Information des lecteurs

Je compte publier successivement les 16 chapitres du livre

« Regards croisés des blancs et des noirs sur l’Afrique Occidentale » (1890-1920)

&

L’histoire postcoloniale française est souvent entre les mains du business, celui des prêcheurs ou des politiques, loin des exigences de l’histoire scientifique et quantitative.

Pourquoi ne pas revenir aux témoignages des acteurs de terrain de la colonisation ?

Avec un  regard non « anachronique » sur la colonisation française en Afrique Noire dans le petit livre à publier au cours des mois à venir sous le titre :

Témoignages des acteurs de terrain

« Regards croisés des  blancs et des noirs sur l’Afrique Occidentale- (1890-1920) »

« Une problématique coloniale insoluble »

Sommaire résumé

Introduction

1ère partie Premiers regards blancs sur les mondes noirs

2ème partie Premiers regards noirs sur les blancs

3ème partie Ruptures technologiques et ruptures coloniales

4ème partie Une problématique coloniale insoluble avec mes conclusions

 Jean Pierre Renaud                       Tous droits réservés

Un beau cadeau de Noël !!!

La Propagande Postcoloniale

Blanchard and Co

« Colonisation & Propagande »

( Le Cherche Midi 2022)

Le produit d’une histoire subversive qui, en dehors de tout contexte historique, a pour but d’embobiner l’opinion publique.

Une contribution idéologique au « mal français » du jour

« Pleure oh mon pays bien aimé ! »

Les Français et les Françaises découvrent de nos jours qu’ils étaient coloniaux sans le savoir !

Si vous avez les yeux ouverts, consultez l’ensemble des chroniques critiques des « œuvres » Blanchard sur le blog  eh-tique-media-tique@over-blog.com!

Notamment la publication du chapitre 7« La propagande coloniale » du livre « Supercherie coloniale » (2008)

Jean Pierre Renaud

Non au Suicide Assisté de la France avec la Loi sur l’Immigration ?

Gesticulations ?

Courage Fuyons !

DONNEZ LA Parole aux Français et aux Françaises !

Il parle, il parle, il parle à tout bout de champ …

Comme sur un terrain de jeux …

Le vertige politique des derviches tourneurs …

Sauf qu’il a peur d’affronter la confiance des Français et des Françaises en leur demandant d’approuver ou de refuser ce suicide assisté de notre nation, la France !

Gagner du temps, semer le trouble, un coup à gauche, un coup à droite, à la  recherche d’une combinaison politique introuvable, mais on ne sait jamais…

Avec le serpent de mer de l’Algérie

Macron a l’ambition de réconcilier la France et l’Algérie plus de 60 après que la France ait remis le pouvoir à la dictature du FLN en 1962…

Ami, ami avec l’Algérie du FLN ?

Au mépris de tous les jeunes Français envoyés faire une guerre inutile en Algérie, faute de courage de la part des gouvernements de la Quatrième qui ont toujours botté en touche en refusant de faire les réformes institutionnelles nécessaires  comme le Président actuel !

La « Cinquième » de Macron veut faire de même en reconduisant les accords diplomatiques de 1968 qui font de notre pays une « maison de passe » pour l’Algérie !

Non à vos gesticulations géographiques, verbales et politiques !

Non au suicide assisté de la France !

Jean Pierre Renaud

Post-Scriptum : en avant-première de l’autre loi sur la fin de vie que le gouvernement traficote depuis des années avec le concours de citoyens et citoyennes tirées au sort grâce à la nouvelle Française des Jeux Démocratiques.

Afrique Occidentale Française : Regards croisés des blancs et des noirs (1890-1920)

Chapitre 1

L’Afrique noire, cette inconnue !

            En 1880, véritable point de départ des conquêtes coloniales de la Troisième République, on ne sait pas beaucoup de choses sur l’Afrique noire, presque rien.

            L’ignorance de l’Afrique

Un continent immense du nord au sud (plus de 7 500 kilomètres), avec au centre, centre ouest, la grande tache désertique du Sahara que des explorateurs intrépides commencent à pénétrer, et de l’est à l’ouest (5 000 kilomètres environ) ; de grands fleuves, parmi les plus grands du monde, longs de plusieurs milliers de kilomètres, le Niger, le Nil, le Zambèze, le Congo, dont on ignorait les cours et les sources;une myriade de peuples dont on commençait seulement à connaître l’existence par le truchement des trafiquants noirs et blancs des comptoirs des côtes du golfe de Guinée ou du Mozambique, des marins en quête de nouveaux ports, et des missionnaires toujours à la recherche de nouvelles âmes à convertir

.

            Et en Afrique noire de l’ouest, encore un grand blanc sur la carte !

            Une première phase de découverte, les explorations du début du 19ème siècle

            Quelques explorations ont eu lieu à cette époque, mais l’Afrique continuait à alimenter les imaginaires les plus fous, à la suite des récits antiques qui évoquaient le fabuleux royaume du prêtre Jean. On croyait encore par exemple que la cité mythique et mystérieuse de Tombouctou était une ville riche et prospère.

            En 1805, l’explorateur anglais Mungo Park atteignait le fleuve Niger, mais mourait avant de pouvoir découvrir Tombouctou.

            En 1826, l’anglais Laing, parti de Tripoli, arrivait à Tombouctou. En 1828, le Français René Caillé, parti du golfe de Guinée, et déguisé en pauvre musulman, parvenait, après des aventures incroyables, à Tombouctou. Sa désillusion fut d’ailleurs à la mesure de ses faux espoirs.

            Les Anglais se lançaient également à la découverte du royaume de Sokoto, au nord de la Nigéria, entre le fleuve Niger et lac Tchad.

            Dans la deuxième moitié du siècle, les explorations passèrent à la vitesse supérieure, en s’inscrivant alors dans le grand mouvement d’exploration, de découverte, et de connaissance, de toutes les terres inconnues de la planète. Car l’Afrique n’était pas le seul continent à susciter la curiosité des explorateurs.

            Et ces explorations débouchèrent rapidement sur une entreprise générale de conquête coloniale de tout le continent noir par les grandes puissances occidentales de l’époque, que certains dénommèrent la course au clocher, et d’autres le scramble.

            Toutes ces initiatives furent prises à l’instigation des sociétés de géographie, des missions protestantes, anglicanes, ou catholiques, des marines nationales, et bien sûr des aventuriers en quête de bonnes affaires, avec l’implication de plus en plus forte des gouvernements d’Europe.

            En 1853, l’allemand Barth, parti de Tripoli, atteignait également Tombouctou, après avoir effectué une grande boucle à travers le Tchad et le Niger.

            Au nord et à l’est, dans les années 1865-1867, les allemands Rohlfs et Nachtigal, partant de Tripoli, traversèrent l’Afrique de la Méditerranée à l’Atlantique, en passant par le Tchad, jusqu’à Lagos, en Nigeria.

            A l’est, les anglais Burton, Speke, et Baker (1857-1865) partirent à la recherche des sources du Nil, un sujet qui alimentait de plus en plus les débats des spécialistes. Baker eut la particularité de se faire accompagner par son épouse, courageuse et intrépide, alors qu’une exploration était loin d’être, même pour un homme, une sinécure.

            A l’est encore et au sud, le célèbre pasteur et explorateur Livingstone sillonna de 1849 à 1873 l’Afrique du sud et du centre, et dans les années 1858-1864, il fut le premier explorateur à traverser toute l’Afrique du canal de Mozambique à la côte atlantique de l’Angola.

            Ces explorateurs étaient très souvent des officiers, et quelquefois des missionnaires, des médecins, ou des scientifiques. Ces hommes étaient exceptionnels, et il fallait avoir le feu sacré de la gloire ou de la découverte scientifique, pour affronter, souvent seuls, et en petit équipage, avec très peu de moyens, un monde totalement inconnu,  les maladies mortelles, et souvent la mort, alors qu’ils étaient coupés de toute relation avec le monde blanc qu’ils venaient de quitter, et n’avaient aucun espoir de recevoir un quelconque secours de la part d’autres européens. 

            La France en Afrique occidentale                      une carte

            A la même époque, on commençait à voir des explorateurs français tenter de pénétrer dans l’hinterland du Sénégal et de la côte de Guinée.

            En 1856, le chirurgien de marine Requin rendit visite au roi du Dahomey, Ghezo, à Abomey, où il fut horrifié par les sacrifices humains qui s’y pratiquaient encore.

            Dans les années 1864 -1866, l’officier de marine Mage fut chargé par le gouverneur du Sénégal, Faidherbe, d’entrer en contact avec Hadj El Omar, le sultan de Ségou.

            Faidherbe avait chassé ce dernier des rives du Sénégal, notamment à la bataille de Médine, en 1854, et il fut incontestablement le premier gouverneur à vouloir ouvrir, c’est-à-dire conquérir par la force des armes, l’hinterland de la côte du Sénégal,  et atteindre le fleuve Niger, son véritable objectif.

