Août 2022

Notes

                      Anciens et Nouveaux Empires

Chine et Russie

Amis de la Russie ! Soyez patient !

L’empire soviétique a mis du temps à s’écrouler 1917- 1989.

Il s’est écroulé en inventant une nouvelle nomenclature, gorgée de fric.

Pourra-t-elle y renoncer ?  Après avoir goûté à la liberté et à la  démocratie ?

Aidons la liberté russe !

Amis de la Chine. Soyez patient !

 La Chine poursuit son chemin impérial à travers les siècles, de crise en crise, mandarinale, capitaliste puis communiste à la sauce Mao depuis 1949.

1949-2022, un « temps » court dans la Chine multiséculaire !

Elle ne saurait résister au Réveil des Royaumes Combattants de la nouvelle Chine impériale frappée de cette maladie qui a toujours été le gigantisme impérial.

Aidons la liberté chinoise !

Jean Pierre Renaud

Persécution des Chrétiens dans le monde entier

En 2021 :

5 898 Chrétiens « tués en raison de leur foi » !

Soit + 24 % par rapport à 2020 (1)

Les pays à la pointe des persécutions, l’Afghanistan, la Chine, l’Inde, le Pakistan !

Pour ne pas citer les lieux de culte ciblés, détruits ou fermés…

En France, pays de vieille chrétienté, on nous accuse de persécuter les musulmans, alors que nous combattons l’Islam radical, terroriste et assassin ! Vous vous rappelez de l’assassinat du père Hamel dans son église ?

Est-ce que l’un de ces groupuscules de propagande pourrait nous citer, chez nous, des cas de persécution de musulmans, ou d’hindous, ou de chinois communistes ?

Jean Pierre Renaud

  1. Chronique Jean Marie Guesnois Le Figaro du 19/01/2021

Humeur du Jour Conseil de Défense ou Conseil du Roi- Le Coup de Maïtre d’Huwaei: après Borloo, Biot !

Humeur du Jour

       Conseil de Défense ou Conseil du Roi ?

Il est évident que pour un Français qui bénéficie d’une petite culture historique que le Conseil de Défense est devenu le véritable Conseil de Gouvernement en lieu et place du Conseil des Ministres.

            Il s’agit une fois de plus d’une sorte de détournement de nos institutions républicaines représentatives !

Un nouveau coup de maître au cœur de l’establishment parisien, après Borloo, Biot !

Avec Huawei France, Biot, et la 5 G, la Chine communiste au cœur de nos systèmes de gouvernance et de défense.

            Je me suis intéressé depuis longtemps aux stratégies indirectes, un domaine où les Chinois ont toujours excellé.

            La Chine vient de réaliser un superbe coup stratégique en confiant la présidence de Huawei France à l’ancien Président exécutif de l’Ecole Polytechnique (2013-2018), avec son riche carnet d’adresses.

            Il a succédé à Jean Louis Borloo, une autre personnalité française d’influence.

            Comment  expliquer aux Français et dans de telles conditions que ces personnalités servent leur pays, pour ne pas dire leur patrie ?

            Jean Pierre Renaud

2020-1900 : Colonialisme de la Chine au lieu de colonialisme de l’Occident

 A la fin du XIXème siècle, l’idée de subventionner le développement des pays colonisés était hors de question.

Les Anglais et les Français entre autres avaient mis en œuvre le principe de « Aides toi toi-même », en accordant des prêts qui leur donnaient la possibilité de contrôler les échanges économiques des pays tenus en laisse financière par leurs emprunts et par les garanties qu’ils étaient tenus de donner pour contracter leurs prêts.

A cette période là, c’est sans doute dans une Chine, très convoitée, que prospéra ce système, aboutissant à confier le contrôle de ses douanes aux puissances occidentales, un contrôle allant jusqu’à pouvoir disposer de flottes de contrôle militaire sur les fleuves et mers de Chine.

Cette forme de colonialisme eut beaucoup de succès dans un certain nombre de territoires, notamment en Egypte disputée entre Français et Anglais, et au Maroc, le système de prêts permettant en plus de faire « profiter » de la nouvelle manne.les entourages des pouvoirs en place

La Chine de 2020 n’a donc rien inventé et chausse tout simplement des pratiques colonialistes séculaires qui ont fait leurs preuves. Il est évident que l’impérialisme chinois tisse sa toile de domination comme le faisaient des prédécesseurs aujourd’hui honnis.

Le Figaro Economie du 17 août 2020 titre un article « L’Afrique dans le piège de la dette », ce qui veut dire qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, sauf que depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, les pays occidentaux ont inauguré de nouvelles politiques d’aide au développement : à titre d’exemple et avec le FIDES, la France a mis en place un système d’aide financière constitué de prêts à faible taux d’intérêt et de subventions pures et simples.   

De 1945 à 1962, et au fur et à mesure des années, la part des subventions est allée jusqu’à 100%.

Jean Pierre Renaud    –  Tous droits réservés

Humeur Tique – Chine :les trois virus – Europe: le test

Humeur Tique

Chine et Union Européenne

       Les trois virus chinois : tout le monde connait le nouveau Coronavirus chinois, mais cette pandémie a mis dans l’ombre deux autres virus issus d’une même source, le virus de la liberté et celui de la démocratie de Hong Kong et de Taïwan.

            Le Parti Communiste  Chinois aura de plus en plus de peine à lutter contre ces virus, et sans réformes institutionnelles majeures, le nouvel Empire Chinois risque donc de connaître le destin de l’ancienne URSS, c’est-à-dire un éclatement, et plus anciennement de faire revivre les crises de la Chine Impériale, avec les « Royaumes Combattants. »

Une Nouvelle Union Européenne, celle de la solidarité et de la subsidiarité, c’est le test européen actuel !

La crise actuelle donne l’occasion aux pays de l’Union de savoir ce qui les relie à l’Union ou pas.

            Que les pays décidés à partager les solutions nécessaires pour faire face à cette crise profonde qui déstabilise complètement nos sociétés et nos économies décident de refonder notre Europe sur des bases politiques, économiques, et sociales partagées, c’est-à-dire une nouvelle Confédération circonscrite aux  pays qui adhèrent à un tel projet !

    Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Les Mots et les Symboles Récup d’un Président

Notre pays a la chance d’avoir une Première Dame, ancienne professeur de lettres, et c’est sans doute la raison principale pour laquelle le Président  adore le langage et les images de transgression, sauf que les mots utilisés et aussi les images sonnent quelquefois franchement faux.

            Le 17 mars 2020, le Président déclare à la télévision «  Nous sommes en guerre ! »

            Seul problème, alors que l’on sait déjà, depuis au moins janvier 2020 qu’une grave épidémie d’origine inconnue sévit en Chine : le Président a-t-il mis son pays en état de faire cette nouvelle guerre ? Non.

            Ni masques, ni respirateurs, ni tests, ni mise à jour du plan pandémie existant depuis des années dans les cartons du gouvernement !

            Le 17 mars, le gouvernement est encore en pleine improvisation et la bureaucratie française s’en donne à cœur joie, alors que dans nos hôpitaux et sur le terrain les acteurs de cette nouvelle « guerre » sanitaire font courageusement face.

     Le Représentant Spécial des Affaires Étrangères en Chine n’en aurait-il pas informé son ami le Président ?

      A un Conseil des Ministres récent, le Président a invité ses ministres à « s‘armer »

      Pourquoi ne pas interpréter cette nouvelle guerre en relisant Sun Tzu, grand maître chinois de la stratégie indirecte ? :

       « 13. Tu Mu : « … En plein jour, je l’abuse par le jeu des drapeaux et des étendards, et le soir, je l’égare par des battements de tambour. Alors, tremblant de terreur, il divisera ses forces par mesure de précaution »

     Vrai problème : pas d’ennemi désigné, et pas d’armée pour faire face !

