c’est-à-dire le coût social qu’une telle opération représentait pour la métropole  enlevait tout fondement à ce type d’opération….

      L’assimilation « coloniale » n’a donc été qu’un rêve !

     Quant à parler dans le cas des immigrés, de « nettoyage de l’identité », il semble, et si j’ai bien compris, que le propos de M. Blanchard n’ait sans doute pas visé les immigrés eux-mêmes, mais les descendants d’immigrés.

     Si tel est le cas, et en ce qui concerne leur relation avec les institutions de la République Française, plutôt que d’assimilation ou d’intégration, il vaudrait mieux parler plus simplement d’application  des lois françaises.

     La loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905 et les principes de laïcité qui régissent notre République, doivent effectivement être appliqués, sans savoir s’il s’agit d’assimilation ou d’intégration.

    Cessons de jouer avec le feu des anciennes guerres françaises de religion, sanglantes au cours des siècles passés, et politiquement violentes, jusqu’au début du vingtième siècle.

      Cette loi française de paix civile est notre loi. Appliquons- la ! Sans ergoter !

     Jean Pierre Renaud

« Les empires coloniaux » sous la direction de M.Singaravélou- Lecture critique

« Les empires coloniaux »

« XIX°-XX°siècle »

Points

Sous la direction de Pierre Singaravélou

Lecture critique

         Comme je l’ai annoncé le   6 janvier 2015 sur ce blog, je me propose de publier successivement une série de textes d’analyse de ce  livre.

        Cet ouvrage comprend neuf chapitres dont l’ambition est de balayer le spectre des empires coloniaux des deux siècles passés à partir des thèmes ci-après :

       1 – Les appropriations territoriales et les résistances autochtones : Isabelle Surun

       2- Castes, races et classes : Armelle Enders

       3 – Des empires en mouvement : Pierre Singaravélou

      4 – Reconfigurations territoriales et histoires urbaines : Hélène Blais

      5 – L’Etat colonial : Sylvie Thénault

      6 – Un « Prométhée » colonial ? Claire Fredj et Marie-Albane de Suremain

      7 – Un bilan économique de la colonisation : Bouda Etemad

      8 – Cultures coloniales et impériales. Emmanuelle Sibeud

      9 – Conflits, réformes et décolonisation Frederick Cooper

L’introduction

          A elle seule, l’introduction, dans son questionnement de synthèse, propose un bon cadrage des analyses historiques de ce livre, des analyses qui sortent du débat anachronique et souvent idéologique dans lequel certaines écoles historiques tentent d’enfermer le lecteur.

          Cette introduction au contenu très riche pose dès le départ les limites historiques de ces analyses, compte tenu de leurs sources :

        « Situations coloniales et formations impériales : approches historiographiques » (page 8)

        Ma première remarque a trait au champ historique et géographique choisi : deux siècles d’empires sur cinq continents, avec l’ambition de proposer une synthèse de situations coloniales et de temps coloniaux qui ont été extrêmement variés, changeants, et difficilement comparables, s’agit-il d’une gageure raisonnable ? Sauf, s’il ne s’agit que « d’approches » comme annoncé.

     Seulement à la fin du dix-neuvième siècle, quoi de commun entre la Corée coloniale, la Mandchourie coloniale, les Philippines coloniales, l’Indochine coloniale, les Indes coloniales, le Congo Belge, et l’Afrique Occidentale Française …, pour ne pas parler des empires coloniaux de Russie ou de la Turquie ?

     Une deuxième remarque de méthode historique :

     Ligne historique directe ou indirecte ? Un postulat à démontrer : ces sources historiographiques sont-elles représentatives de la réalité historique des empires coloniaux ? Dans quelles limites ?

      Quelle valeur historique ajoutée ?

      Certains historiens ou historiennes paraissent en effet se consacrer plus à l’historiographie qu’à l’histoire, c’est-à-dire à la recherche des dates, des faits, des chiffres qui caractérisaient le fonctionnement concret des sociétés coloniales « visitées », une observation d’autant plus importante que tous les spécialistes savent qu’il est très difficile de procéder à des comparaisons historiques pertinentes entre territoires et empires, sans tenir compte des situations coloniales et des temps coloniaux.

      A l’évidence, ce type de source introduit un doute sur la crédibilité des analyses, car s’agissant de synthèses sur des synthèses, comment avoir l’assurance qu’elles correspondent à des situations coloniales et métropolitaines ayant réellement existé et susceptibles d’être comparées ?