Faidherbe a sans doute été un des premiers, sinon le premier, à entrevoir la navigation de canonnières françaises sur le Niger, devenue une réalité dans les années 1885, avec Gallieni.

            Faidherbe inaugura la méthode de pénétration militaire et civile des troupes coloniales françaises,  en contrôlant la navigation du fleuve Sénégal et en l’appuyant par la mise en œuvre des fameuses « colonnes » militaires, sortes de forteresses ambulantes, qui connurent leur heure de gloire en Afrique et en Asie. Par le moyen combiné de la marine et des colonnes, il chassa du fleuve et de la côte sénégalaise les tribus maures récalcitrantes, et permit aux troupes coloniales d’établir, en limite du Haut Sénégal, le nouveau poste de Kayes, dans la proximité de Médine, future base de départ de la conquête française du bassin du Niger.

             Alors que les Français Ravenel (1846) et Pascal (1859), n’avaient pas réussi à atteindre le Niger, Mage réussit à atteindre le fleuve et arriva à Ségou, mais il fut retenu en semi-captivité par le fils d’Hadj El Omar, Ahmadou, pendant plus de deux ans.

            Le lecteur sera sans doute intéressé par les moyens dont disposait Mage pour se rendre à Ségou, dix laptots de marine, une charrette, douze ânes et un canot. Il n’y avait pas là de quoi faire une grande impression sur ses hôtes africains ! Notez qu’il n’y avait dans cette Afrique de l’ouest d’alors ni charrette, ni piste carrossable.

            Et on aurait tort d’imaginer que dans cette première phase d’exploration, la France fit seulement appel à la stratégie des fameuses « colonnes » qui sillonnèrent bientôt l’Afrique, avec leurs centaines ou milliers de soldats, européens et surtout tirailleurs, leurs fusils à tir rapide et leurs canons.

            Au fur et à mesure de la conquête de l’Afrique de l’ouest, l’effectif de ces colonnes prit des proportions gigantesques, notamment celles qui combattirent les sofas de Samory, dans les années 1890, plusieurs milliers de soldats, tirailleurs, accompagnés de leurs épouses, et porteurs. Elles s’étiraient sur plusieurs kilomètres et ressemblaient sans doute beaucoup aux armées de l’Antiquité.

                        En 1880, Gallieni, auquel le gouverneur Brière de l’Isle avait confié le même genre de mission d’information et de négociation, que celle de Mage, auprès du même sultan Ahmadou, connut la même mésaventure. Il fut consigné pendant presque une année à Nango.

            L’historien Michel notait à juste titre, qu’en 1877, lorsque Gallieni fut affecté, pour la première fois, à Saint Louis du Sénégal, il ignorait tout de l’Afrique, comme tous ses condisciples de Saint Cyr.

            Cette première mission de Gallieni disposait de moyens militaires réduits, mais elle se situait déjà à mi-chemin entre l’exploration et la conquête militaire. Gallieni n’eut de cesse ensuite, au fur et à mesure de la pénétration française vers le Niger, par le Haut Sénégal, de lancer des missions de reconnaissance et d’exploration vers le haut Niger et vers le Fouta Djalon.

            C’est dans cette ligne d’exploration et de conquête, qu’en 1886, le capitaine Péroz, fut envoyé en mission auprès de l’almamy Samory pour le convaincre de signer un traité de protectorat avec la France. A cette date, les Français ne savaient pas grand-chose sur l’histoire de cet empire, ses contours géographiques, et son organisation militaire et civile. Péroz revint de sa mission avec une mine d’informations sur l’Empire de Samory.

            Il avait rejoint la capitale de cet empire, Bissandougou avec des moyens modestes de représentation militaire et diplomatique : un lieutenant adjoint, Plat, un médecin de marine, Fras, un interprète, un cuisinier, et une petite escorte militaire composée de cinq spahis à cheval et de huit tirailleurs. Cinq chevaux, cinq mulets, et quarante huit ânes constituaient les moyens de transport du personnel et du matériel.

            Le lecteur aura noté la présence d’un médecin de marine, et celle-ci était capitale à cette époque. Chaque fois que cela était possible, il n’y avait pas de mission ou de colonne sans la présence des médecins de marine, tant les maladies et les épidémies étaient fréquentes, et les taux de mortalité des européens élevés, et très élevés.

            La composition de la mission du capitaine Binger était encore plus légère, mais il ne s’agissait pas d’une mission « diplomatique ».

            Dans les années 1887-1889, Binger traversa toute l’Afrique de l’ouest, de Saint Louis à Grand Bassam, en Côte d’Ivoire, en passant par Bamako. Quand il quitta Médine, qu’il n’était possible d’atteindre qu’en empruntant les chalands du fleuve Sénégal, à neuf cents kilomètres environ de Saint Louis, Binger était le seul blanc de la mission. Il avait dix âniers non armés, un cuisinier, un palefrenier, et un interprète : ces trois derniers seulement étaient armés. La composition de sa mission ne changea guère, au fur et à mesure de ses aventures,  et lorsqu’il atteint enfin le nord de la Côte d’Ivoire, il fit son entrée à Kong, monté sur un bœuf porteur.

            Binger avait rencontré l’almamy Samory, alors qu’il faisait le siège du tata de Sikasso, la forteresse de son ennemi, le roi Tiéba, siège qui se conclut par un échec.

            Binger parcourut 4 000 kilomètres en 21 mois.

            Il n’est pas superflu de s’arrêter quelques instants sur deux éléments capitaux des explorations et des opérations de cette époque,  les maladies et le temps.

            Les maladies – Dysenteries, hématuries bilieuses, paludisme et fièvre jaune étaient celles que les Européens devaient affronter. Dans les années 1880, la mortalité des européens était d’environ 50%.La fièvre jaune sévissait souvent au Sénégal. Entre 1880 et 1886, deux gouverneurs, de Lanneau et Servatius, y sont morts au bout de quelques mois de séjour.  

            Le temps –  il en fallait beaucoup aux explorateurs pour accomplir leur mission : en pirogue, à cheval, sur un mulet, un âne, ou un boeuf, mais le plus souvent à pied ; les étapes n’étaient jamais longues et le parcours souvent interrompu par des imprévus ou des haltes imposées par certains chefs africains.

            Dans les années 1890-1892, le capitaine Monteil parcourut l’Afrique de Saint Louis à Tripoli. Il était accompagné par un deuxième blanc, l’adjudant Badaire. Son escorte fut également réduite : il quitta Ségou, sur le fleuve Niger, avec deux interprètes, trois porteurs, un cuisinier, deux domestiques, dix hommes d’escorte armés, accompagnés de dix ânes et de dix bœufs.

     Sans tirer un coup de feu, il parcourut 7 000 kilomètres avant de rejoindre le Fezzan et Tripoli, après être passé par le Sokoto, à l’est du Niger, et le Bornou, près du lac Tchad.

            Monteil mit deux années complètes pour accomplir ce périple et dut attendre quatre mois pour pouvoir se joindre à une caravane qui traversait le désert.

            Nous serions tentés de dire que le temps ne comptait pas, et que seul le résultat de l’exploration comptait.

            Les exemples ci-dessus donnent déjà une idée des distances et des obstacles que les explorateurs et les chefs de mission devaient franchir, avant d’atteindre leurs objectifs.

            La situation évolua au fur et à mesure des progrès réalisés par la conquête militaire, compte tenu des voies de communication créées, des moyens de transport utilisés, et des technologies de transmission de la parole par voie optique et télégraphique disponibles.

            En 1852, Faidherbe mit deux mois pour rejoindre Saint Louis à partir de Bordeaux, alors que trente ans plus tard, il ne fallait plus que dix jours pour effectuer le même voyage.

            Plus de 1 400 kilomètres séparaient Saint Louis de Bamako, et le premier trajet de 900 kilomètres de Saint Louis à Kayes s’effectuait par chaland, quand la saison des pluies le permettait, puis à pied, jusqu’à Bamako,  à raison d’un déplacement quotidien de 15 à 20 kilomètres, sur le fleuve ou dans la brousse ; un délai de 70 à 90 jours était donc nécessaire pour y arriver. Pour atteindre Tombouctou, plus de 900 kilomètres plus loin, il fallait encore 45 jours à pied ou en pirogue, mais surtout en pirogue.

            Une France coloniale raciste ?

            Une partie de l’élite culturelle et politique française adhérait à la thèse de certains anthropologues, d’après laquelle il aurait existé sur la planète une race supérieure, la race blanche, et des races inférieures, dont la race noire. Sans vouloir déplacer le débat, pourquoi ne pas mentionner tout d’abord que ce type de préjugé racial n’était pas propre aux blancs, et que les Chinois le partageaient largement à la même époque, estimant que les blancs étaient des barbares.