      Ne s’agirait-il que d’une impression ? Le Président a d’abord agité les drapeaux, le rouleau compresseur des statistiques de la peur, fait battre les tambours (avec les multiples déclarations des experts de tout bord, y compris le transgressif Professeur Raoult ), faute d’avoir les moyens et la stratégie utile pour la faire, faute aussi de pouvoir disposer d’une armée.

       Dernier épisode, le mea culpa à la mode chinoise de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière !

  Rien n’est moins sûr que dans notre République laïque il puisse lui être pardonné.

    Après Notre Dame Récup, le dimanche 17 mai, dans l’Aisne :  Charles de Gaulle Récup !

      Tout au long des dernières semaines, j’ai été effaré par la multiplicité des références à l’excellent livre de l’historien André Bloch, « L’étrange défaite », celle de 1940, avec des références et des interprétations allant dans tous les sens

      La question posée est celle de l’aveuglement de l’élite militaire et politique au pouvoir, en 1940, comme, de nos jours, celui de la technocratie algorithmique et politique qui nous gouverne.

Jean Pierre Renaud

Le Vaccin de SANOFI, la polémique

Le Vaccin de SANOFI

Vaccin ou pas vaccin « bien commun » ou pas, disponible pour tous chez Sanofi ou pas ?

Une belle polémique s’est engagée à ce sujet, comme on les aime chez nous.

Le Figaro du 15 mai 2020

En première page :

« VACCIN »

« Le Président de SANOFI répond aux attaques contre le laboratoire »

(page 11) »

« Macron et Philippe blâment Sanofi…

Serge Weinberg « Parler de préférence donnée aux Etats-Unis est absurde »

Le contenu de cette interview est intéressant, avec quelques éléments de la défense  du Président actuel de SANOFI, mais on aurait aimé en savoir plus.

            L’épidémie actuelle a mis le doigt, en tout cas pour l’opinion publique, sur l’extrême dépendance de la France vis-à-vis de la Chine et de l’Inde en ce qui concerne les substances nécessaires à la fabrication des médicaments, sinon aux médicaments eux-mêmes.

            Il se trouve que SANOFI a participé activement à cette course de la rentabilité maxima des capitaux qui a soumis notre pays à un grave péril de santé.

      Il faut aller plus loin dans les questions : faire le point des relations pharmaceutiques qu’elle entretient avec la Chine en ce qui concerne la liste des médicaments et des substances pharmaceutiques les plus sensibles, stratégiquement  parlant, pour notre pays.

            Il convient de rappeler que le patron actuel de SANOFi fait partie de cette cohorte d’anciens énarques partisans de la « mondialisation heureuse », lesquels, après avoir fourbi leur carnet d’adresse en passant par un Cabinet ministériel, se sont lancés à la conquête d’une petite fortune personnelle.

            N’est-il pas par ailleurs un des amis du Président actuel qu’il aurait aidé, il y a quelques années, à entrer dans une grande banque d’affaires française ?       

   Jean Pierre Renaud

« Quel type de guerre ? » L’analyse du général Giap

L’analyse du Viet Minh, avec le général Giap

            Dans la plupart des analyses historiques, rien ne vaut à mes yeux, lorsque c’est possible, la confrontation des lectures et interprétations faites pendant ou après coup par les adversaires : dans le cas présent, celle du général Giap qui fut tout au long de la guerre d’Indochine entre 1946 et 1954, notre adversaire principal.

Dien Bien Phu, le carnet de route du Général Giap

Giap Mémoires – 1946-1954-

Tome III Dien Bien Phu

« Le rendez-vous de l’histoire »

Anako Editions 2001

            Dans les lignes qui suivent, le lecteur pourra constater qu’au fur et à mesure des années, entre 1945 et 1954, et grâce au soutien massif de la Chine communiste à partir de 1949, le Viet Minh sut combiner à la fois une action puissante de guérilla à laquelle on était et restait mal préparé et une guerre  moderne de type classique qui lui donna la possibilité d’affronter le corps expéditionnaire avec une véritable armée de métier, laquelle avait l’immense avantage tactique et stratégique d’être adossée au peuple vietnamien.

Un résumé

     « La résistance entrait dans sa huitième année. Fin mai 1953, je reviens de Sam Nua à la base arrière. Les premières pluies saisonnières avaient commencé. Les troupes qui n’avaient pas eu un moment de répit, s’entrainaient avant la nouvelle saison sèche. Les parties belligérantes en Corée étaient sur le point de signer un armistice. La guerre dans la péninsule était différente de la nôtre. Il s’agissait d’un affrontement principal entre des armées régulières, dotées d’équipements et d’armements modernes, dans un pays peu étendu, mais muni d’un réseau de communications relativement développé. Dans notre résistance, le faible s’opposait au fort – David contre Goliath – tandis qu’en Corée les forces étaient plutôt équilibrées. En un court laps de temps, les troupes coréennes de la Corée du Nord avaient progressé jusqu’à Séoul, libérant une grande partie du territoire de la Corée-du-Sud. Cependant, quatre-vingt-dix jours plus tard, lorsque les interventionnistes américains débarquèrent à Inchon, les troupes coréennes du Nord furent contraintes de se replier rapidement. Les Américains ne marquèrent pas seulement leur présence sur le 38° parallèle, mais avancèrent jusqu’au fleuve Yalou, menaçant la sécurité  de la République de Chine et obligeant celle-ci à envoyer des volontaires en Corée. Les troupes et la population de Corée-du-Nord, avec les volontaires chinois aidés par l’Union soviétique, avaient repoussé les troupes américaines et celles de divers pays alliés au-delà du 38° parallèle… 

      Alors que les puissances discutaient sur une solution du conflit en Corée, en France, au sein des milieux gouvernementaux, certains réclamaient des négociations afin de mettre fin à la guerre d’Indochine. Le 18 juillet 1953, Albert Sarraut, ancien gouverneur de l’Indochine, déclara clairement qu’il s’agissait de la meilleure occasion de régler le problème indochinois et qu’il fallait traiter avec Ho Chi Minh, qui se montrait le plus disposé à le faire. Un grand nombre de Français avait bien compris depuis longtemps l’aspiration de ce dernier à une paix véritable. Mais il s’agissait d’une paix fondée sur l’indépendance et l’unité du Vietnam, ce que les autorités françaises n’avaient pas, au cours des années passées, voulu admettre.

      La France n’était plus en mesure de supporter le poids d’une guerre d’agression trop prolongée. Mais, à la différence de ce qui s’était passé lors de la guerre de Corée, le corps expéditionnaire n’était pas en danger et il se rendit maître de l’espace aérien, maritime et de presque toutes les grandes villes de la péninsule indochinoise. Le risque d’un effondrement qui s’était présenté lors de l’hiver et du printemps 1950, était dépassé. Avec l’aide limitée de l’étranger, le corps de bataille vietminh ne comptait toujours que six divisions, essentiellement d’infanterie. Le corps expéditionnaire n’avait à affronter les chars, avions, bateaux de guerre, artillerie antiaérienne et terrestre modernes. Il n’était confronté qu’à la guérilla, qui était en plein essor dans le delta, et à des unités régulières de faible importance et qui se dérobaient à chaque contact avec les groupements mobiles français. La force vietminh résidait dans des combats livrés dans les régions montagneuses. Pourtant, le stratégie des « hérissons » avait prouvé son efficacité. La France pouvait encore développer ses forces, en mettant sur pied des armées dans les Etats associés, et compléter leur équipement grâce à l’aide américaine. Les autorités françaises avaient perdu tout espoir de gagner la guerre. Mais elles étaient toujours convaincues d’avoir le temps nécessaire pour réunir les conditions qui perme mettraient d’y mettre fin à leur avantage et d’exécuter une « sortie honorable ». Les Américains ne pouvaient pas abandonner les Français en Indochine. »  (p,11,12)

Commentaire : les premières lignes de ce témoignage fixent déjà bien le cadre historique et stratégique du conflit.

