Les Défis de la France de 2021 ?

 Au cours des vingt et trente dernières années, la France a changé en profondeur parce qu’elle a ouvert ses frontières à tous les vents sur le plan économique, mais tout autant sur les plans démographique et culturel.

            Chaque jour, les faux savants, les demi-savants, mais avant tout les ignorants, et très souvent les demi-habiles ou les cupides d’argent ou de notoriété, nous rabattent les oreilles de dé ou de post colonial, du dernier woke de service venu des Etats Unis, ou encore de diversité, reine de la terre et des cieux…Leur ambition à tous est de clouer notre pays au pilori pour mieux asseoir leurs fausses puissances.

            Trop, c’est trop, et cela suffit ! Arrêtez vos conneries ! Revenez sur le terrain, le terrain de la France et du bon sens !

            Je fais partie des Français qui ont incarné la diversité dans les années 60, ce qui était plutôt rare en France, dans une France qui ignorait quartiers sensibles, manifs pseudo-religieuses, propagande musulmane s’insinuant dans toutes les fentes de la culture, de la politique, et de la société.

            Je puis témoigner du bon accueil que ma famille fit à une jeune femme venue de la Grande Ile, alors qu’il n’en fut pas de même pour moi sur ses plateaux d’origine. J’eus l’occasion de recueillir le même type de témoignage au cours des années suivantes auprès de parents ou d’amis.

            On ne peut pas dire que dans ce pays, les relations humaines étaient radieuses entre ses communautés, notamment entre celles des plateaux et celles des côtes, sans évoquer les andevo, les anciens esclaves, pas plus qu’elles ne l’étaient au Togo, entre le Nord et le Sud, ou encore entre douars, et même entre clans en Algérie…

Deux documents récents doivent aider les Français à comprendre et  à situer les enjeux actuels et futurs de notre pays, le livre de Jérôme Fourquet « L’archipel » avec la montée en puissance incontestable de la population d’origine arabo-musulmane, et le livre de Pierre-André Taguieff « L’imposture décoloniale » avec le « postcolonial business » … plus austère.

En 2008, j’avais moi-même publié un livre sous le titre « Supercherie coloniale »

Pourquoi ne pas assaisonner enfin cette lecture avec celle de la chronique intitulée « L’Opéra de Paris rattrapé par la bataille sur la diversité » par Ariane Bavelier (Le Figaro du 31/12/2020) ?

Je publierai quelques réflexions sur cette « bataille » des ignorants et des manipulateurs, pour au moins une raison, un vrai goût pour le ballet que je découvris tardivement en raison de ma « diversité provinciale ».

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Histoire et Mémoire? Histoire coloniale et Mémoire coloniale ? Mémoire collective et Inconscient Collectif

Histoire et Mémoire ?

Histoire coloniale et Mémoire coloniale ?

Mémoire Collective et Inconscient Collectif ?

Mémoire collective ou histoire « immédiate » ?

La France a-t-elle une « mémoire collective coloniale », de même qu’un « inconscient collectif colonial » ?

            Comme je l’ai déjà écrit, un courant contemporain d’historiens et de chercheurs a mis l’éclairage sur l’importance de la mémoire « historique », au risque d’entamer la confiance que l’on peut accorder aux recherches historiques les plus sérieuses, notamment en avançant l’idée ou le principe d’une mémoire collective « coloniale », et même d’un inconscient collectif « colonial ».

            J’ai traité ce sujet sur le blog à plusieurs reprises, notamment le 15 avril 2010, en résumant la leçon que proposait Maurice Halbwachs dans son livre « La mémoire collective », en relevant la critique de fond que suscitait le discours de l’historien Stora sur l’existence ou non d’une mémoire collective coloniale, de même que le discours tenu à la Mairie de Paris dans un colloque intitulé « Décolonisons les imaginaires ».

Dans un article publié sur le blog, le  15/04/2010, je m’attachais à :à définir ce qu’est la mémoire collective selon les critères d’Halbwachs, son véritable initiateur, ci-après (contribution 1) , à proposer au lecteur trois analyses concrètes de textes ou de situations évoquées par des historiens ou d’autres intellectuels, « La guerre des mémoires » de l’historien Stora, d’une part (contribution 2), et le colloque de la Mairie de Paris du 12/03/09 sous le titre « Décolonisons les imaginaires », d’autre part (contribution 3).             