            Mais revenons au territoire français, et plus particulièrement à l’élite politique, celle qui occupait la Chambre des Députés en 1885, car le débat qui anima la Chambre, le 30 mars 1885, après ce qu’on appelé la retraite de Lang Son, et qui opposa deux de ses grands leaders politiques, Jules Ferry, Président du Conseil sortant, et Clemenceau, parait assez bien représenter les opinions des parlementaires d’alors.

            Un petit mot sur Lang Son, ce qui devint l’affaire de la retraite de Lang Son, ne fut pas une défaite des troupes coloniales, mais fut interprétée de cette façon, en raison d’un grand cafouillage dans les communications militaires et politiques entre Hanoï et Paris, et au moins autant, le résultat de la méthode de gouvernement de Jules Ferry qui négociait en secret avec la Chine, sans en informer son propre gouvernement et la Chambre des Députés.

            A l’issue de ce débat, une première motion, pour ou contre le vote des 200 millions de francs supplémentaires (de l’ordre de 800 millions d’euros) demandés par Jules Ferry pour la conquête du Tonkin, recueillit 306 voix, contre, et 149,  pour, d’où la démission de Ferry.

            Une deuxième motion du parti radical présentée par Clemenceau, demandant la mise en accusation de Ferry, fut rejetée par 287 voix contre 152.

            Indiquons au lecteur que c’était une majorité républicaine de gauche qui soutenait la politique de conquête de Jules Ferry, alors que la droite avait les yeux fixés sur la ligne bleue des Vosges, et que Clemenceau animait le courant radical de la gauche, .opposé à la politique des conquêtes coloniales.

            Le discours raciste de Jules Ferry

            Au cours de ces séances mémorables, Jules Ferry développa un discours incontestablement colonialiste, comme nous le qualifierions nous de nos jours, mais le mot n’existait pas encore, incontestablement raciste aussi, mais avec la bonne conscience  d’une partie des élites politiques, économiques ou religieuses de l’époque.

            Ferry plaçait sa politique au niveau d’une grande nation, et justifiait sa politique, en plaidant d’abord pour la création de débouchés au profit de l’industrie nationale, mais en faisant valoir ensuite un deuxième argument :

            « Il y a un second point que je dois aborder… c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question… Les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je dis qu’il y a pour elles un droit parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. »

La réponse humaniste de Clemenceau

            En réponse, Clemenceau déclarait :

            « On vient de nous dire pourquoi ! En effet, c’est la première fois, après l’expérience d’une politique coloniale qui a duré quatre ans, que l’auteur responsable de cette politique se présente à la tribune et esquisse à grands traits les lignes maîtresses de cette politique…. Le pays n’a pas été consulté. On lui a systématiquement caché la vérité…

            Il nous a dit : la puissance économique suit la puissance politique…

            Clemenceau rappelait alors le propos de Jules Ferry sur la mission civilisatrice de la France :

            «  Les races supérieures ont sur les races inférieures un droit qu’elles exercent, et ce droit, par une transformation particulière, est en même temps un  devoir de civilisation. Voilà en propres termes la thèse de M.Ferry ; et l’on voit le gouvernement français exerçant son droit sur les races inférieures en allant guerroyer contre elles et les convertissant de force aux bienfaits de la civilisation. Races supérieures, races inférieures, c’est bientôt dit ! Pour ma part, j’en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande, parce que le Français est d’une race inférieure à l’Allemand. Depuis ce temps, je l’avoue, j’y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation, et de prononcer : homme ou civilisation inférieurs. Race inférieure les Hindous ! Avec cette grande civilisation qui se perd dans la nuit des temps ! Avec cette grande religion bouddhiste qui a quitté l’Inde pour la Chine, avec cette grande efflorescence d’art dont nous voyons encore aujourd’hui les magnifiques vestiges ! Race inférieure, les Chinois ! Avec cette civilisation dont les origines sont inconnues et qui parait avoir été poussée tout d’abord jusqu’à ses extrêmes limites. Inférieur Confucius ! En vérité, aujourd’hui même, permettez moi de dire que, quand les diplomates chinois sont aux prises avec certains diplomates européens… (rires et applaudissements sur plusieurs bancs), ils font bonne figure, et que, si l’on veut consulter les annales diplomatiques de certains peuples, on y peut voir des documents qui prouvent assurément que la race jaune, au point de vue de l’entente des affaires, de la bonne conduite d’opérations infiniment délicates, n’est en rien inférieure à ceux qui se hâtent trop de proclamer leur supériorité…

            Non, il n’y a pas de droit de nations dites supérieures contre les nations inférieures, il y a la lutte pour la vie… La conquête que vous préconisez, c’est  l’abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires, pour s’approprier l’homme, le torturer ; en extraire toute la force qui est en lui au profit du prétendu civilisateur. Ce n’est pas le droit : c’en est la négation. Parler à ce propos de civilisation, c’est joindre à la violence l’hypocrisie ! (Très bien ! Très bien ! A l’extrême gauche ! »

            Une citation un peu longue sans doute, mais qui en valait la peine, car elle montre bien que le racisme des races supérieures était mis en cause par un homme politique aussi brillant que Clemenceau, et son analyse partagée par un député sur trois, proportion non négligeable dans l’ambiance coloniale forcenée des débuts de la Troisième République.

            Compte tenu des différents facteurs qui intervenaient dans un vote de la Chambre, il serait imprudent d’en tirer la conséquence que deux députés sur trois étaient racistes, et encore moins que deux Français sur trois l’étaient également. Seul un travail approfondi et statistique d’analyse des contenus de la presse nationale et locale, qui faisait alors jeu égal avec cette dernière, pourrait nous éclairer à ce sujet.

            Comme l’écrivait Henri Brunschwig dans son livre « Noirs et Blancs dans l’Afrique Noire Française », il existait une typologie assez classique des noirs qui ne les classait pas dans les catégories de races considérées comme supérieures. Nous y reviendrons dans le chapitre suivant.

            Le blanc, cet inconnu des noirs

            Et pour bien marquer les limites des échanges qui existaient entre blancs et noirs, la plupart des récits de l’époque relèvent à maintes reprises que lors de leur passage dans telle ou telle région, ou dans tel ou tel village, c’était la première fois que les noirs voyaient des blancs : en 1880, Gallieni à Badoumbé :

             « Ils voyaient des blancs pour la première fois ».

            Dans les années 1887-1889, Binger, en route vers Bobo Dioulasso, chez les Tiefos :

            « Personne n’a vu de blanc dans ce pays »

            Enfin, en 1891, enfin, Péroz, en chemin vers Sikasso, siège de l’empire du roi Tiéba, sur la rive droite du Niger, notait que beaucoup des villages où il passait n’avaient jamais vu de blanc.

             Les premiers contacts étaient donc rares et ils suscitèrent, comme nous le verrons, une très grande curiosité de la part des noirs.

Mungo Park, un des premiers regards blancs sur les noirs

« Voyage dans l’intérieur de l’Afrique »

(1795-1796)

            A la fin du dix-huitième siècle, Mungo Park fut un des premiers explorateurs blancs de l’Afrique Occidentale à écrire et à publier le récit des explorations qui le conduisirent jusqu’au fleuve Niger.

            Nous proposons aux lecteurs un court extrait des observations que faisait Mungo Park sur la curiosité que son passage chez les Maures du Kaarta, provoquait, mais en faisant remarquer que de très nombreux récits d’explorateurs ou d’officiers soulignent au contraire, selon les lieux et les époques une tradition généralisée d’hospitalité :

« Lorsque je fus dans ma cabane, les Maures s’assemblèrent en foule pour me contempler. Leur curiosité était extrêmement incommode. Il fallait me déchausser pour leur montrer mes pieds. J’étais même obligé d’ôter ma veste et mon gilet, afin de leur faire voir comment je m’habillais er me déshabillais. Ils ne pouvaient des masser d’admirer l’invention des boutons ; et depuis midi jusqu’au soir je ne fis autre chose qu’ôter de remettre mes habits, les boutonner et les déboutonner, car ceux qui avaient déjà vu ces merveilles, insistaient pour que leurs amis jouissent du même plaisir…

Pendant la nuit, les Maures tinrent continuellement des sentinelles à ma porte. Ils entraient même de temps en temps dans ma cabane …

            Le 1er mars, la multitude revint dans ma cabane, et je fus tout aussi tracassé, tout aussi insulté que la veille. Les enfants se rassemblèrent pour battre le cochon, et les hommes et les femmes pour tourmenter le chrétien… » (page 1, La Découverte–)

    Jean Pierre Renaud                        Tous droits réservés

2023, la France au Niger…

La France paie le Prix

d’une Histoire Postcoloniale « Pénitente » !