     1 – En 1953, déjà  sept années de guerre, sans solution

    2 – Dès la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, la France se trouva engagée dans ce type de guerre révolutionnaire, alors qu’à la fin de l’occupation de l’Indochine, le pays se trouvait dans une situation anarchique et que le Japon avait tout fait pour renforcer le nouveau gouvernement du Vietminh. La Chine allait succomber au communisme avec l’aide de l’URSS, et la défaite du camp nationaliste avait provoqué plus que des interférences militaires au Tonkin et sur ses frontières montagneuses.

     Il n’est pas inutile de rappeler qu’à la fin du siècle précédent, le Colonel Gallieni et le Commandant Lyautey avaient eu fort à faire pour pacifier cette zone montagneuse.

    En 1947, la guerre froide changea complètement la donne internationale, et l’Indochine devint un des nouveaux enjeux de la nouvelle confrontation entre l’Est et l’Ouest.

     3 – Après 1945, la France fut dans l’incapacité de trouver une solution politique à ce conflit, alors qu’en 1947,  le général Leclerc avait préconisé une solution politique, et que quelques années plus tard, le général de Lattre avait préconisé également une solution politique.

      Il convient de remarquer que la volatilité des gouvernements de la Quatrième République, pas plus de six mois en moyenne, n’était pas un facteur favorable à une solution. Dans les premières années, elle fut recherchée à plusieurs reprises, mais sans succès, une des raisons étant celle de la position française sur la Cochinchine, une province que la France entendait séparer du Vietnam, pour des raisons à la fois historiques et religieuses, la défense des causes missionnaires étant en partie à l’origine de la présence de l’Occident en Asie.

     4 – Giap décrit clairement l’état des forces des deux adversaires, le renforcement du corps expéditionnaire et le type de guerre pratiqué : il s’agissait pour le Vietminh de se renforcer dans les zones montagneuses, avec l’acheminement d’armements venus de Chine ou d’URSS, tout en assurant un contrôle de plus en plus étroit de la population vietnamienne encore très paysanne.

     Giap note que les Etats Unis contribuèrent au renforcement du corps expéditionnaire, et il est vrai qu’en 1953, les Etats Unis supportaient le plus gros de la charge financière de ce conflit.

     5 – Le Vietminh mit en œuvre une stratégie de guerre révolutionnaire, largement inspirée de celle de Mao Tsé Tung : la propagande, la guérilla, l’encadrement et le contrôle étroit de la population, la conquête progressive de zones entièrement contrôlées, et notamment le sanctuaire des zones montagneuses du Tonkin, qui lui permettaient de respirer militairement et de s’adosser à la Chine communiste de Mao Tsé Tung.

     6 – A lire cette sorte de carnet de route, j’ai été évidemment frappé par la qualité du renseignement militaire du Vietminh ou de la Chine, car cette dernière joua un rôle important à ses côtés, renseignement, fourniture d’armements, entraînement, conseil militaire au niveau du grand commandement et des grandes unités…

       « Fin septembre 1953, nos amis nous transmettaient une copie du Plan Navarre ainsi que des cartes que le service des renseignements chinois venait de récupérer. «  (p,18)

&

   Le Vietminh disposait effectivement d’un bon service de renseignement, illustration du fossé culturel existant entre les deux camps, le camp rebelle bénéficiant de l’appui de toutes sortes de complicités entrecroisées propres aux milieux d’Asie.

     Giap notait : « Depuis 1950, nous gardions l’initiative sur le théâtre d’opérations principal du Nord-Vietnam… »

     Giap connaissait le plan Navarre et ses instructions :

     « Depuis sa prise de fonctions, Navarre avait deux mots d’ordre : « garder constamment l’initiative » et « passer constamment à l’offensive »

    « Durant l’été et l’automne 1953, l’ennemi lança des dizaines d’opérations de ratissage dans les zones sous notre contrôle dans le Nord. » (p,20)

     « Après le repli de Na San, nos services de l’état-major ne savaient plus quelle direction choisir pour notre future offensive stratégique. » (p,21)

       La Commission générale du Parti dans l’armée délibère, nos « amis chinois » proposent la direction Sud, mais Ho Chi Minh opte pour la direction Nord-Ouest : « Nous allons prendre le Nord-Ouest comme principale direction de nos activités… » (p,27), c’est-à-dire en gros celle du Laos, qui devint un des enjeux des combats.

    « A ce moment, les mots Dien Bien Phu n’apparaissent pas encore dans le plan Navarre, pas plus que dans le nôtre, pour ce qui était des projets pour l’hiver et le printemps 1953-1954. Cependant son sort fut décidé lors de cette séance de Tin Kao… L’état-major général élabora d’urgence un plan opérationnel, qui pour la première fois englobait toute la péninsule indochinoise… » (p,29)

     Le Vietminh décide de prendre la province de Lai Chau, tout en gardant un œil sur Dien Bien Phu : « Le parachutage ennemi à Dien Bien Phu faisait partie de nos prévisions, même si nous ignorions la date et le lieu exacts. Ainsi l’adversaire devait faire face passivement et se voyait obligé de disperser une partie de ses forces  mobiles à Dien Bien Phu pour tenir le Nord-Ouest et assurer la protection du Haut Laos en déjouant notre offensive. » (p,39)

   « Fin décembre 1953, le bureau politique décide que Dien Bien Phu serait le lieu d’un combat décisif, de portée stratégique, pour cet hiver et ce printemps 1953-1954… »(p,49)

    Ho Chi Minh à Giap : « Vous voilà commandant en chef. Je vous donne les pleins pouvoirs. Pour tout problème difficile, il vous faudra discuter avec le Comité du Parti et les conseillers chinois afin de trouver une solution unanime. Ensuite, nous prendrons une décision et vous me la rapporterez. «  (p, 53)

    Giap évoque alors la question stratégique que le choix de Dien Bien Phu posait : « Après la fin de la guerre d’Indochine, une question se posa : Pourquoi Dien Bien Phu ? »

   Giap analyse alors les choix stratégiques de Navarre puis de Cogny,  et les raisons qui étaient avancées du côté français. Pour l’état-major de Saigon : « La précarité des communications ne permettait pas d’y acheminer des pièces d’artillerie dépassant 75 mm et des munitions pour plus de sept jours de combat. »

Commentaire : Ce fut incontestablement la grande erreur stratégique du commandement français, la sous-estimation des moyens tentaculaires, souvent surhumains ou inhumains,  que le Vietminh, avec l’aide de la Chine, mit en place pour aménager un réseau de pistes viabilisées.

    Cette erreur stratégique allait condamner la garnison française à partir du moment où cette artillerie interdit progressivement l’utilisation de l’aérodrome de secours qui y fut aménagé.

    Une Chine omniprésente : en janvier 1954, Giap va visiter le front :

  «  En chemin, je suivis le mouvement de nos troupes sur les différents champs de bataille. Je rendais compte fréquemment à Wei Guoquing, chef des conseillers militaires chinois, de l’évolution de la situation sur les théâtres d’opérations dans le pays…notre artillerie lourde était encore sur la route … (p,69) … il ressortait  de nos échanges avec les experts chinois venus pour préparer la campagne que le mieux était de lancer une attaque éclair. » (p, 73)

     « Une décision difficile » (p,75)

      «  Après réflexion, Wai Guoqing me répondit : Si nous ne lançons pas rapidement l’attaque, l’ennemi pourra augmenter ses renforts et consolider ses fortifications. Il serait en fin de compte difficile à vaincre. » (p, 76)

      « Le 14 janvier 1954, l’ordre de combat fut donné, devant un grand plan en relief fait de sable, dans la caverne Thau Pua. »

    « Notre plus grande difficulté résidait dans l’acheminement des pièces d’artillerie jusqu’aux positions de tir » (les 105)…L’heure H avait été fixée à 17 heures le 25 janvier 1954… »

    Grâce à la capture d’un bo doi, de Castries connaissait l’heure.