      Pour avoir lu de nombreux témoignages d’explorateurs, d’officiers ou d’administrateurs, je me pose la question de savoir, à consulter les bibliographies souvent et d’ailleurs étrangères, si ce type de source historique a encore de la valeur pour les historiens postcoloniaux ?

     Ce livre fait donc preuve d’une certaine hardiesse en se lançant dans une  démarche historique de synthèse qui chevauche cinq continents et deux siècles, avec l’ambition de proposer aux lecteurs une valeur ajoutée historique à celle de l’abondante historiographie consultée.

     En ce qui me concerne, et à propos de la chronique que j’ai publiée sur le blog, sur la comparaison entre les deux empires anglais et français, une ambition plus limitée que celle proposée par ce livre, ma conclusion a été que ce type de comparaison n’était pas très pertinente.

      Troisième remarque de méthode intimement liée à la précédente, celle de l’identification géographique et culturelle des mêmes sources, afin de limiter le risque le plus souvent reproché à nos histoires coloniales métropolitaines d’être marquées du défaut de l’ethnocentrisme.

      Un des trois adages de cette introduction aurait mérité en effet de trouver complètement à la fois son emploi et sa démonstration :

     « Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse ne pourront chanter que la gloire du chasseur »

         Proverbe nigérian

      Ne serait-il pas judicieux, afin que les discours tenus sur l’importance nouvelle du « subalterne », du « périphérique », du « global », ou du « connecté », ne soit pas suspectés de ce défaut, c’est-à-dire d’une nouvelle forme d’ethnocentrisme qui ne dit pas son nom, d’afficher les origines géographiques et culturelles des sources de l’historiographie citées, en distinguant celles qui ont pour origine, des chercheurs issus des empires examinés qui ont analysé les sources de leur pays, écrites ou orales, celles en Afrique, dites de la « tradition », et celles qui sont issues des travaux de chercheurs issus des métropoles.

        A titre d’exemple, les livres de Person sur « Samori », avec un très large appel aux sources de la « tradition », ou d’ A.Hampâté Bâ et J.Daget sur « L’Empire Peul du Macina » (1818-1853), un ouvrage dont le contenu était tiré entièrement de la tradition orale, fournissent des indications précises sur l’origine des sources.

       Autre difficulté de méthode : au-delà ou en deçà de l’histoire des idées, celle des chiffres, des grandeurs statistiques trop souvent négligées dans l’histoire coloniale ou postcoloniale française, hors les travaux de Jacques Marseille sur l’empire français,  de Daniel Lefeuvre sur l’Algérie, ou plus récents dans quelques-unes des contributions du livre « L’esprit économique impérial ».

        Le chapitre consacré aux empires en mouvement a le mérite de mettre en valeur ce facteur historique trop souvent ignoré, l’importance des mouvements migratoires de l’époque analysée, une analyse des chiffres qui relativise la perception historique que l’on peut avoir du mouvement des empires.

        A l’inverse, la contribution consacrée au bilan économique de la colonisation du chapitre 7 souffre d’une grande indigence de statistiques, surprenante étant donné que son auteur ferait partie d’une institution dénommée « The Paul Bairoch Institute of Economy History » de l’Université de Genève, donc sous le patronage d’un économiste historien qui s’est illustré dans l’analyse de statistiques financières et économiques de longue durée, d’autant  plus dérangeantes qu’elles mettaient par terre de nombreuses théories sur les rapports supposés et existant entre les économies développées et le monde des colonies.

      Autre question difficile à traiter, l’usage et le sens des concepts d’analyse choisis, sauf à rechercher dans la consultation des sources écrites ou dans les « traditions » locales, ce à quoi ils pouvaient correspondre, afin d’éviter un risque d’affublement ethnocentrique !

    Races, ethnies, classes : de quoi s’agit-il selon les époques ou les lieux ?

     En 1900 par exemple, sur les rives des fleuves d’Asie, d’Afrique, ou d’Europe, les ethnies, les races, ou les castes n’existaient pas ? Au témoignage même des grands lettrés des époques et territoires considérés ? En Asie, en Europe, comme en Afrique ?