Quand les Présidents, Hollande et Macron, engagent nos troupes au Mali, au Burkina Fasso, ou au Niger, sans veiller à développer une stratégie de guerre informationnelle, de contre-propagande, de « guerre mémorielle » (lire François Heisbourg) adaptée à la psychologie collective africaine…

            Quand la France préfère le cocorico, au lieu de mettre en œuvre une stratégie indirecte de soutien à des partenaires de confiance, s’il y en a encore…

            Quand, faute d’avoir la chance d’avoir un minimum de connaissances sur les cultures et les religions de l’Afrique de l’Ouest, mais surtout sur l’histoire coloniale de ces régions, on accorde sa confiance aux historiens postcoloniaux  « pénitents »…

            La France aurait eu « une culture coloniale » dans les années 1871- 1939 ?

C’est faux, sans fondement scientifique, pas plus notre peuple que la plus grande partie de notre élite politique.

            Notre peuple laissait faire, comme aujourd’hui.

            Aux dires d’un brillant historien de l’Algérie, né dans une famille atteinte du syndrome des « raisins verts », la France devrait emprunter un chemin de réconciliation, non pas avec l’Algérie, mais avec la dictature du FLN qui règne dans ce pays depuis les accords d’Evian de 1962 ?

            La France n’a pas besoin d’entrer dans le jeu mortifère des historiens « repentants » !

            A lire, à voir, ou à entendre tout ce que l’on raconte sur ces guerres du Sahel, nos adversaires n’ont qu’à piocher dans le magot des historiens « pénitents »  pour nourrir leur propagande, ou encore dans certaines déclarations d’un Président candidat, qui, en 2016, débarqua à Alger en déclarant que « la colonisation était un crime contre l’humanité. »

            Enfin et pour en consoler quelques-uns, vous avez sans doute remarqué que dans les grands rassemblements manipulés de Niamey, et dans ce Niger musulman, on n’y voyait aucune femme…

                                     Jean Pierre Renaud        Tous droits réservés

Humeur Tique Vacances…

« L’ordre, l’ordre, l’ordre », aurait dit  notre cher Président, alors que le feu couve toujours dans notre pays, que les gens en ont marre, plus que marre !

En dépit des contorsions ou manœuvres politiques du titulaire de ce poste, la France n’échappera pas à une consultation électorale, unique gage de la paix civile.

Ayatollahs Rouges, Verts, ou Blancs ! Ils sont bien chez nous ! Le L214 !

A lire une chronique fort intéressante et bien documentée du Figaro sur L214 « Les activistes de la cause animale », il y a de quoi s’interroger sur le sujet en effet, sur leur activité légale ou non, et sur son sérieux scientifique.

            Le même jour, en zappant sur un documentaire non moins intéressant d’ARTE sur la remontée des saumons  dans un torrent canadien : on y voyait des ours se poster sur un rocher du torrent, ouvrir tout simplement la gueule pour avaler de magnifiques saumons.

            Comment L214 va-t-il procéder pour interdire ce type de cannibalisme animal ? Très fréquent dans toutes espèces animales !

            Même chez les belles libellules !

La France et le Sahel ? L’Histoire du Sahel ?

       Un titre du Figaro du 28 juillet 2023, en première page : « Le  chaos au Niger achève de déstabiliser le Sahel » ?

         Ah ! Bon ! Comme si le Sahel avait jamais été stabilisé, avant, pendant, et après la période coloniale française !

Macron à Nouméa ou à Tahiti ?

 La France du Pacifique.

Aux yeux d’un assez bon connaisseur de l’histoire coloniale,  le voyage de Macron avait un fort parfum de reviens-y colonial, mêmes exhibitions de part et d’autre, une sorte de retour des politiques de grandeur coloniale…

Mais tout cela, c’est fini, les rapports de force ont changé et tout le problème de notre pays est de trouver une politique étrangère adaptée à celle de nos moyens faite d’alliances, de présence européenne dans sa définition, et bien sûr du consensus des peuples de la France du Pacifique.

Cà n’est pas avec son seul beau porte-avion nucléaire que la France comptera dans les grandes affaires du Pacifique, même avec le soutien espéré des peuples des terres australes…

Face à la puissance de la Chine, et sauf émiettement démocra tique de ce continent, la puissance de la France est une puissance naine.

         Jean Pierre Renaud                           Tous droits  réservés

Regards croisés

« Ah ! il fallait pas, il fallait pas qu’il y aille

Ah ! il ne fallait pas, il fallait pas y aller

Mais il a fallu, il a fallu qu’il y aille

Mais il a fallu, il a fallu y aller »

« Telle pourrait être la formule et le refrain les plus ramassés de mes réflexions sur la colonisation française !

Ainsi que le disait la chanson militaire bien troussée, intitulée « Le tambour miniature » !

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            « Mon ambition était de tenter de retracer les premiers échanges entre blancs et noirs, les premiers regards croisés, et d’examiner toutes les questions qui allaient se poser, au moment où la France installa définitivement son pouvoir colonial, en tout cas certains de ses enfants le croyaient-ils, en Afrique de l’ouest, alors qu’il s’agissait d’une entreprise hardie, et sans doute impossible.

            Il s’agissait pour moi de mieux comprendre le processus colonial de la première phase de la colonisation, celle des années 1890-1914, et je serais sans doute imprudent d’en conclure que tel a été le cas.

            J’ai tenté de répondre à une des questions qui me taraude depuis la période de mes études, le pourquoi des conquêtes coloniales, le pourquoi de ma première vocation, très courte, qui fut celle du service de la France d’Outre- Mer, et le pourquoi du large échec de la colonisation.

            Tout feu, tout flamme, à cette époque de ma jeunesse, le rêve d’un service au service des autres, les Africains, avait effectivement bercé mes études, alors que je n’avais pas eu le temps, ou pris le temps de me pencher sur l’histoire détaillée de nos conquêtes coloniales et sur la connaissance que nous avions du continent africain. J’en savais toutefois, déjà assez, pour ne me faire aucune illusion sur la pérennité de notre présence coloniale en Afrique, mais je croyais qu’il était encore possible de fonder une nouvelle communauté de destins entre la France et ses anciennes colonies, ce qui n’a pas été le cas, et en tout cas pas sous la forme caricaturale de la Françafrique. 

            S’il est vrai que la conquête coloniale de l’Afrique de l’ouest fut, par bien de ses aspects, et de ses exploits, une sorte de saga militaire qui vit souvent s’opposer de grands adversaires, les couples Gallieni-Ahmadou, puis Archinard-Ahmadou, puis Archinard-Samory, les premiers pas de la colonisation s’effectuèrent dans une paix civile relative, toute nouvelle, facilitée par la destruction des grands empires du bassin du Niger, celui d’Ahmadou, en pleine déliquescence, celui de Samory, en pleine puissance, et l’installation d’une nouvelle paix civile, celle de l’ordre public colonial.

            Quelles conclusions tirer de cette analyse ?

            Les temps courts de la colonie

            Les temps de la conquête et de la colonisation ont été des temps courts, une trentaine d’années au maximum, pour la conquête et l’installation du nouveau pouvoir colonial, 1880/1890 – 1910/1914, une vingtaine d’années pour la « belle » période coloniale, 1920/1940, et moins de vingt années après la fin de la deuxième guerre mondiale, 1945/1960, alors que l’AOF était déjà entrée dans un autre monde, qui n’était plus celui de la colonisation.

            Ajoutez à cela que deux guerres mondiales avaient interrompu ou perturbé gravement les processus coloniaux : après le retour des anciens tirailleurs de la guerre de 14-18, le Blanc n’était déjà plus l’homme « miracle », et après la défaite de la France, en 1940, les changements intervenus chez les maîtres du monde, la toute puissance des Etats-Unis, le cours de l’Afrique devait inévitablement prendre un cours nouveau.

            La colonisation française se développa donc dans un temps historique très court, une période « utile » de l’ordre de cinquante années, interrompue par les deux guerres mondiales, et débouchant sur un après 1945, un nouveau monde, celui du déclin de l’Europe, de la tout puissance des Etats-Unis, et rapidement de la guerre froide, d’une Quatrième République dont l’objectif N°1 était la reconstruction du pays.

            Il est indispensable d’avoir ces données temporelles à l’esprit quand on a l’ambition de vouloir apprécier les tenants et aboutissants de la colonisation française, sinon ses résultats, car elles sont historiquement capitales.

            Des yeux plus gros que le ventre, toujours plus gros que le ventre, hier comme aujourd’hui, « la politique de grandeur » de la France.

Les gouvernements de la Troisième République ne manquaient pas d’air pour se lancer dans de grandes expéditions coloniales en Afrique, en Asie, et à Madagascar,  alors qu’ils ignoraient tout, ou presque tout des peuples de ces nouvelles colonies, et qu’ils n’avaient jamais arrêté de politique coloniale.