   Giap  et ses experts chinois ont des états-d’âme, l’attaque est différée, et les divisions viet se dirigent vers le Laos.

     « Je pense que ce jour-là, si nous avions appliqué la tactique éclair suivie d’une victoire rapide, la résistance aurait duré, à coup sûr, dix ans de plus. »

    « Pour nous, ce fut une bonne leçon de démocratie interne. » (p,87)

Commentaire : ces quelques pages suffisent, je l’espère, à situer et caractériser le contexte stratégique du général Giap.

     Pourquoi ne pas se rappeler à ce sujet un des grands principes de la stratégie napoléonienne, celui des deux cornes du dilemme, que le corps  expéditionnaire vit appliquer par le général Giap, étant donné que le corps expéditionnaire n’avait pas les moyens de mener un combat sur deux fronts montagneux ?

     Le Corps expéditionnaire n’avait pas les moyens militaires pour s’assurer le contrôle du Laos, nouvel Etat Associé et la cuvette de Dien Bien Phu.

     Au stade où en était le conflit, seule une intervention américaine aérienne et très puissante aurait pu sauver Dien Bien Phu, avec l’internationalisation officielle du conflit, étant donné que la Chine communiste était de plus en plus impliquée dans cette guerre, donc une nouvelle Corée.

VI – Quel type de guerre ?

Fin

Avant la conclusion, un rappel succinct de la chronique « La Parole de la France ? »

I- Introduction avec Saint Marc – II- Témoignages : Malraux- Delafosse- Guillain – III- Résumé – IV- Les grandes séquences de la guerre avec général Gras et Tertrais – V- Regards sur l’Indochine, de l’étranger (Kissinger, Graham Green, Vièn), de France (Brocheux) – VI- Quel type de guerre ? Gras, Bodard, Giap.

    La guerre contre-insurrectionnelle du capitaine Galula (Algérie): blog du 21/09/2012.

« La Parole de la France ? » Indochine-Algérie – Un nouveau type de guerre, la guerre subversive ?

La Parole de  la France ?

L’Honneur du Soldat ?

Guerre d’Indochine (1945- 1954)

Guerre d’Algérie (1954-1962)

VI

Un nouveau type de guerre ?

Les Guerres Subversives ?

            En Indochine, en 1945 et dans les années suivantes, le Corps expéditionnaire  découvrait un type de guerre auquel il n’était pas du tout préparé, à la fois sur le plan stratégique et tactique, en dehors de tous les schémas de guerre classique qui se déroulèrent aussi bien en Europe que dans la Pacifique, avec une nuance importante, celle des combats contre l’armée japonaise.

            A partir des mêmes sources et témoignages, nous proposons de décrire les différents aspects de ce type de guerre subversive, révolutionnaire et souvent totalitaire.

            Indiquons dès le départ que la différence essentielle à mes yeux portait sur la valeur attachée à la personne humaine, dans une culture plutôt individualiste, l’occidentale et les cultures asiatiques qui font primer le collectif social, une caractéristique qui n’a sans doute pas disparu.

            Forte de cette très mauvaise, mais utile expérience, l’armée française mit en œuvre en Algérie le même type de guerre contre-révolutionnaire, avec un certain succès, sauf que la stratégie mise en œuvre manquait d’un objectif politique crédible, de nature à rallier la population musulmane, c’est-à-dire une indépendance en association avec la France.

            La stratégie de la Troisième Force (la thèse de Galula) toujours introuvable, comme en Indochine (voir Graham Green), fut vouée à l’échec.

Quel type de guerre pour le Général Gras ?

Une guerre de la guérilla, du peuple et de la terreur

« Une guerre du tigre et de l’éléphant »

Extraits du livre du général Gras « Histoire de la guerre d’Indochine »

        « Il est certain que l’attitude de Ho Chi Minh à cette époque était ambigüe. S’il parlait de paix et d’amitié avec la France, il songeait aussi à lui faire la guerre. Quelques jours avant son départ, le 11 septembre, il accorda au journaliste américain David Schoenbrun une interview où il révélait ses intentions profondes.

      . Oui, disait-il, nous allons devoir nous battre. Les Français ont signé un traité et ils agitent les drapeaux. Mais tout cela n’est que mascarade.

      Et comme David Schoenbrun lui répliquait qu’une guerre contre les Français serait sans espoir, il lui répondit :

     . Non, elle ne serait pas sans espoir. Elle serait dure, acharnée, mais nous pourrions la gagner. Car, nous avons une arme aussi puissante que le canon moderne, le nationalisme. Quant aux armes, on peut se les procurer s’il le faut.

   Ce  sera donc une guerre de guérilla, une guerre de harcèlement et d’usure ?

      Ce sera une guerre entre un tigre et un éléphant. Si jamais le tigre s’arrête, l’éléphant le transpercera de ses puissantes défenses. Seulement, le tigre ne s’arrête pas. Il se tapit dans la jungle pendant le jour, pour ne sortir que la nuit. Il s’élancera sur l’éléphant et lui arrachera le dos par grands lambeaux, puis il disparaîtra de nouveau dans la jungle obscure. Et, lentement, l’éléphant mourra d’épuisement et d’hémorragie. Voilà ce que sera la guerre d’Indochine. »

     Les paroles sont trop précises, la vision trop claire pour ne pas correspondre à un projet mûrement réfléchi et déjà arrêté. A vrai dire, cette guerre qu’annonçait Ho Chi Minh, le Viet-minh la menait dans le Sud depuis un an.

            « Le Viet-Minh forme un gouvernement de combat »

     Quoiqu’il  en soit, dès le retour d’Ho Chi Minh, le Viet-minh durcit son attitude et renforça sa dictature en vue de l’épreuve de force…Afin d’interdire à cette opposition toute manœuvre au sein de l’Assemblée, le Viet-minh entreprit d’éliminer ce qu’il en restait.  Du 23 au 27 (octobre), la police opéra des arrestations massives… Le 3 novembre, Ho Chi Minh forma un nouveau gouvernement dans lequel tous les portefeuilles furent attribués à des militants communistes choisis parmi les plus durs… C’était un véritable gouvernement de combat…

     La guerre du peuple en Cochinchine

    … Dans cette forme de guerre, nouvelle pour les Français, le Viet-minh avait pour objectif essentiel d’étendre son emprise politique sur la population. Il y appliquait un terrorisme impitoyable… Mais le Viet-minh ne s’imposait que par la terreur… Les troupes françaises poursuivaient leurs opérations sans relâche. Elles se montraient capables d’aller partout sans que l’adversaire pût s’y opposer, mais elles ne pouvaient pas être partout en même temps. Elles avaient beau donner la chasse aux guérilleros et aux terroristes du Viet-minh, traquer ses chi doi et même leur infliger des pertes sévères, détruire leurs misérables repères cachés au plus profond des forêts et des marécages, par leur activité incessante elles plaçaient les forces du Viet-minh dans une situation très difficile, mais elles demeuraient impuissantes à rétablir l’autorité politique du gouvernement de Saigon en dehors des grands axes et des villes. La rizière et les villages restaient au Viet-minh… (p,138)

L’analyse du journaliste reporter Lucien Bodard

«  La Guerre d’Indochine »- Lucien Bodard- I – L’enlisement – II – L’humiliation-

III – L’aventure (Editions Grasset & Fasquelle- 1997)

            Lucien Bodard nous livre dans son pavé d’écriture de plus de 1 1OO pages un reportage vivant, foisonnant de vie et de mort, et truculent sur cette guerre qu’il a suivi aux côtés du corps expéditionnaire français, d’autant mieux documenté que, né en Chine, il bénéficiait d’une solide culture chinoise. Il avait donc  la chance de pouvoir décoder le cours sinueux et tout à fait asiatique de cette guerre, et de dresser au fil des pages une galerie de portraits de ses acteurs, toujours étonnants de vérité, et de grande qualité littéraire, tout autant que de scènes de guerre ou des arrières urbains de Saigon ou d’Hanoi qui étaient très loin de respirer la vertu guerrière.