     En Afrique, et dans le récit « Amkoullel, l’enfant peul », le grand écrivain Hampâté Bâ raconte qu’en arrivant pour la première fois dans sa classe, à Bandiagara, en 1912, son réflexe naturel fut de laisser sa place, l’avant-dernière, à Madani, qui occupait le dernière, alors qu’il était fils du chef :

     « Qui  vous a permis de changer de place ? s’écria le maître en bambara… »

     « Madani est mon prince, monsieur. Je ne peux pas me mettre devant lui. » (p331) 

     C’est donc sur l’intervention de l’instituteur, que l’égalité de rang entre élèves fut rétablie.

     Etat ? Il est difficile sur un tel sujet d’échapper à la projection conceptuelle de l’Etat tel que les Occidentaux  le concevaient, ou le conçoivent encore aujourd’hui avec les innombrables variantes géographiques ou temporelles que l’Europe a connues tout au long des 19ème et 20ème siècles.

      Quoi de commun entre la monarchie anglaise, la république française, l’empire allemand à  laquelle a rapidement succédé le nazisme ?

      Quoi de commun entre les empires d’El Hadj Omar, d’Ahmadou ou de Samory entre eux, ou comparés à l’émiettement des « Etats » de la forêt ?

      Quoi de commun entre le « Raj » indien des Anglais et l’Empire d’Annam ou de Chine ?

      Quoi de commun entre les différentes formes d’états existant dans le monde, qu’il s’agisse d’empires ou non à une  époque déterminée ?

     Nous verrons plus loin ce qu’un ancien gouverneur colonial, M.Delavignette écrivait à ce sujet, fort de son expérience africaine, sauf à contester un regard qui n’aurait pas été assez « subaltern », alors que dans le cas d’espèce il s’agit bien du témoignage d’un homme de terrain.

      L’introduction marque bien la complexité et la relativité des concepts et des analyses, en posant tout d’abord la question : « De quoi l’empire est-il le nom ?, et en enchainant sur une deuxième question : « La domination coloniale en question »

     Après avoir souligné : « L’empire est désormais partout » (p,9), l’auteur écrit : « les empires coloniaux se distinguent toutefois des autres empires par au moins deux caractères déterminants, leur dimension ultramarine

       Et par la présence « des sociétés coloniales constituées par des groupes sociaux en situation de contacts contraints et asymétriques : une minorité étrangère « racialement et culturellement différente » impose sa domination à une majorité autochtone » (p,15)

      L’auteur remarque toutefois, et à juste titre à mon avis : « Il serait utile de poursuivre ce travail de comparaison entre expansionnisme continental et colonisation ultramarine »

     Quid par exemple des américains et de leur conquête de l’ouest sur les Indiens ou des russes et de leur conquête du sud sur les Tartares ?

     Pour ne pas citer le cas des Chinois vers le nord, le sud, et l’ouest.

     Pour cette définition, l’auteur appelle en garantie les critères de souveraineté et de dépendance, avec en arrière- plan les concepts d’empire formel et informel.

     L’introduction  trace les limites des thèses historiques d’après lesquelles les métropoles auraient été coloniales en mettant en question « Cette vision d’un empire colonial omniprésent en métropole… » (p,20) proposée entre autres par le livre « La république coloniale ».

     Sur le sujet, je renverrais volontiers le lecteur vers le livre que j’ai publié  intitulé « Supercherie coloniale », lequel démontre qu’effectivement la propagande coloniale et la culture coloniale des Français n’ont eu ni l’ampleur, ni les effets  avancés par les auteurs de cette thèse.

     L’introduction évoque ensuite le thème des « circulations transcoloniales » (p,23), un thème difficile, plus difficile que celui de l’existence de « sous-impérialismes », tels celui de l’empire des Indes, ou ceux d’une nature tout différente, issus de la Première Guerre mondiale et de la SDN, c’est-à-dire les mandats.

     « Circulations transcoloniales » : qu’est-ce à dire ?

       Le deuxième point : « La domination coloniale en question »

      Les analyses font apparaître la grande difficulté qu’il y a à faire la synthèse des problématiques impériales rencontrées, et l’auteur note dès le départ que le rôle d’Edward Said dans l’énoncé d’un orientalisme occidental qui aurait donné sa marque au colonialisme a sans doute dépassé son objectif, en proposant en définitive une vision historique entachée du même défaut que l’ethnocentrisme, reproché aux « colonialistes », c’est-à-dire une forme d’ethnocentrisme inversé, celui des « colonisés ».