1-  Histoire ou mémoire collective ?

Contribution 1  Le débat postcolonial avec l’éclairage Hallbwachs

            A lire articles ou livres de chercheurs, sociologues ou historiens, notre mémoire collective jouerait un rôle primordial dans l’approche et la compréhension de notre histoire coloniale.

            Une mémoire collective investie d’un rôle clé, quelques exemples :

            Premier exemple, le livre « La guerre des mémoires ».

             Citons des échantillons des textes dans lesquels il est fait référence à ce concept.

            « La guerre des mémoires n’a jamais cessé » (p.18), «  la fracture coloniale, c’est une réalité » (p.33), le « refoulement de la question coloniale » (p.32), « Pourtant la France a conservé dans sa mémoire collective jusqu’à aujourd’hui une culture d’empire qu’elle ne veut pas assumer (p.32), « les enfants d’immigrés sont porteurs de la mémoire anticoloniale très puissante de leurs pères » (p.40).

            Deuxième exemple, le livre « L’Europe face à son passé colonial »

            A la page 144, un historien note « une explosion mondiale des mémoires », et un autre écrit à la page 219 : «  La mémoire coloniale constitue depuis plusieurs années un sujet primordial dans le débat public français. »

            Troisième exemple, le livre « Petit précis de remise à niveau sur l’histoire africaine à l’usage du président Sarkozy ».

            Un historien illustre à plusieurs reprises le concept : « une vision largement partagée par nos concitoyens (p.113) », « ces stéréotypes », « cette façon de voir les Africains est bien présente dans la mentalité française (p.116) », « combien le discours de Dakar « colle » à une opinion majoritaire en France » (p.122), « au service de l’anéantissement de ces clichés et stéréotypes si profondément ancrés dans une certaine vision de l’Afrique. » (p.123)

            Quatrième exemple, le livre « Mémoire année zéro ».

            Brillant essai d’un auteur habile à manier les concepts de mémoire, d’histoire, et d’identité nationale, à donner le vertige intellectuel au lecteur, j’écrirais volontiers d’une excellente facture « ENA ».

            Dans cet essai riche en citations, références, jugements et perspectives,  l’auteur écrit : « A côté de l’histoire, la mémoire était un instrument commode et populaire. La mémoire est collective (1). Les souvenirs sont individuels. (p.24) » La note (1) de la page 39 renvoie au livre « La mémoire collective » de Maurice Halbwachs, sans autre plus de précision.

            A la même page 39, l’auteur écrit : « On le voit : notre mémoire collective est en crise… »

            L’auteur nous entraîne dans un exercice de haute voltige intellectuelle autour du concept de mémoire, sans attacher, semble-t-il, une grande importance à la définition stricte des concepts manipulés, notamment sans asseoir ses raisonnements sur la définition rigoureuse de la mémoire collective qu’en a proposée Halbwachs.

            A partir de quelle définition et quelle mesure, ces appréciations et assertions sont-elles formulées, donc sur quel fondement ? Telle est la question

A force de lire articles et livres portant sur l’histoire coloniale, sur le passé colonial de la France, je me suis posé la question de savoir ce qu’était cette fameuse mémoire collective, nouvelle panacée de certains intellectuels, comme nous l’avons vu.

            J’ai donc été à la rencontre de l’inventeur, sauf erreur, de la théorie de la mémoire collective, c’est-à-dire Maurice Halbwachs, et donc de son livre fondateur, comme certains disent de nos jours.

            Rien ne vaut en effet, même pour un historien amateur, d’aller à la source.

            Qu’est-ce que nous dit cet auteur ? Dans un ouvrage austère, mais très bien écrit, Halbwachs analyse tous les aspects de la mémoire collective et en décrit les conditions de base, c’est-à-dire : une mémoire collective qui ne peut être définie que par rapport à :

            un espace (lequel ?),

            un groupe déterminé (lequel ?),

            un temps historique (lequel ?).

             Le sociologue ne manque pas de préciser qu’une mémoire collective a une durée de vie limitée (laquelle ?).

            Les héritiers du grand sociologue ont été inévitablement confrontés à la mesure de cette fameuse mémoire collective, en proposant méthodes, et outils de mesure quantitative, au moyen d’enquêtes statistiques fiables.

            Le constat : dans les textes des livres cités, nous n’avons trouvé ni définition du concept, ni indication de sources d’enquêtes statistiques, qui pourraient accréditer le discours de ces chercheurs.