            Il y a beaucoup d’anecdotes qui démontrent la grande ignorance que nos hommes politiques avaient du domaine colonial, et cela jusqu’à la décolonisation.

            C’est une des raisons, parmi d’autres qui me font répéter, que le peuple de France n’a jamais été concerné par les colonies, ou de façon marginale, lorsqu’il y eut de la gloire à glaner, celle que Montesquieu avait déjà mise en lumière comme une des caractéristiques de la psychologie des Français, ou inversement lorsqu’il fut nécessaire de lutter contre les révoltes violentes des peuples qui revendiquaient une indépendance tout à fait légitime.

            Dans le conflit indochinois, la Quatrième République se garda bien de mobiliser le contingent et fit appel aux éléments professionnels de son armée, décision qui marquait bien sa volonté de tenir le peuple à l’écart, et lorsque la même République envoya ses appelés en Algérie, mal lui en a pris, puisque la présence massive du contingent a plutôt été un facteur d’accélération de l’indépendance algérienne.

            Vous imaginez l’inconscience, la légèreté, la démesure, dont il fallait faire preuve, à la fin du dix-neuvième siècle, pour lancer la France dans de grandes expéditions militaires sur plusieurs continents, en Asie, à plus de dix mille kilomètres de la France, ou en Afrique, à quatre ou cinq mille kilomètres, même en tenant compte du saut technologique qui en donnait la possibilité théorique, la quinine, la vapeur, le câble, les armes à tir rapide, et le canal de Suez.

            La légèreté ou l’inconscience politique pour avoir l’ambition de conquérir des millions de kilomètres carrés sous n’importe quel climat, sans savoir par avance ce qu’on allait bien pouvoir en faire !

            Pour former ces expéditions, les gouvernements de la Troisième République se sont bien gardés de faire appel aux soldats de la conscription, mais déjà aux éléments professionnels de son armée, et surtout aux fameux tirailleurs sans le concours desquels aucune conquête n’aurait été possible.

            Le summum de cette folie fut l’expédition de Fachoda, en 1898, la France nourrissant l’ambition de contrer les Anglais dans la haute Egypte, alors que notre pays avait abandonné l’Egypte aux Anglais, quelques années auparavant, et que Kitchener remontait le Nil avec une armée moderne, des milliers d’hommes avec vapeurs, canons, et télégraphe. En face, une dizaine de Français, avec à leur tête le capitaine Marchand, pour y  planter notre drapeau, alors qu’il fallait faire des milliers de kilomètres dans une Afrique centrale encore à découvrir pour ravitailler la mission Marchand à Fachoda.

            Les premiers regards croisés

Au cours de la première phase de contact entre les deux mondes, et hors période d’affrontement militaire, les premiers blancs, en tout cas ceux que nous avons cités, et qui nous ont fait partager leurs récits, leurs carnets d’expédition ou de voyage, n’ont pas porté un regard dépréciatif sur les sociétés africaines qu’ils découvraient, plutôt un regard d’étrangeté.

            Les lecteurs connaissent le débat qui a agité au dix-neuvième siècle le monde intellectuel et politique quant à la question des races et d’une supériorité supposée de la race blanche. Nous avons déjà évoqué le sujet, mais sans introduire le critère racial. Il est évident qu’un officier de marine français ou anglais, car les officiers de marine ont très souvent été les artisans des conquêtes coloniales, ne pouvait manquer d’éprouver un sentiment de puissance extraordinaire – tout devait leur sembler possible –  quand ils débarquaient sur les côtes africaines à partir de leurs monstres d’acier, car il faut avoir vu des images des parades des flottes militaires de l’époque, à Toulon, à Cherbourg, ou à Cronstadt, pour en avoir conscience.

            Pour faire appel à une comparaison anachronique, la perception des choses que pourrait avoir le commandant d’un paquebot de croisière, à l’ancre à Pointe à Pitre, une sorte d’immeuble de grande hauteur, en apercevant de son neuvième ou dixième étage, un piéton sur le quai.

            Dans un de ses romans, Amadou Hampâté Bâ, parlait des monstres d’acier, les vapeurs du Niger qu’il avait vu dans son enfance, mais qu’aurait-il pu dire alors s’il avait vu les autres grands monstres d’acier, avec leurs cheminées monstrueuses, qu’étaient les cuirassés ou les croiseurs des flottes anglaises, françaises, russes, ou japonaises.

            Tout a commencé à changer quand le système colonial à la française s’est mis en place, lorsque le colonisateur a voulu, pour des raisons de facilité et de simplicité évidentes, administrer les Noirs sur le même modèle, établir le nouvel ordre colonial en usant soit de la palabre, soit, et plus souvent de la violence, comme nous l’avons vu en Côte d’Ivoire.

            Du côté africain, nous avons tenté de proposer un aperçu des regards qu’ils pouvaient porter sur ces premiers blancs, avec le sentiment que les Africains trouvaient encore plus étranges ces blancs que les blancs ne pouvaient les trouver eux-mêmes étranges, sortes de créatures venues d’un autre monde, familières de leur propre monde imaginaire.

            Dans les apparences, un grand bouleversement des sociétés africaines en peu de temps, avec une grande immobilité au-dedans des mêmes sociétés africaines.

Ce serait sans doute ma première remarque sur les changements intervenus dans cette région du monde, des changements qui furent souvent de vrais cataclysmes pour beaucoup de sociétés africaines repliées jusque-là sur elles-mêmes, souvent aux prises avec des voisins prédateurs, des sociétés qui vivaient d’une certaine façon en dehors du temps, dans leur propre temps, mais en même temps capables de se refermer sur elles-mêmes comme des huitres.

            Dans les pages qui précèdent le lecteur aura pris la mesure de l’écart considérable qui pouvait exister entre le fonctionnement de ces sociétés, le contenu de leurs cultures et croyances, et la société française de la même époque, un écart que seuls les bons connaisseurs du monde africain avaient pu mesurer tout au long de la période coloniale.

            Nous avons fait appel à des témoins compétents et non « colonialistes » dans le sens anachronique que certains leur prêtent, pour éclairer le lecteur sur les caractéristiques de cette société africaine, ou plutôt de ces sociétés africaines, tant elles étaient variées, des caractéristiques religieuses et culturelles qui compliquaient la tâche du colonisateur, pour ne pas dire, la rendait impossible.

            Un bouleversement immense, peut-être plus en surface, dans les organes politiques apparents, les circuits d’un commerce encore faible, qu’en profondeur, alors que le monde noir vivant restait souvent à l’abri, très résistant dans ses convictions magiques et religieuses.

            Les témoignages de Delafosse, Labouret, Delavignette, et Sœur Marie Saint André du Sacré Cœur illustrent bien cette situation paradoxale et marquaient bien les territoires de la pensée et des croyances africaines qui échappaient à la colonisation, et ils étaient fort nombreux.       

            Ces grands témoins étaient lucides, et comment ne pas citer à nouveau ce qu’écrivait Delafosse dans le livre « Broussard », paru en 1922, longtemps avant le temps des indépendances, quant à la possibilité qu’une bombe explose à Dakar, comme elle avait déjà explosé dans un café d’Hanoï.

         Jean Pierre Renaud                           Tous droits réservés

Information des lecteurs

L’histoire postcoloniale française est souvent entre les mains du business, celui des prêcheurs ou des politiques, loin des exigences de l’histoire scientifique et quantitative.

Pourquoi ne pas revenir aux témoignages des acteurs de terrain de la colonisation ?

Avec un  regard non « anachronique » sur la colonisation française en Afrique Noire dans le petit livre à publier au cours des mois à venir sous le titre :

Témoignages des acteurs de terrain

« Regards croisés des  blancs et des noirs sur l’Afrique Occidentale- (1890-1920) »

« Une problématique coloniale insoluble »

Sommaire résumé

Introduction

1ère partie Premiers regards blancs sur les mondes noirs

2ème partie Premiers regards noirs sur les blancs

3ème partie Ruptures technologiques et ruptures coloniales

4ème partie Une problématique coloniale insoluble avec mes conclusions

En avant-première, les conclusions de ces recherches

 Jean Pierre Renaud                       Tous droits réservés

« Algérie »

« L’aveuglement de Macron »

Le Figaro Magazine 21/04/23, page 45

Charles Jaigu

                        A maintes reprises, j’ai traité de l’actualité algérienne et de la guerre d’Algérie (1954-1962) : la dictature FLN  étant toujours au pouvoir depuis plus de 60 ans, ma conclusion se résumait au slogan « Vive l’Indépendance de  la France ! »  

             Les relations internationales que la France entretient avec ce pays sont incompréhensibles et font de notre pays une « maison de passe » pour l’immigration algérienne en vertu d’un accord international obsolète datant de 1968.