            A lire ces pages, on ne sait jamais si on a affaire à un journaliste, à un romancier historique, ou à un grand romancier tout court.

            Notons dès le départ que Lucien Bodard ne débarqua dans la presqu’île indochinoise qu’en 1948, soit quelques années après le début des hostilités, en 1945.

            Notons également que, sans le dire ou l’avouer,  Lucien Bodard y manifeste une sorte de culte du Roi Jean, le Général de Lattre de Tassigny, sorte de nouveau héros antique qui perdit d’abord son fils Bernard, dans le delta du Tonkin, officier, comme lui, alors qu’il exerçait le commandement en chef et  tentait de reprendre la main dans cette guerre, et mourut lui-même à Paris, avant de connaître la fin de cette guerre funeste.

            Le livre commence par la description de « La fin d’Hanoï » après la défaite de Dien Bien Phu en 1954 et le témoignage d’officiers qui avaient été détenus par les Viet et libérés dans un état de santé déplorable :

            « Nous avions au camp une distraction un peu féroce. Nous passions au crible les principaux chefs de l’Indochine. Nous ne faisions grâce qu’à bien peu d’entre eux : à Vanuxem, à Bigeard, à d’Alançon, à Cogny aussi.

            Nous découvrions douloureusement que l’armée française était une institution dépassée. Nous portions  tous le même diagnostic. Pour nous, le drame de la guerre d’Indochine, venait de ce qu’un corps expéditionnaire ultramoderne avait été incapable de faire face à une armée révolutionnaire… Pendant huit années, nos généraux avaient combattu une révolution sans savoir ce qu’était une révolution, en employant des méthodes de l’Ecole de Guerre. Quand la situation avait trop empiré, le Commandement avait recouru à ce vieux procédé militaire – le mensonge. Nous frôlions la catastrophe depuis trois ans, nous ne l’avions évitée plusieurs fois que de justesse. Les Vietminh faisaient sans cesse leur autocritique et s’amélioraient. De notre côté, nous nous entre-décorions, nous proclamions que tout allait bien et nos généraux se haïssaient. Les états-majors fonctionnaient à plein, fabriquant sans cesse de nouvelles conceptions stratégiques, toujours plus optimistes, théoriques et intellectuelles. Il suffisait d’une erreur pour que tout notre système s’effondre. Le général Navarre y a pourvu. Dien Bien Phu n’a pas été un effet du hasard, mais un jugement.

            Mais nous, les vaincus, qui avons fait mourir nos hommes, qu’allons-nous devenir ? A quoi allons-nous croire ? Nous sommes désespérés moins de la défaite que de toute la pourriture qu’elle révèle. » (p,31)

Commentaire : cette citation constitue une bonne introduction pour l’analyse de la guerre d’Indochine et des prolongements qu’elle a eus dans la guerre d’Algérie.

            Ces témoignages résument parfaitement la problématique de cette première guerre impossible à gagner sans faire appel à la contre-insurrection, mais encore fallait-il qu’elle soit possible, et qu’intellectuellement le commandement et le gouvernement sortent des schémas de guerre classique.

            En 1939, le commandement fit une erreur du même genre en sous-estimant les guerres de blindés et d’avions, mais dans un contexte général de guerre encore classique, ce qui ne fut pas le cas en Indochine, puis en Algérie.

            Le commandement et les officiers tirèrent d’autant mieux les leçons du conflit que nombre d’entre eux, les survivants, furent les acteurs de la guerre d’Algérie, mirent en application des techniques de guerre psychologique qui n’auraient pu aboutir, permis de trouver une solution, qu’en jouant la carte d’un nationalisme indépendant,  ce qui ne fut pas le cas dans la perspective d’une « intégration » mal définie ou mal vendue.

            « Pour s’excuser, les combattants du Corps expéditionnaire disent : «  Nous n’avons pas été battus par une armée, mais par un peuple. » Ce n’est pas exact. Les Français n’ont pas été écrasés par un soulèvement spontané des masses, mais par leur embrigadement révolutionnaire. Les communistes d’Asie ont inventé une technique nouvelle pour s’emparer des corps et des âmes et les faire servir à leurs buts. Les Français ont été incapables de s’opposer à cette science de la psychologie des masses. Ils n’ont été en Indochine que les Français traditionnels, avec les qualités et les défauts de leur histoire millénaire… (p,33)

            Le Corps expéditionnaire évacue le Tonkin et se replie vers le port d’Haiphong, où il pénètre triomphalement :

      « Le général Cogny se dresse de tout son haut dans un scout-car. Toutes les troupes du Tonkin lui rendent les honneurs et défilent martialement. Le général Cogny prie l’évêque d’Haiphong de fair carillonner les cloches de sa cathédrale. Il parait que le saint homme a demandé s’il fallait sonner le Te Deum ou le De Profundis. » (p35)

            « L’Indochine perdue »

            « … Au nord, très rapidement, meurt le mythe du « bon Ho Chi Minh ». On s’aperçoit au bout de quelques jours que le nord-Vietnam n’est qu’un simple satellite rouge… Les Français ne comptent plus depuis Dien Bien Phu. Ils sont comme  effacés du continent jaune. Les Asiatiques les ignorent presque complètement… » (p,35)

      « … Au début, la disproportion en faveur des Français était énorme. Les Vietminh n’étaient alors que des guérilleros mal armés : ils vivaient sur le Corps expéditionnaire, selon le principe que c’est l’ennemi lui-même qui doit « entretenir » les forces populaires. Ils prenaient les armes par le vol et l’embuscade. En ce temps-là personne n’aidait vraiment les soldats d’Ho Chi Minh. La Chine de Mao Tsé Tung était encore loin, elle se battait en Mandchourie contre les immenses armées de Tchang Kaïchek.

            Face aux Vietminh misérables, les Français avaient le Corps expéditionnaire, la police et l’administration, la piastre et tout l’appareil économique. Une grande partie de la population était avec eux : ils recrutaient autant de soldats et de partisans jaunes qu’ils le voulaient. La métropole alimentait la guerre avec un milliard quotidien de francs. Ensuite vint le dollar, et le matériel américain.

            Maintenant, il est impossible de ne pas se poser la question : comment les Français ont-ils pu être battus, comment cela a-t-il été possible ? L’objet de ce livre, c’est de chercher des réponses… Je vais raconter l’histoire d’un déclin qui durera huit ans, s’accélérant d’année en  année, depuis la guerre heureuse d’avant 1950 jusqu’à l’agonie de Dien Bien Phu ».

     « L’on verra que personne n’a pu arrêter la courbe qui menait au désastre, pas même vraiment de Lattre – il arrivait trop tard. Ce qu’il aurait fallu faire dépassait par trop les imaginations et les préjugés des généraux et des ministres français…. Car il aurait fallu tout repenser. » (p,36)

      « La guerre d’Indochine a été le reflet de de la confusion française – l’on ne savait pas ce que l’on voulait, l’on ne faisait pas ce qu’il fallait.

      La chance de la victoire militaire a été perdue dans les trois premières années de la guerre, entre 1946 et 1949. A cette époque, il aurait été possible de saisir le Vietminh à la gorge et de l’étrangler. La France ne fit pas l’effort nécessaire, en prétendant qu’elle ne le pouvait pas (plus tard, elle en fit de bien plus grands sans aucun espoir de victoire).Quand la Chine de Mao Tsé Toung s’étendit jusqu’aux portes du Tonkin, c’était fini. Les Français étaient battus sur la RC 4, il n’était plus question, pour eux seuls, d’arriver à gagner la guerre d’Indochine.