            Je conclurai donc en faisant appel à la sagesse du bon vieux Descartes, comment ne pas douter, en tout cas pour l’instant, du fondement de ces affirmations, tant qu’elles ne s’appuieront pas sur des démonstrations conceptuelles et statistiques ?

            Pourquoi ne pas se demander entre autres si la fameuse mémoire collective française n’est pas plutôt branchée sur l’Europe, allemande, anglaise ou italienne, plutôt que coloniale ? A démontrer !

            Quelques citations éclairantes pour finir :

            « C’est à l’intérieur de ces sociétés que se développent autant de mémoires collectives originales qui entretiennent pour quelque temps le souvenir d’évènements qui n’ont d’importance que pour elles, mais qui intéressent d’autant plus leurs membres qu’ils sont peu nombreux. »  (page 129)

            « La mémoire collective, au contraire, c’est le groupe vu du dedans, et pendant une période qui ne dépasse pas la durée moyenne de la vie humaine, qui lui est, le plus souvent, bien inférieure. » ( p,140)

            « Chaque groupe défini localement a sa mémoire propre, et une représentation du temps qui n’est qu’à lui. » (p, 163)

&

Mes recherches personnelles m’avaient conduit à m’interroger, notamment dans le  livre « Supercherie Coloniale » sur le discours mémoriel du collectif de chercheurs de l’équipe Blanchard, d’après lesquels la France de la Troisième République, puis de la Quatrième, aurait été imprégnée de culture coloniale puis impériale, plongée dans un « bain colonial », sans en avoir apporté les preuves scientifiques suffisantes, sans proposition d’une méthodologie de l’existence de la mémoire collective en question.

            Le chapitre IX de ce livre a résumé questions et critiques sous le titre «  Le ça colonial ! L’inconscient collectif ! Freud au cœur de l’histoire coloniale. Avec l’Algérie, l’alpha et l’oméga de la même histoire coloniale » (page 235 à 281)

Mes conclusions n’ont pas changé, faute pour les historiens et les mémorialistes de proposer une méthode scientifique de calcul qui permette effectivement d’y procéder :

  1. Comment parler de « mémoire collective » coloniale sous la Troisième République alors que l’instrument statistique des sondages n’a commencé à être utilisé en France, qu’après 1945 ? Et pour la période antérieure « coloniale » à partir de quels vecteurs de mémoire collective supposée ?
  2. Comment parler aussi d’un « inconscient collectif » colonial existant sous la Quatrième ou Cinquième République, sans s’être donné les moyens de le mesurer par des enquêtes d’opinion sérieuses, comme il est possible de le faire depuis de nombreuses années ?

A la condition sine qua non qu’on puisse scientifiquement l’ausculter et le mesurer ?

  1. Question : à partir des travaux de l’Observatoire B2V, et du livre « La mémoire entre sciences et société », la situation a-r-elle évolué avec les instruments statistiques nécessaires pour évaluer la mémoire collective du passé, ou encore l’inconscient collectif du même passé, grâce aux travaux de cet Observatoire ?      

Après avoir lu un article de Pascale Senk dans le Figaro du 20 mai 2019 sous le titre « Quand l’imaginaire collectif nous ébranle », et l’interview de Francis Eustache intitulée « La mémoire collective est en pleine expansion », ma curiosité a de nouveau été éveillée par ce sujet, et donc par ce livre.

Pascale Senk faisait référence à la publication d’un ouvrage collectif dirigé par Francis Eustache, intitulé « La mémoire, entre sciences et société » (Observatoire B2V des Mémoires- Le Pommier poche), avec la collaboration de six scientifiques, une psycho gérontologue, une neurologue, un spécialiste d’intelligence artificielle, un neurobiologiste, un historien, et un philosophe.

Ce livre de plus de 700 pages a évidemment un contenu austère pour un lecteur non spécialisé dans les disciplines traitées tout au long de très nombreux chapitres distribués dans cinq parties :  « Mémoire et oubli » (p,15 à 133) – « Mémoire et émotions » (p,133 à 277) – « Ma mémoire et les autres » (p,277 à 406) – « Les troubles de la mémoire : prévenir, accompagner »  (p,406 à 537) – « La mémoire du futur » (p, 537 à 671).