        Les lectures critiques des œuvres de Said que nous avons publiées sur ce blog avaient l’ambition à la fois de montrer la richesse des analyses d’Edward Said, et d’en montrer leurs limites.

      Cette partie de l’introduction met en lumière, de façon novatrice à mes yeux,  la multiplicité des problématiques que l’on pouvait rencontrer dans les sociétés coloniales, les types de résistances ou de collaborations indigènes, des sociétés indigènes qui « échappent aux  normalisations », « le fondement non-européen de l’impérialisme », l’instrumentalisation de la colonisation :

       « La domination coloniale n’est pas seulement imposée par les colonisateurs mais également instrumentalisée par des groupes autochtones qui confortent ainsi leurs positions sociale et politique, et coproduisent avec les colonisateurs un consensus idéologique et politique. » (p31).

       « Ces différentes pratiques de coopération, de résistance et de contournement, loin de s’exclure, constituent un répertoire d’actions mobilisables en fonction des rapports de force interne et externe » (p,32)

      Rappelons que l’ouvrage publié sous les auspices de l’Unesco sur l’histoire de l’Afrique, que nous avons commentée sur ce blog  dans l’analyse comparée des empires anglais et français en Afrique fournit maints exemples de la problématique de synthèse proposée.

      Dans les textes que nous avons publiés sur ce blog sur le thème des sociétés coloniales, nous avons souligné l’importance capitale du truchement colonial des acculturés et des lettrés.

     Trois remarques enfin sur trois constats proposés par l’introduction :

     Désaccord sur l’appréciation :

     «L’histoire de l’Inde britannique, comme celle des empires coloniaux, est jalonnée de guerres, d’insurrections et de mouvements sociaux qui font de la paix impériale un mythe. » (p,32)

      Il s’agit d’un raccourci temporel et géographique qui ne parait pas représentatif de la réalité et l’histoire des composantes des empires.

      Accord sur le constat du peu d’influence des administrations centrales :

     « Dans ce domaine, l’empire n’est bien souvent qu’une fiction » (p,34)

      Désaccord aussi sur les appréciations faites dans le domaine des grands programmes de scolarisation et de santé qui n’ont jamais été grands, sauf exception à noter.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Hollande ou les paroles s’envolent !

 A la conférence de presse du 5 février 2015, le Président a déclaré sa volonté de « prolonger l’esprit du 11 janvier ».

            Belle déclaration, mais sans que les actes suivent !

 Unité nationale ou non ?

             Du temps de Mitterrand, et alors qu’il n’y avait pas d’urgence nationale comme aujourd’hui, le Parti Socialiste avait signé un Programme Commun de gouvernement avec le Parti Communiste.

              A l’époque, le mur de Berlin était encore bien vivant, si je puis dire, jusqu’en 1989, et les liens de ce parti avec le Komintern, c’est-à-dire l’ancienne Union Soviétique,  était extrêmement forts.

          Dans des conditions différentes de nos jours, mais avec une opposition qui ne prend pas ses ordres à l’étranger, on est obligé de constater que le Président actuel a été dans l’incapacité de proposer une plateforme commune de gouvernement à l’opposition, c’est-à-dire la mise en œuvre de l’unité nationale dont il se réclame.

       L’Europe existe-t-elle en tant que puissance, ou non ?

       A la même conférence de presse, et en ce qui concerne les affaires internationales, le Président a déclaré :

         « La France ne peut pas régler tous les conflits du monde. Faites votre travail, ne faites pas la leçon, faites l’action, faites votre devoir », estimant qu’ « à menace globale, réponse globale, et à danger international, réponse internationale ».

           Tout à fait !

           Mais la méthode que la France a utilisée en intervenant au Mali en « cavalier seul » tout d’abord, n’était sans doute pas la meilleure pour entraîner nos partenaires européens dans cette mission internationale de sécurité.

            Est-ce que le Président a alors demandé la convocation d’un Conseil européen pour que chaque pays prenne ses responsabilités ?

           Est-ce que le Président a jamais mis sur la table un projet d’union européenne de la défense, avec la constitution d’une force de réaction rapide européenne ?

         Faute de quoi, et comme je l’ai déjà écrit, les soldats français risquent fort d’être les nouveaux soldats « Suisses » de l’Union européenne.