      Le général de Lattre, après se premiers succès s’aperçut qu’il fallait aussi détruire la Chine rouge. Il voulait donc une grande guerre asiatique, l’extension du conflit à tout le continent jaune. Mac Arthur aurait commandé au nord de l’Asie, lui au sud. Mais, Mac Arthur fut renvoyé et de Lattre mourut. L’idée d’un conflit contre la Chine fut abandonnée, pour réapparaître au dernier moment, inutilement, à Dien Bien Phu.

      La sinistre bataille de la Rivière Noire, qui se déroulait lorsque de Lattre expirait à Paris, fut un terrible avertissement. Elle signifiait que les Vietminh étaient désormais les plus forts : il fallait se préparer à traiter avec eux ou tenter malgré tout de forcer le destin, en jetant dans la mêlée la puissance entière de la France. Mais, l’on ne fit rien, ni la paix, ni la guerre.

   Longtemps encore, les Français continuèrent leur aventure d’Indochine, sans savoir où elle les mènerait. Le Gouvernement de Paris, les Etats-Majors ne cherchaient qu’à en détourner l’attention. C’était facile, c’était tellement loin ! Le seul but, c’était de faire durer, c’était d’éviter la catastrophe toujours menaçante. Il en résulta une lente dégradation, sans idées nouvelles, au prix de combats effroyables dont on parlait le moins possible. Ce fut la marche logique au désastre. L’on ne peut pas toujours s’en tirer de justesse, par les cheveux. Même dans l’absurde, tout a une fin. » (p,37)

Commentaire : l’analyse de Lucien Bodard converge avec celles que le lecteur a trouvé dans les chroniques historiques qui ont été proposées, afin d’avoir un bon spectre de ce sujet, sauf à signaler à nouveau que ce reporter saisissait beaucoup mieux la complexité de ce conflit, que de nombreux confrères, compte tenu de son enfance chinoise.

     A mes yeux, cette guerre illustre le constat permanent qu’il m’est arrivé de faire et de proposer sur le fait que le peuple français, dans son ensemble, n’a jamais été un peuple colonial et qu’il a toujours porté un  regard de désintérêt sur les affaires coloniales tout au long de notre histoire coloniale.

     Seuls moments de conscience coloniale, quand les gouvernements applaudissaient à coups de trompette les exploits militaires de certains de ses enfants outre-mer, à Fachoda par exemple, en 1898, sur un fonds de rivalité historique avec les Anglais, ou découvraient les troupes noires pendant la guerre de 1914-1918, ou comptaient sur le même outre-mer, rallié au général de Gaulle, pendant la guerre 1939-1945.

      Désintérêt de l’opinion publique métropolitaine, doublé de l’ignorance de l’outre-mer de la part des élites politiques des Troisième, Quatrième et Cinquième République !

   Seule peut-être l’Algérie, proche de nos côtes, et peuplée par une importante population européenne, de triple origine – italienne, espagnole et française-, a suscité un certain intérêt, mais dans le même contexte d’ignorance des caractéristiques, de la culture, et de l’histoire de ce pays.

    Deuxième observation : il ne faut jamais oublier dans ce type d’analyse historique le contexte de l’époque, celui d’une France qui sortait d’un conflit destructeur avec des familles qui avaient de la peine à comprendre qu’on puisse refaire une nouvelle guerre alors qu’on s’alimenta encore avec des cartes d’alimentation, jusqu’en 1947.

    Ces différentes observations soulignent quelques grandes différences de contexte historique entre les deux conflits indochinois et algérien, en n’oubliant pas deux facteurs, la proximité géographique de nos côtes et des destinées du Maghreb, et le fait que le gouvernement Mollet ait décidé, avant le retour du général au pouvoir, d’envoyer en Algérie le contingent.

     Ce dernier facteur fut une des causes de la fin du conflit, le contingent ne comprenait pas les enjeux du conflit, et refusa d’apporter, en 1961, son concours au coup d’État militaire.

     Indiquons enfin que le général de Gaulle n’avait ni la tripe coloniale, ni l’expérience des Gallieni ou Lyautey, parce qu’il était avant tout familier des théâtres d’opérations des guerres modernes, et qu’à ses yeux le champ de bataille se situait alors en Europe, dans la configuration de la guerre froide et de la bombe atomique.

Les traits de ce nouveau type de guerre

La guerre des postes le long des pistes et dans la jungle

      « La RC 4 est un abcès sanglant » (p,53)…« La guerre ignorée d’Indochine » dans un « capharnaüm de jungles et de montagnes » (p,55)… Bientôt Ho Chi Minh dispose d’un corps de bataille de dix régiments solides bien armés, fanatisés » … Cette jungle du « quadrilatère, vue d’avion, est déserte ; au-dessous, elle grouille »

     En 1948, le corps expéditionnaire se lance dans la « pacification » contre la Résistance, ses « Comités d’assassinat », son terrorisme. « La nuit est vietminh » (p,58) De la cruauté partout, on dépèce les victimes, une guerre impitoyable, la torture, avec une guerre des centaines de postes qui quadrillent la presqu’île : « Chaque chef de poste sait quel sera son supplice s’il est pris ». Le poste est « une cage de verre », et les chefs de poste crèvent de solitude.

     « Flammes dans la nuit (p,62) « Sur l’horizon noir, une flamme dans la nuit, cela veut dire qu’un poste n’existe plus » et le Vietminh sait utiliser tous les moyens imaginables pour faire tomber les postes, notamment les « brigades d’amour » dans une civilisation viet plutôt prude.

    « J’ai connu des chefs de poste qui sont passés à travers des dizaines d’embuscades »… La plèbe seule peut protéger… « La plèbe c’est donc  le facteur décisif de la guerre entre le sergent français et le chef du chidoi vietminh…

    Mais chez les Viets, les hommes ne comptent que secondairement. Ce qui est essentiel, c’est le système. » (p,69

Commentaire : est ci-dessus évoquée la problématique de ce type de guerre révolutionnaire familière à tous ceux qui se sont penchés sur leur histoire, avec dans le cas présent, la source capitale que constituait la doctrine marxiste de Mao Tsé Toung.

     L’enjeu principal était constitué par le contrôle de la population par tous les moyens possibles et imaginables, et notamment  une propagande nourrie par une doctrine susceptible d’entrainer la population dans son sillage, ce qui fut le cas aussi avec le Vietminh, à la fois contre l’ennemi séculaire que constituait la puissance coloniale et avec l’espoir d’un meilleur sort une fois la révolution au pouvoir.

      En Algérie, le commandement militaire a tenté de tirer les leçons de l’échec indochinois en plaçant le peuple au cœur de son combat, avec des méthodes de pacification  inspirées de celle du théâtre indochinois : il n’a jamais réussi à proposer, ou trop tardivement, au peuple algérien, un objectif crédible d’intégration arbitrant entre une communauté européenne attachée à ses privilèges et un peuple de plus en plus épris de nationalisme et d’égalité.

     Dans ce débat historique très complexe, il convient aussi de ne pas oublier que les Européens d’Algérie, aux côtés des musulmans, constituèrent des régiments qui contribuèrent à la Libération de la métropole.

      L’auteur décrit alors de façon très détaillée ce qu’est la jungle « sur une surface presqu’aussi grande que la France, l’on se bat sans se voir, dans la pénombre. Des poignées d’hommes, perdus dans l’immensité, cherchent à se surprendre, pour s’entretuer à bout portant, dans la nuit et la végétation. », avec un avantage évident pour les Viets qui voient tout et les Français rien.