Le sous-titre de l’’article de Pascale Senk cadrait bien le sujet : « Catastrophes, attentats, faits divers… Face à l’actualité, notre vie psychique a aussi une dimension collective », de même que sa conclusion :

« Reste que de puissantes images nous imprègnent et constituent une autre forme d’imaginaire collectif se construisant en permanence : un héros donnant sa vie pour d’autres, des avions s’encastrant dans des buildings ou une cathédrale qui brûle. Combien de temps agiront-elles en chacun de nous, et pour les générations suivantes ? Nous l’ignorons. »

Dans l’interview de Francis Eustache, neuropsychologue de la mémoire humaine, et à la question : « Le Figaro – Pour vous qui travaillez sur la mémoire la notion d’inconscient collectif est-elle pertinente ?

Oui, car aujourd’hui les différentes disciplines étudiant la mémoire se rejoignent. Pendant longtemps, la psychologie et les neurosciences, d’une part, les sciences sociales, d’autre part, travaillaient de manière séparée. Aux premières l’étude de la mémoire individuelle, typique, ou malade ; aux secondes, la mémoire collective, avec un focus sur le fait que certains événements étaient occultés car ils n’avaient pas de signification sociale, mais finissaient par ressurgir. A Caen par exemple, les conséquences des bombardements alliés, ont longtemps été passées sous silence. Il a fallu soixante-dix-ans pour que l’on mentionne les victimes (25 000 victimes civiles). Mais les Normands qui avaient vécu cela avaient en fait deux mémoires : l’une familiale, beaucoup ayant perdu un ou plusieurs membres de leur famille sous ces bombardements ; l’autre collective, qui parlait de reconstruction et d’accueil des libérateurs. Différents types de mémoire peuvent donc cohabiter en chacun. »

  • Sont-elles transmissibles ?

« En tout cas, lorsqu’elles correspondent à des blessures indélébiles, leur récit saute souvent une génération…

Est-ce l’émotion qui « imprime » ces mémoires ?

Oui, quand l’histoire collective, rejoint un vécu personnel, cela crée une émotion surprenante qui nous dépasse. Nous cherchons à décrypter scientifiquement, par l’imagerie cérébrale, l’observation des neuro-cognitions et des enquêtes d’opinion par exemple, ces liens entre ces deux dimensions mnésiques. D’autant plus qu’avec les caisses de résonance que sont devenus les médias, les événements sont amplifiés. La mémoire collective est en pleine expansion.

Vous travaillez notamment sur la mémoire des attentats du 13 novembre 2015 … »

Pourquoi ne pas se demander si les deux concepts d’’inconscient collectif et de mémoire collective sont synonymes ?

Première partie  

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Agit-prop postcoloniale contre propagande coloniale ? Quatrième partie et fin

Agit-prop postcoloniale contre propagande coloniale ?

Quatrième et dernier mouvement du chemin d’analyse et de réflexion, comme  annoncé sur ce thème

Résumé et plein phare sur le cœur de cible historique, la « propagande coloniale »

Source, le livre  « Supercherie coloniale »

&

En prologue

       De quelle histoire postcoloniale est-il question ? Celle racontée par le modèle de propagande Blanchard and Co !

       Il n’est évidemment pas dans mes intentions d’affirmer que cette catégorie d’histoire est représentative de l’histoire postcoloniale dans son ensemble.

        Il est superflu d’indiquer que je ne suis pas un historien de formation, mais que j’ai toujours été passionné par l’histoire. Je suis revenu vers l’histoire coloniale et postcoloniale, en grande partie par curiosité intellectuelle, pour compléter ma culture générale, mais tout autant, afin de mieux comprendre et juger les discours que tiennent certains historiens à la mode qui surfent sur une histoire postcoloniale qui dénature l’histoire coloniale.

       Mes études universitaires, puis les fonctions que j’ai exercées dans la fonction publique, m’ont inculqué une rigueur intellectuelle que je n’ai pas trouvée dans les ouvrages que j’ai analysés.

         L’histoire postcoloniale du modèle de propagande Blanchard and Co soulève maintes questions sur l’écriture de l’histoire postcoloniale, comparables à celles énoncées et analysées dans le livre de Sophie Dulucq « Écrire l’histoire à l’époque coloniale », un ouvrage qui a fait l’objet de ma lecture critique sur ce blog.

       J’y relevais notamment que la question de « servilité » de cette catégorie d’histoire se posait effectivement, mais par rapport à quel pouvoir ?