       Le citoyen de base que je suis ne comprend pas, ne comprend pas du tout, pourquoi nos responsables politiques, en France ou dans l’Union européenne, sont incapables de donner à l’Europe un véritable pouvoir politique, doté d’une vraie capacité de défense.

      A voir ce qui se passe en Ukraine ou ailleurs, de nombreux pays européens, dont la France, s’en remettent encore pour leur défense aux Etats Unis !

      Le spectacle qu’offrent certains de nos hommes politiques qui déclarent depuis de trop nombreuses années qu’ils sont partisans de plus d’Europe, et qui ont été incapables de mettre sur la table un projet, un texte, d’aller le défendre dans chacune des capitales européennes, est affligeant.

      Jean Pierre Renaud

L’ART DE MANGER RITES ET TRADITIONS- Musée Dapper

« L’ART DE MANGER

RITES ET TRADITIONS »

Exposition du Musée Dapper

            J’écrirais volontiers, et comme à l’habitude, une exposition remarquable dans sa présentation et dans son contenu sur l’art de manger qui était pratiqué dans les sociétés traditionnelles de l’Océanie et de l’Afrique.

            La plaquette de présentation de cette exposition explique :

     «  La thématique de cette exposition s’attache à mettre en lumière des traditions, des savoirs et des actes qui se vivent au quotidien ou de façon exceptionnelle, lors de cérémonies et de rituels. Ainsi les aliments liquides ou solides, de même que les préparatifs liés à leur absorption ou les offrandes faites aux ancêtres, aux divinités et aux esprits, sont-ils indissociables d’objets particuliers dont les formes et les matériaux sont extrêmement divers. »

        Comment ne pas être saisi par la beauté de tous ces objets, mais aussi, et peut-être plus encore, de toutes les figures sculptées  qui ornent le parcours de l’exposition ?

       Comment également ne pas prendre conscience que toute la panoplie de l’art de manger qui est proposée baigne presque toujours dans une sorte de monde magique de créatures de l’au-delà, tout en notant  que beaucoup de ces objets appartenaient naturellement et le plus souvent aux chefs, aux nobles, aux membres des castes supérieures ?

       La même plaquette fait d’ailleurs preuve d’un certain courage pour enfreindre un des « tabous » que des groupes de pression politiques ou intellectuels font peser sur l’histoire de ces pays, je cite :

         « Il est une nourriture à laquelle seuls des individus initiés ou aguerris peuvent avoir accès. Dans plusieurs cultures océaniennes, la consommation de chair humaine apparait comme un privilège distinguant des personnes ou des groupes particuliers qui incorporent la force vitale d’autrui : un ancêtre, un esclave ou un ennemi. Des objets extrêmement divers sont liés aux rituels d’anthropophagie organisés à des moments de la vie des individus. Dans les îles Salomon (Mélanésie) où se pratiquait la chasse aux têtes, les guerriers qui partaient en expédition ornaient l’avant de leurs longues  pirogues d’une figure de proue représentant un esprit protecteur. Le musu musu tenait souvent entre ses mains une petite tête coupée »

       La lecture des premiers récits d’explorateurs, d’officiers, et d’administrateurs apporte la preuve que ce type de pratique, religieuse ou non, existait aussi dans un certain nombre de peuples d’Afrique, à la fin du dix-neuvième siècle.

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique Les paradoxes de la politique française !

   Les attentats de janvier  2015 ont réveillé les Français.

    Il n’est pas d’homme ou de femme politique, et de média bien sûr, qui n’ait reconnu que la République Française n’avait pas été à la hauteur de ses ambitions d’intégration dans les quartiers sensibles de nos banlieues.

            Cela fait au moins trente ans que les observateurs les plus lucides le savaient.

            Etrangement, le département de la Seine Saint Denis bat depuis longtemps une sorte de record dans ce domaine, et l’un de ses hommes politiques les plus éminents a été élu à la tête de l’Assemblée Nationale.

            Pour le récompenser de son action positive dans ce dossier très sensible ? Avec quel bilan ?

            Autre paradoxe ou contradiction qui trouve peut-être une partie de son explication dans l’impopularité de son camp, les trois guerres dans lesquelles le Président socialiste a engagé notre pays !

            Vous ne trouvez pas curieux que la France se soit lancée dans ce type d’aventure alors que le gouvernement n’a pas mis le pays en état d’assurer sa propre sécurité intérieure ?