      La Cochinchine reste un monde à part, où la France tente d’occuper le terrain avec l’aide de sectes très puissantes, notamment le caodaïsme

     « Le miracle de la prospérité. (p,112)

    « Malgré ces tueries, tout ce sang répandu dans tous les camps ne comptent pas. La cruauté et le sadisme sont recouverts par une prospérité énorme, incroyable. Jamais l’on n’a aussi bien vécu en Indochine, jamais autant de gens n’ont connu un pareil bonheur.

      Un monsieur français de l’Import-Export me demande un jour :  » Combien croyez-vous qu’il y ait encore de bonnes années à faire en Cochinchine ? Pourvu que les hostilités durent longtemps ! En fait, cette pensée remplit chaque cervelle, pas seulement chez les riches et les puissants, blancs ou jaunes, mais même auprès de la plèbe, des coolies, des nhaqués. Qu’importe les victimes, il y a tellement plus de profiteurs. »

     C’est la guerre qui enrichit tout le monde. »

      L’auteur décrit alors le climat délétère de corruption généralisée qui règne à Saigon, la double administration qui y sévit, celle du Haut-Commissariat et celle du gouvernement vietnamien :

    « Par tous ces chenaux, bien d’autres aussi, la prospérité est sans fin. Elle est d’autant plus grande que tous les milliards déversés pour la guerre, un par jour – cette matière première de tout – sont doublés peut-être triplés par un acte magique de l’Administration financière, qui s’appelle le transfert. C’est une autorisation d’envoyer en France les piastres gagnées en Indochine au taux de dix-sept francs, alors qu’elles n’en valent réellement que sept ou huit. L’opération s’accomplit dans une poussiéreuse et lamentable maison de Saigon, l’Office des Changes, qui, plus que le Haut-Commissariat ou le Grand-Etat-Major, est le centre de l’Indochine. Là, des sous-ordres d’employés, par quelques traits de plume, multiplient par deux tous les bénéfices faits, les capitaux accumulés, tout l’argent qui roule. Et c’est l’État français qui paie la différence.

     Les bénéfices s’accroissent encore si les francs, si abondamment touchés dans la métropole reviennent en Indochine. Ils réapparaissent en Extrême Orient sous des formes diverses – marchandises, or ou devises. Ce retour peut être légal ou illégal : dans ce cas, c’est le fameux « trafic ». Mais, d’une façon ou d’une autre, tout est négocié, vendu, reconverti, ouvertement ou clandestinement, en piastres à huit francs. Il ne s’agit plus que d’obtenir un nouveau transfert ; cela dure infiniment.

      De toute façon, c’est entre l’Indochine et la France le circuit permanent de l’argent, un va-et-vient qui constitue probablement, honnêtement ou malhonnêtement, la meilleure affaire du monde.

      « … En réalité, tout se tient. C’est partout la même fermentation autour de la piastre surévaluée. Pour l’Indochine entière, il s’agit de profiter de la mirifique aubaine. Les gens bien placés, le font officiellement, les autres « se débrouillent ». C’est toute la différence. » (p,116)

« La Parole de la France ? » Regards sur l’Indochine de l’étranger et de France

« La Parole de la France ? »

VI

Regards sur l’Indochine : 1945-1954

De l’étranger et  de France

  Afin de connaître et comprendre la situation coloniale de l’Indochine entre 1945 et 1954, donnons la parole à des témoins, des mémorialistes, ou à des historiens, en distinguant la situation coloniale indochinoise vue par des étrangers (Kissinger, Graham Green, Nguyen Khac Vièn,  de celle vue par un Français, Pierre Brocheux .

A – Regards de l’étranger

A l’Ouest

     1- Le regard d’Henri Kissinger, ancien Secrétaire d’Etat des Etats-Unis : tout au long de la Seconde Guerre mondiale, le Président Roosevelt  marqua son hostilité, et fit en sorte que les anciennes puissances coloniales ne retrouvent pas leurs anciennes possessions, animé par l’ambition de laisser ces territoires prendre leur destin en mains.

       C’est la Guerre Froide, en 1947, et avec l’arrivée de Truman en 1945, qui vit les Etats-Unis  prendre un virage en Indochine, en s’engageant de plus en plus dans le soutien matériel et financier de la France dans sa guerre avec le Vietminh.

     Les témoignages recueillis montrent que, sur place, la politique américaine, avec ses représentants locaux, militaires ou diplomates, n’était pas toujours d’une grande clarté, pour ne pas dire loyale.

      Le roman de Graham Green, « Un américain bien tranquille » en décrit bien le contexte, avec les initiatives d’un agent américain de renseignements qui tente de favoriser la naissance d’une Troisième Force, un rêve que caressa aussi l’armée française en Algérie, et qui n’a pas eu plus de succès.

       A lire ce roman, dont nous publions quelques extraits, on comprend rapidement qu’il y  avait un tel entrecroisement d’intérêts, d’ambitions, de double, triple, ou quadruple jeu des partenaires et adversaires, entre Colons français, vietnamiens ou viets de Cochinchine

Tout d’abord, des extraits des mémoires d’Henri Kissinger qui éclairent la position des Etats-Unis sur la guerre d’Indochine :

Viet Nam, France et Etats-Unis

« Diplomatie » Henry Kissinger

Le gros livre d’Henry Kissinger, qui occupa pendant des années des postes très importants auprès des Présidents des Etats Unis, fournit tout un ensemble de clés historiques qui permettent  de mieux comprendre la position des Etats-Unis à l’égard du conflit indochinois : Chapitre 25, « Le Viêt-Nam : l’entrée dans le bourbier Truman et Eisenhower » (page 559)

            Nous vous proposons de citer les quelques passages qui illustrent clairement les enjeux de la position américaine.

            A l’arrière- plan diplomatique et politique de ce dossier sont apparus rapidement plusieurs facteurs déterminants de l’évolution de ces relations :

            A partir de 1947, la guerre froide, en 1949, la victoire de Mao Tsé Tung en Chine, en 195O, la guerre de Corée et le refus américain  ultérieur de s’engager dans une nouvelle guerre de Corée, alors qu’elle fut une sorte de répétition de la guerre du Vietnam à partir des années 1950, la théorie des dominos : d’après laquelle il ne fallait pas laisser tomber le premier domino du Vietnam, … les menaces et les interventions de l’URSS et de la Chine… et l’hypothèque coloniale ou néocoloniale de la France, toujours présente en Indochine…

            « Tout commença avec les meilleures intentions du monde. Pendant les vingt années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, l’Amérique avait pris la tête de la construction d’un nouvel ordre international à partir des fragments d’un monde en ruine. Elle avait relevé l’Europe et remis sur pied le Japon, fait barrage à l’expansionnisme du communisme en Grèce, en Turquie, à Berlin et en Corée, adhéré à ses premières alliances de temps de paix et lancé un programme d’assistance technique au monde en développement. Sous la parapluie américain, les pays connaissaient la paix, la prospérité, et la stabilité.