Et pendant ce temps-là les officiels algériens s’adonnent à la même ritournelle sur la France « coloniale », oublient les années noires des années 1990, et continuent un double-jeu qui permet d’offrir à leur jeunesse la soupape de l’émigration vers la France.

            Charles Jaigu nous propose une chronique qui illustre clairement les enjeux de ce dossier sensible et l’aveuglement des gouvernements qui se sont succédés, avec le cas très particulier d’un Macron toujours en quête de faits d’éclat, alors que les Français et les Françaises se foutent complètement de ces fausses querelles de mémoire…

            Le journaliste cite un exemple du double jeu algérien, avec un acteur tout à fait représentatif de ce milieu corrompu, un des conseillers de Tebboune, un exemple qui s’est répété au fur et à mesure des années, aujourd’hui au sujet de la visite programmée, puis décalée, du Président FLN actuel de l’Algérie :

            « C’est M. Boualem Boualem, le conseiller juridique du président Tebboune, qui a été à l’origine de cette campagne antifrançaise. Cela ne l’a pas empêché dans la grande tradition de se faire hospitaliser quelques semaines plus tard … en France où il se trouve actuellement, nous confie un diplomate. Alger  ne croit qu’au rapport de force, ils ont été formés par les soviétiques, et ils continuent de commercer avec Poutine. » (page 48)

            Est-ce qu’enfin la France ne mériterait-elle pas un gouvernement qui mette ce dossier cartes sur table, que nos médias communiquent sur les richesses, les biens qu’une partie de la nomenclature FLN accumule chez nous ?

            En tout cas, pas de FLN sur les Champs Elysées !

                     Jean Pierre Renaud                    

PS : Il y a quelques semaines j’avais publié une petite chronique intitulée « Le Corbeau et le Renard » qui faisait référence au rôle de Stora sur les mémoires, avec le fromage des migrations.

Introduction

L’analyse critique à laquelle nous allons procéder porte sur l’histoire coloniale de la France entre 1870 et 1962.

Un petit flash back historique nécessaire

Comme au cinéma, puisque nous sommes aussi dans le domaine des images, procédons à un rapide flash back historique que le lecteur conservera utilement dans sa mémoire pour se faire une opinion, à chacune des époques considérées, sur les discours du collectif de chercheurs dont nous allons critiquer les travaux.

Années 1880-1914 : la période des grandes conquêtes coloniales de la Troisième République, dans le sillage de la défaite de 1870 et de la perte de l’Alsace Lorraine.

Première guerre mondiale 1914-1918, la boucherie : la France fit appel aux troupes indigènes de l’Empire. Cette guerre miten péril les forces vives de la nation beaucoup plus mobilisées, dans les quelques vingt années qui la séparèrent de la deuxième guerre mondiale :

  • par la reconstruction du pays.
  • par la lutte contre les effets de la grande crise
    économique de 1929,
  • et enfin, par la menace de l’Allemagne hitlérienne
    et du communisme soviétique,

quepar la consolidation d’un empire colonial.

Deuxième guerre mondiale – 1939-1945 une période trèsambigüe avec l’affrontement entre de Gaulle et Pétain, et le rôle stratégique que se trouva jouer l’Empire, un Empire disputé par les deux camps. La France fit à nouveau appel aux troupes de l’Empire.

Après la Libération de son territoire, la France fut une fois de plus occupée à se reconstruire, àse refaire une santé nationale, et fut dans l’incapacité de faire évoluer l’Empire vers une Union Française toujours introuvable, et de plus en plus introuvable avec les insurrections encore circonstanciées deSétif, puis beaucoup plus graves de Madagascar et d’Indochine, et enfin par la guerre d’Algérie, conflit de toutes les ambiguïtés de la France.

Nous veillerons donc à mener notre analyse toujours dans le respect de ces temps historiques, car ilest impossible de mettre sur le même plan les images et les textes de ces différentes époques.

Comment comparer en effet la propagande par images de Vichy, pendant l’occupation allemande, alors que l’Empire était devenu lechamp clos de toutes les luttes franco-françaises et alliées, avec celle des années. 1900, 1930 ou 1950, à supposer, ce qui est loin d’être démontré, comme nous le verrons, qu’il y ait eu alors une véritable propagande ?

Les ouvrages en question

Notre analyse porte sur les ouvrages suivants, car il faut bien appeler un chat un chat. Chaque fois qu’ils feront l’objet d’une citation, ils seront rappelés par les lettres en gras qui figurent entre parenthèse.

Actes du Colloque Images et Colonies
    des 20 au 22 janvier 1993 ; ……………………………………………….. (C),
Images et Colonies ; fin 1993……………………………………………….. (IC),
Thèse Blanchard ; Sorbonne, 1994……………………………………… (TB),
Culture Coloniale ; 2003 ……………………………………………………. (CC),
La République Coloniale ; 2003 …………………………………………. (RC),
Culture Impériale ; 2004 …………………………………………………….. (CI),
La Fracture Coloniale ; 2005 …………………………………………….. (FC),
L’Illusion Coloniale ; 2006 ……………………………………………….. (ILC).

Trois historiens ont largement contribué à la conception et à la rédaction de ces ouvrages et développé la thèse que nous contestons, Pascal Blanchard, le principal animateur et rédacteur, Nicolas Bancel, et Sandrine Lemaire.

Françoise Vergés (docteur en sciences politiques et professeur à l’Université de Londres) a été associée à la rédaction de La République Coloniale.

Les Actes du Colloque (janvier 1993)

L’ambiguïté des propos et donc, de l’objet des études, marque dès le départ l’introduction des Actes du Colloque (Blanchard et Chatelier). Alors que ses rédacteurs indiquent que l’examen n’a porté que sur une quarantaine d’illustrations (p.13), alors que la production iconographique du XXème siècle révèle un volume très important d’images dont l’estimation exacte reste à faire (p.13), tout en veillant à ne présenter que des images dont on peut évaluer la diffusion (p.14), les auteurs n’hésitent pas à écrire que « le temps colonial se réapproprie le présent, que l’image fut l’allié puissant du colonialisme », et que « cette multiplication des images coloniales et la variété de leurs supports, évoquent un véritable bain colonial… » (p.14).

Et nous voilà plongés, en dépit de ces incertitudes et de ces approximations, dans le bain colonial, dont les enjeux ne sont pas aussi limpides que ceux du célèbre bain biblique de la chaste Suzanne.

Nous verrons au fur et à mesure de notre analyse ce qu’il convient de penser de ces affirmations audacieuses, tout en montrant, qu’au cours de ce fameux colloque, toutes les contributions se rapportant aux différents supports d’information ou de culture, et, tant s’en faut, n’ont pas fait preuve de la même belle et imprudente assurance historique.

Le deuxième ouvrage passé au crible est Images et Colonies (fin 1993). Beau travail de collecte d’images coloniales, mais la question qu’il pose est de savoir si son contenu apporte la preuve du discours tenu par ses responsables.

Images et Colonies

L’avant propos annonce la couleur, haut et fort (Blanchard). D’abord dans son titre : « Il est temps de décoloniser les images » (p.8).

Et dans le texte une succession d’affirmations péremptoires sur l’importance des images coloniales et sur leur influence.

« Nous avons travaillé sur les images vues par un large public français à l’époque coloniale de la fin du XIXe siècle aux indépendances… à force de diffusion et de matraquage, un message de propagande… Aujourd’hui encore ces images restent présentes dans la production iconographique… comment les Français ont pu être séduits et/ou trompés par ce qui fut pendant près d’un siècle une véritable propagande… pour comprendre les phénomènes contemporains… son groupe de recherches a recensé plus d’un million d’images qui ont été analysées au sein de son séminaire et présentées au cours d’un colloque international organisé par l’ACHAC à la Bibliothèque Nationale en janvier 1993. »

Il s’agit du Colloque évoqué plus haut.

La thèse Blanchard intitulée Nationalisme
et Colonialisme (Sorbonne 1994)

Idéologie coloniale, Discours sur l’Afrique et les Africains de la droite nationaliste française des années 30 à la Révolution Nationale.

Le lecteur aura remarqué que la recherche historique est très limitée dans son champ idéologique et chronologique, et qu’il n’est pas du tout question d’images coloniales. L’auteur a fait porter ses efforts sur la presse, et nous reviendrons sur le contenu de cette thèse à l’occasion du chapitre que nous consacrons à l’analyse du support d’information et de culture qu’est la presse.

Culture Coloniale (2003)

Cet ouvrage a la prétention de démontrer que la France a eu et a encore une culture coloniale. L’avant-propos (Blanchard et Lemaire), intitulé La constitution d’une culture coloniale en France, énonce tout un ensemble d’affirmations et de postulats.