            En Indochine, cependant, tous les modèles antérieurs d’engagement américain à l’étranger volèrent en éclat. Pour la première fois au XX° siècle, le souci que l’Amérique avait toujours eu de mettre en correspondance ses valeurs et actes fut mis en doute. Et l’application trop universelle de leurs valeurs oblige les américains à remettre peu à peu celles-ci en question, et à se demander d’abord pourquoi elles les avaient conduites au Vietnam. Un abîme se creusa entre leurs croyances en la nature exceptionnelle de leur nation et les ambiguïtés et les compromis propres à la géopolitique de l’endiguement du communisme. Dans le creuset du Vietnam, l’exception américaine  se retourna contre elle-même. La société américaine ne débattit pas, comme d’autres l’auraient fait, des défauts concrets de sa politique : elle s’interrogea sur le bien-fondé, pour l’Amérique, d’endosser n’importe quel ordre international. C’est cette dimension du débat vietnamien qui causa des blessures si douloureuses et si difficiles à guérir. » (p,560)

            En 1950, le Conseil national de sécurité :

      « …En  février 1950, quatre mois avant le début du conflit coréen, le document 64 du Conseil national de sécurité était parvenu à la conclusion que l’Indochine représentait « une région décisive de l’Asie du Sud-Est et directement menacée. » Le mémorandum donnait une première version de la « théorie des dominos », selon laquelle, si l’Indochine tombait, la Birmanie et la Thaïlande suivraient sous peu et « l’équilibre de l’Asie du Sud-Est se trouverait alors gravement compromis. » (p,562)

      « La menace, en fait, n’était pas partout la même. En Europe elle émanait principalement de la superpuissance soviétique. En Asie, les intérêts américains se voyaient menacés par des puissances secondaires qui étaient, au mieux, des substituts de l’Union  soviétique, et sur lesquelles Moscou exerçait une autorité douteuse – ou qui apparaissait comme telle. En réalité, à mesure que la guerre du Vietnam évoluait, l’Amérique finit par combattre le substitut d’un substitut, chacun se méfiant profondément de celui qui le coiffait. Aux termes de l’analyse américaine, l’équilibre mondial était attaqué par le Viet-Nam du Nord, qu’on estimait inféodé à Pékin, lui-même jugé contrôlé par Moscou. En Europe, l’Amérique défendait des Etats historiques ; en Indochine, elle traitait avec des populations qui s’efforçaient pour la première fois de construire des Etats. Les nations européennes étaient riches de traditions séculaires qui déterminaient leur coopération à la défense de l’équilibre des forces. En Asie du Sud-Est, les pays commençaient tout juste à s’organiser, l’équilibre des forces était un concept étranger, et on ne relevait aucun précédent de coopération parmi les Etats existants. » (p,563)

      « L’entrée de l’Amérique en Indochine introduisit une problématique morale entièrement nouvelle. L’OTAN défendait les démocraties ; l’occupation américaine au Japon avait importé des institutions démocratiques dans ce pays ; on avait fait la guerre de Corée pour riposter à une attaque contre l’indépendance de petites nations. En Indochine, cependant, le dossier de l’endiguement commença par être présenté en des termes presqu’entièrement géopolitiques, d’où la difficulté de justifier le point de vue de l’idéologie américaine de l’époque, ne serait-ce que parce que la défense de l’Indochine se heurtait de front à la tradition américaine d’anticolonialisme. Colonies françaises, les Etats d’Indochine n’étaient pas  des démocraties, ni même indépendants. Bien que la France ait transformé, en 1950, ses trois colonies du Viêt-Nam, du Laos, et du Cambodge, en « Etats associés de l’Union Française », cette nouvelle étiquette restait très éloignée de l’indépendance ; la France craignait en effet, en leur accordant la pleine souveraineté, d’avoir à en faire autant pour ses trois possessions d’Afrique du Nord : la Tunisie, l’Algérie et le Maroc… » (p,564)

     « La politique de Washington en 1950 préfigurait en fait les formes que prendrait son engagement futur dans la région : suffisamment important pour l’impliquer, pas assez pour se révéler décisif. Dans les années 1950, son attitude s’expliquait surtout par son ignorance de la situation, par la quasi-impossibilité dans laquelle se trouvait l’Amérique de mener des opérations à travers deux hiérarchies coloniales françaises, du fait aussi de la liberté d’action dont jouissaient les autorités locales des « Etats associés du Viêt- nam, du Laos et du Cambodge… » (p,564)

   La maison Blanche était en présence d’un dilemme insoluble, la volonté de donner l’indépendance à l’Indochine en même temps que le refus de s’y substituer à la France.

     « Au moment où Truman s’apprêtait à entrer à la Maison Blanche, cette dérobade constituait le cœur de la politique officielle. En 1952, un document du conseil national de sécurité homologuait la « théorie des dominos » et la généralisait. Voyant dans une attaque militaire contre l’Indochine un danger « inhérent à l’existence d’une Chine communiste hostile et belliqueuse », il posait que la perte d’un seul pays de l’Asie du Sud-Est entraînerait « la soumission des autres au communisme ou leur alignement à relativement brève échéance…» p,565)

    « Après cette analyse de la catastrophe en puissance qu’on estimait couver en Indochine, on proposait une médication sans proportion avec la gravité du problème – et qui dans le cas présent, ne résolvait rien du tout. Car l’impasse coréenne avait annihilé – au moins pour un temps – toute volonté de la part de l’Amérique de mener une autre guerre terrestre en Asie… » (p,565)

      « Truman légua à son successeur, Dwight D. Eisenhower, un programme d’assistance militaire annuel à l’Indochine d’environ deux cents millions de dollars (soit un peu plus d’un milliard de dollars 1993) et une stratégie en quête de politique… » (p,567)

     « En juillet (1953), Eisenhower se plaignit au sénateur Ralph Flanders que l’engagement du gouvernement français à l’égard de l’indépendance s’exprimait de façon « obscure et détournée et non hardie, directe et répétée ».

      Pour la France, le problème était tout autre. Ses forces s’enlisaient dans une guérilla exaspérante, dont elles n’avaient pas la moindre expérience. Dans une guerre conventionnelle comptant des lignes de front précises, une puissance de feu supérieure a généralement le dernier mot. En revanche, une guérilla ne se fait pas habituellement depuis des positions fixes, et les partisans se cachent au sein de la population…

  Ni l’armée française, ni l’armée américaine qui lui succéda dix ans plus tard ne surent s’adapter à la guerre des partisans. L’une comme l’autre firent le seul type de guerre qu’elles comprenaient et pour lequel on les avait formées et équipées, une  guerre conventionnelle classique, reposant sur des lignes de front clairement tracées… » (p,568)

     « Les Français avaient grandement sous-estimé l’endurance et l’ingéniosité de leurs adversaires – comme le feraient les Américains dix ans plus tard. Le 13 mars 1954, les Nord-Vietnamiens lancèrent une attaque générale sur Dien Bien Phu et s’emparèrent dès le premier assaut, de deux forts périphériques censés tenir les collines. Ils utilisèrent pour ce faire un matériel d’artillerie dont on ne les savait même pas possesseurs, et qui avait été fourni par la Chine au lendemain de la guerre de Corée. Désormais, l’anéantissement du reste de la force française n’était plus qu’une question de temps… » (p,568)

      « La sage décision d’Eisenhower de pas se laisser entrainer au Viêt-nam en 1954 ne relevait pas de la stratégie mais de la tactique. Après Genève, Dulles et lui restèrent convaincus de l’importance stratégique décisive de l’Indochine. Tandis que celle-ci réglait ses problèmes, Dulles mettait une dernière main au cadre de la sécurité collective, qui avait paru faiblir au début de l’année. L’Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est (OTASE), qui vit le jour en septembre 1954, regroupait en plus des Etats-Unis, le Pakistan, les Philippines, la Thaïlande, l’Australie, la Nouvelle Zélande, le Royaume Uni et la France. Il lui manquait toutefois un objectif politique commun ou un moyen d’assistance mutuelle… » (p,574)

     Après Eisenhower, Kennedy :

     « La théorie des dominos était devenue la philosophie du temps et elle fut bien peu contestée…

     En choisissant d’arrêter au Viêt-Nam l’expansionnisme soviétique, l’Amérique se condamnait à affronter un jour ou l’autre de graves questions. Si la victoire sur les guérilleros passait par une réforme politique, leur puissance grandissante signifiait que l’on n’appliquait pas correctement les recommandations américaines, ou que ces recommandations étaient tout bonnement périmées à ce stade de la lutte ?… (p,579)

     L’ensemble des citations choisies dans l’ouvrage d’Henri Kissinger (1994) éclairent bien le contexte stratégique et politique des relations entre les Etats-Unis et la France à l’époque de la guerre d’Indochine.

       Les Etats-Unis en Indochine avec Graham Green et son roman « Un Américain bien tranquille »