« Cette culture devient un corps de doctrine cohérent où les différents savoirs sont assemblés… On distingue trois moments dans cette lente pénétration de la culture coloniale dans la société française le temps de l’imprégnation (de la défaite de Sedan à la pacification du Maroc), le temps de la fixation (de la Grande Guerre à la guerre du Rif) et le temps de l’apogée (de l’Exposition des Arts décoratifs à l’Exposition coloniale internationale de 1931). » (p. 7)

« Comment les Français sont devenus coloniaux sans même le vouloir, sans même le savoir… mais coloniaux au sens identitaire, culturel et charnel (p. 8) l’instrumentalisation étatique de la culture coloniale. Très vite le cinéma et l’image fixe renforcent et diffusent le bain colonial auprès de l’ensemble des populations… » (p.13)

« Une culture coloniale invisible (p.16)… un tabou (p.17)… l’amnésie coloniale (p.19). Dès les années 1880 : une iconographie univoque, multiple et omniprésente. Ces images véhiculées par les médias de masse… » (p.23)

« La colonisation outre-mer n’est donc pas en rupture avec le passé, elle s’inscrit au contraire dans un continuum consubstantiel à la construction de la nation française. » (p.25)

« Pour autant la culture coloniale aura fait son œuvre, aura tissé sa toile, aura touché les consciences et marqué les esprits. Elle aura surtout contribué à faire la France des Trente glorieuses et celle des générations suivantes. » (p.32)

« L’indigène au cœur de la culture coloniale. » (p.33)

« 1931 ou l’acmé de la culture coloniale… dans le pays. Celle-ci est maintenant établie, omniprésente, diffuse, et a sans aucun doute trouvé son rythme de croisière au moment où l’empire semble basculer vers un autre destin. » (p.35)

« La France semble s’être imprégnée alors en profondeur de l’idée coloniale. » (p.36)

« Loin d’être des aventures lointaines, les conquêtes coloniales sont un des ciments de la société française. » (p.39)

L’ensemble de ces affirmations montre que leurs auteurs n’ont décidément pas froid aux yeux en leur qualité d’historiens, d’autant plus qu’ils se sont refusés au départ à proposer une définition de leur objet d’étude :

« Pourtant essayer de donner une définition de la culture coloniale c’est entrer dans un champ théorique et abstrait qui n’est pas l’objet de notre démarche tant la notion de culture de masse est complexe, comme le montre un ouvrage récent. » (p.8)

Dans de telles conditions, de quoi allons-nous parler exactement, cher lecteur ?

La République Coloniale (2003)

(Blanchard, Bancel, Vergés – Une écriture à trois p.9). Tel que décrit dans la préface de la nouvelle édition, l’objet de l’ouvrage dérive par rapport aux livres que nous venons de citer. Nous passons de la culture coloniale àla République Coloniale, mais très précisément au pourquoi, d’après les trois auteurs, de la situation actuelle de la France dans son rapport avec les populations d’origine coloniale.

La situation qu’ils décrivent : « Présence de la colonisation pour des centaines des milliers de jeunes Français qui subissent inégalités et discriminations (p.II)… ce retour du refoulé (p.III) … il existe un impensé dans la République (p,IV). En n’écoutant pas les oubliés de l’histoire, on prend le risque de voir tous les révisionnismes, toutes les manipulations (p. V) les liens intimes entre République et colonie… Pour déconstruire le récit de la République coloniale (p.V). »

Ces quelques citations montrent que l’ouvrage esquisse une analyse qui dépasse le champ proprement historique et nous nous poserons la question de savoir si ces chercheurs ont été au-delà de l’incantation idéologique.

Des livres examinés à la loupe, c’est incontestablement celui dont l’outrance verbale et intellectuelle est la plus forte, celui qui développe toute la thématique d’idéologie historique de notre triade, le bain colonial des images, le matraquage de la propagande coloniale, l’omniprésence de l’Algérie, la généalogie existant entre culture coloniale et crise des banlieues, et pour finir, la mise en parallèle de la période de Vichy et de celle des colonies, le même type d’amnésie existant aujourd’hui pour la période coloniale, comme elle a existé pour Vichy et la collaboration.

Culture Impériale (2004)

Un discours également péremptoire sur les effets de la culture impériale.

« Trois quarts de siècles plus tard, la nostalgie de cette grandeur… reste encore vivante, même si elle prend des formes ambivalentes. (p.7). La France s’immerge… imbibée naturellement (p.9)… C’est une véritable culture impériale multiforme qui s’impose au cours des années 1931-1961… » Et les auteurs de renvoyer le lecteur, comme ils le font souvent dans leurs écrits, à leurs autres écrits, ici le livre Culture Coloniale, et la boucle est bouclée, sinon le cercle vicieux…

« Les processus par lesquels les Français sont devenus des coloniaux. Non pas des coloniaux fanatiques, ou simplement très au fait, ou encore particulièrement concernés par l’empire… mais pénétrés, imprégnés de cette culture impériale sans souvent en avoir une conscience claire et qui, sans manifester une volonté farouche de le défendre ou sans en connaître la géographie exacte, n’en témoignent pas moins de leur attachement à son égard. » (p.14).

Donc, le tout et son contraire, et heureusement pour nos bons auteurs, les Français imbibés consciemment ou pas de culture impériale (p.26),vont devoir s’en remettre aux bons soins du docteur Freud !

La Fracture Coloniale (2006)

Sous la direction de la triade Blanchard, Bancel et Lemaire)

Le lecteur est invité à présent à quitter les rivages d’une culture coloniale qui aurait imprégné la France en profondeur, qui produirait encore aujourd’hui ses effets, pour aborder les rives de la fracture coloniale.

« Retour du refoulé… qui font de la fracture coloniale une réalité multiforme impossible à ignorer (p.10)… la colonisation a imprégné en profondeur les sociétés des métropoles colonisatrices, à la fois dans la culture populaire et savante (ce que l’on nommera ici une culture coloniale) (p.13). De ce champ de bataille mémoriel (p.23)… la banlieue est devenue un théâtre colonial. » (p.23).

Et nous y voilà, le tour est joué !

L’Illusion Coloniale (2006)

(Illustré par Deroo avec des commentaires de Lemaire) L’introduction commente :

« Mais en histoire les mythes sont des réalités, ils s’intègrent et en sont moteurs ou facteurs, lui donnent une autre résonance tout en lui octroyant une dimension supplémentaire. De la sorte, si la colonisation s’est insérée dans la vie quotidienne des Français – bien que la majorité d’entre eux ne soit jamais allée et n’ira jamais outre-mer – elle ne représente qu’un rêve, certes basé sur le concret de l’acte colonial, mais élaboré par des images flatteuses de l’action nationale aux colonies. » (p.1)

Ce texte confus reprend l’idée d’une colonisation… insérée dans la vie quotidienne, et énonce l’existence d’un rêve… élaboré par des images flatteuses.

« C’est la mise en place progressive de cette perception, de cette illusion que nous nous sommes attachés à restituer dans cet album… iconographies et extraits de documents variés révèlent un imaginaire qui n’en finit pas de ressurgir quotidiennement à travers le tourisme… Les interrogations sur l’avenir de celle qui se proclama longtemps : la « Plus grande France » et de ceux qui se revendiquent amèrement les « indigènes de la République ». »

La thématique essentielle est là, un imaginaire qui sommeille et qui ressurgit pour produire encore des effets sur la situation intérieure française. Sommes-nous en présence d’un travail historique ou d’une construction idéologique qui surfe sur la vague médiatique des images d’un ouvrage de luxe, qui est un beau livre d’images ?

Nous verrons au fur et à mesurede notre analyse ce qu’il faut penser de ces théories historiques et idéologiques, mais le lecteur adéjà conscience de la généalogie de ces travaux, terme que ces historiens aiment bien utiliser pour expliquer la généalogie clandestine des phénomènes examinés, les travaux passant successivement, à partir des images, et des sources que nous avons citées, essentiellement le Colloque, le livre Images et Colonies, et la thèse Blanchard, d’une culture coloniale indéfinie, invisible mais en même temps prégnante, impensée mais en même temps bien présente, sans doute « faite chair », comme nous aurons l’occasion de le constater, à ce que l’on appelle communément la crise des banlieues, en fournissant des aliments pseudo-scientifiques aux animateurs des mouvements qui se revendiquent comme les indigènes de notre République.

Le choix des titres de plusieurs de ces ouvrages est en lui-même le symbole de l’ambiguïté et de l’audace des discours pseudo historiques qu’ils développent. Arrêtons-nous-y un instant :

Des titres attrape-mouches ou attrape-nigauds ? Avec quelle terminologie ?

Des titres coups de feu, sans points d’interrogation !

Culture, qu’est-ce à dire ? Herriot écrivait : « La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié », et si cette définition est la bonne, il aurait donc fallu que notre trio de chercheurs fonde sa recherche sur le présent de la France, et que par l’utilisation de méthodes statistiques éprouvées, ces dernières nous en apprennent plus sur le sujet. Des sondages, il en pleut chaque jour !

Et nos auteurs se sont bien gardés d’analyser en détail les différents sondages qui ont été faits sur ces sujets, les premiers datant des années 1938-1939.

Une culture constituée de quelles connaissances, partagée par qui, où, quand ?

Fracture coloniale ? « Une fracture est une rupture, une lésion osseuse formée par une solution de continuité avec ou sans déplacement de fragments », définition du Petit Robert. Comment appliquer cette définition à notre sujet, cassure entre quoi et quoi ?

Et à partir de quel continuum qui existerait ? Dans Culture Coloniale (p.25), ils écrivent :

La colonisation outre-mer n’est donc pas en rupture avec le passé, elle s’inscrit au contraire dans un continuum consubstantiel de la construction de la nation française…

Mais alors, continuité ou fracture, tout en notant que le propos frôle allégrement les mystères du christianisme !

Fracture politique, économique, humaine, linguistique ‘ ? Nous avons fait le recensement des différents sens donnés au titre Fracture coloniale dans le livre qui lui est consacréet chacun peut y trouver son bonheur. La moitié des contributions n’apportent aucune lumière sur la nature de la fameuse fracture.

Dans son introduction, le trio écrit :

Pour autant, définir la fracture coloniale dans toutes ses dimensions n’est pas chose aisée (p.13) – effectivement – après avoir écrit (p.11), Autant de signes qui font de la fracture coloniale une réalité multiforme impossible à ignorer.

Et plus loin, la fracture coloniale est née de la persistance et de l’application de schémas coloniaux à certaines catégories de population (p.24).

Prenons quelques cas de figure Une fracture politique dans le cas de la Françafrique ? Une fracture linguistique ? Alors que la continuité linguistique est un des facteurs de l’immigration légale ou clandestine ? Une fracture coloniale ? Alors que beaucoup d’habitants des anciennes colonies, notamment de l’Algérie, mère de tous les phantasmes, émigreraient volontiers dans la patrie du colonialisme.

Il convient donc d’aller à présent au cœur de notre sujet et d’analyser le fameux corpus d’images el de textes, ou tout simplement les sources, qui ont été l’objet de leurs études, beaucoup plus d’images que de textes, semble-t-il.

Il s’agit des supports d’information et de culture que nous allons analyser, support par support, et à chacune des grandes périodes historiques que nous avons rappelées dans notre flash-back. Nous verrons s’ils existaient ou non, quelle était leur diffusion, et quels ont été leurs effets sur l’opinion publique à chacune des époques considérées, pour autant qu’ils aient pu être mesurés.

Il conviendra de comparer les résultats de cette analyse avec la thèse de ces historiens. Leur analyse des images et de leurs supports est-elle crédible ou non ? Pourquoi oui ou pourquoi non ? Et des textes examinés ? Avec quelle méthodologie d’évaluation, car dans ce champ de recherche, la méthode choisie est bien souvent le préalable nécessaire du sérieux de l’analyse.

Images ou textes, images avec ou sans textes, textes avec ou sans images, des matériaux d’analyse historique qu’il sera nécessaire d’inscrire dans une chaîne méthodologique d’interpré­tation : nature de l’image ou du texte, origine, date, contexte, cible choisie, tirage et diffusion, effets supposés ou mesurés sur un public, lequel ? Toutes questions qui appellent des réponses souvent difficiles, d’autant plus que cette interprétation risque le plus souvent, dans le cas des images, d’empiéter sur le domaine des sémiologues, dont le métier est précisément celui de l’interprétation des signes.

Nous examinerons successivement :

Chapitre 1 Les livres de la jeunesse, livres scolaires et illustrés

Chapitre 2 La presse des adultes

Chapitre 3 Les villages noirs, les zoos humains (avant 1914),
                   et les expositions coloniales (avant et après 1914)

Chapitre 4 Les cartes postales

Chapitre 5 Le cinéma

Chapitre 6 Les affiches

Chapitre 7 La propagande coloniale

Chapitre 8 Les sondages comme mesure de l’effet colonial sur l’opinion

Chapitre 9 Le « ça » colonial

Remarquons pour le moment que le seul support d’information et de culture, qui a été constant tout au long de la période coloniale est la presse nationale et provinciale. On en connaît les tirages et la diffusion, et il est possible d’en analyser les contenus. Avec la littérature, mais c’est là un sujet d’analyse et d’évaluation beaucoup plus difficile.

Et pour guide de notre lecture critique, une recommandation de Montaigne : « Choisir un conducteur qui ait une tête bien faite plutôt que bien pleine. »

Car nous n’avons pas l’ambition de nous substituer à l’historien, au sociologue, au psychanalyste ou au sémiologue, mais de soumettre la thèse que défendent ces historiens, leurs affirmations, les sources qu’ils avancent, les raisonnements mis en œuvre, à la critique d’un bon sens formé aux meilleures disciplines de la pensée.

Et nous n’hésiterons pas à appliquer le sage précepte des historiens, la citation des sources, quitte à citer nos propres sources, celles que nous avons été consulter dans les services d’archives.

Car il serait grave d’avancer, avec des preuves et une analyse insuffisantes, une nouvelle thèse de l’histoire, qui s’auto­proclame comme scientifique, et dont les propagandistes s’autori­sent à délivrer des ordonnances de bonne gouvernance sociale etculturelle.

Avec cetteméthode de travail, nous avons un gros avantage sur les spécialistes, une liberté complète d’analyse etde propos.

Avec l’idée que la fameuse guerre des mémoires coloniales est une affaire montée de toutes pièces par des groupuscules dont la méthodologie n’a pas grand-chose à voir avec la science historique, s’il en existe une.

Dans le livre d’entretien que l’historien Stora vient de commettre, intitulé La guerre des mémoires, ce dernier se range sous la bannière de cette phalange d’historiens (p.33). Il s’y déclare un historien engagé (p.89), mais comment oser mettre sur le même plan un historien de cette pseudo guerre des mémoires, 45 ans après les indépendances et les accords d’Evian, avec d’autres figures du passé, Michelet au XIXe siècle, ou celle de l’historien Vidal-Naquet réagissant à chaud, comme intellectuel, contre les violences et les tortures de la guerre d’Algérie ? Et pourquoi ne pas citer une autre grande figure, celle de Marc Bloch, entré dans la Résistance pendant la deuxième guerre mondiale et fusillé par les Allemands.

Quoi de commun entre ces historiens ?

Et comment interpréter enfin les récents propos de l’histo­rienne Coquery Vidrovitch sur l’historien Blanchard, surnommé historien entrepreneur : qu’est-ce à dire ? Il y aurait à présent des historiens du marché et donc une histoire du marché ? Avec l’Achac, association de recherche historique, soutenue par des fonds publics, et l’agence de communication toute privée Les bâtisseurs de mémoire ?

Comment distinguer entre l’histoire scientifique et l’histoire marchandise, celle des produits culturels qui surfent sur la mode médiatique des mémoires ?

Nous avons donc l’ambition d’aider le lecteur à ne pas prendre des vessies pour des lanternes historiques.

Et pour une mise en bouche historique,
une boulette de riz !

Outrances de pensée et de langage, grandiloquence, l’historienne Lemaire ne fait pas dans le détail pour décrire une propagande coloniale qui aurait fabriqué du colonial, tissé sa toile, éduqué, manipulé les citoyens français, grâce notamment à l’action de l’Agence des Colonies.

Nous verrons ce qu’il en est exactement dans le chapitre 7 consacré à la propagande coloniale, au risque de dégonfler la baudruche.

Pour l’instant, un mot bref sur une de ses trouvailles historiques à propos du riz indochinois et de son rôle dans la fabrication du colonial.

Dans le livre La culture impériale, elle intitule une de ses analyses : Du riz dans les assiettes, de l’Empire dans les esprits (CI/82)

Une formule magique ! Un vrai slogan de propagande, car l’analyse de l’historienne ne repose sur aucun fondement sérieux, comme nous le démontrerons.

Il aurait vraiment été difficile pour les Français d’avoir du riz dans leurs assiettes, alors que le riz importé, de mauvaise qualité, était destiné, pour 95%, à l’alimentation de la volaille et du bétail, et que les groupes de pression agricoles tentèrent, dans les années 30, sans succès, de limiter l’importation d’une céréale qui venait concurrencer leur blé.

Plutôt que du riz dans les assiettes, une boulette de riz historique !

Le lecteur aura le loisir de constater que lecas du riz indochinois est typique de la méthode de travail de ce cercle de chercheurs : insuffisance d’analyse, absence d’évaluation des faits décrits, grossissement avec une grosse loupe de telle ou telle considération, laquelle, comme par hasard, vient au secours d’une démonstration creuse, et idéologiquement orientée.

D’aucuns évoqueraient sans doute à ce propos lefaux historique et la contrefaçon.