      Dirais-je en passant, qu’après avoir lu, et souvent annoté de nombreux récits publiés à l’époque coloniale, le plus souvent par des explorateurs, des officiers, des administrateurs, et par des spécialistes, j’en ai conservé le souvenir de récits d’histoire que je qualifierais de « brut de décoffrage », souvent bien rédigés, qui se contentaient de nous faire part des faits et observations de toute nature qu’ils effectuaient alors dans leurs pérégrinations civiles ou militaires ?

       Elles étaient loin d’être « fabriquées » et représentent encore de nos jours une sorte d’encyclopédie coloniale incomparable, fut-elle quelquefois ou souvent entachée d’un certain regard de supériorité blanche !

        Une encyclopédie écrite et en images, à consulter la multitude de croquis, de dessins, de cartes, et de photographies, un potentiel de récits et d’images qui ne paraissent pas avoir trouvé leur place historique dans les livres critiqués !

       La richesse de ces sources a été complètement mise de côté par ce collectif de chercheurs, qui ont choisi comme source historique un échantillon d’images de type métropolitain, supposé représentatif, ce qui n’est pas le cas.

      Est-ce que ces travaux d’histoire postcoloniale ne sont pas à ranger, comme tous les autres, dans la catégorie des histoires qui correspondent aux situations successives de l’histoire de France ? Avec toujours le cordon ombilical du pouvoir ou d’un pouvoir qui tient les manettes, l’Église et la monarchie, puis la République laïque et ses hussards, puis le pouvoir idéologique du marxisme, du tiers-mondisme, et de nos jours le multiculturalisme.

        La « servilité » est toujours omniprésente, et sert d’une façon ou d’une autre les pouvoirs régnant dans chacune des situations historiques décrites !

      De nos jours, il s’agit du marché médiatique auquel les éditeurs sont évidemment sensibles, tant ils ont de peine à rentabiliser les ouvrages en sciences humaines, en concurrence sur les réseaux sociaux, à tel point que la « mémoire »  remplace souvent l’« histoire » avec un grand H.

       La véritable question posée n’est-elle pas celle du pouvoir ou des pouvoirs de l’Université face à ces nouvelles concurrences ?

        En ce qui concerne les thèses d’histoire postcoloniale, et compte tenu de leur impact idéologique, pourquoi n’exigerait-on pas qu’elles ne soient pas frappées d’un secret de la confession qui enveloppe le travail et les conclusions des jurys, c’est-à-dire le manque de transparence sur la scientificité supposée de ces  thèses d’histoire ?

       Une suggestion pour finir ce prologue ! Pourquoi ne pas disposer d’un deuxième volet de l‘écriture de l’histoire à l’époque postcoloniale sous le titre « Écrire l’histoire à l’époque postcoloniale » ?

      Le lecteur trouvera ci-après un résumé récapitulatif des critiques qu’ont appelées de ma part les discours du « modèle de propagande  ACHAC-BDM », en mettant naturellement l’accent sur le dossier de la propagande coloniale.

         Ce type de récapitulation n’évitera évidemment pas quelques redites des analyses déjà publiées sur ce blog.

Jean Pierre Renaud  (JPR) –  Tous droits réservés (TDR)

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ? Les Actes du Colloque de janvier 1993

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Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ?

Les Actes du Colloque de janvier 1993 (150 pages) : analyse

I « Mythes, Réalités et Discours » – Synthèse Mme Catherine Alcoer (page 19 à 27)

« Doctrine coloniale et opinion publique »

      «…  Si l’on peut donc parler d’une idéologie coloniale du point de vue de l’émetteur, celle-ci devient infiniment plus complexe du point de vue du sujet percevant. » (p,19)

        « L’Exposition coloniale : expression du discours politique »

          « … Nous assistons donc au même phénomène de banalisation, l’Empire est entré dans les mœurs…

        Catherine Coquery-Vidrovitch insiste sur le fait que ces représentations, ces mises en scène sont reprises dans la presse de l’époque comme autant de réalités… » (p,23)

« … Il s’agit à présent d’étudier en quoi ce que Catherine Coquery-Vidrovitch qualifie d’entreprises de mythification coloniale à propos de l’exposition de 1931, mais plus généralement l’iconographie coloniale, relève d’un discours politique, mais également quels furent ses prolongements dans l’inconscient collectif. »

       Il convient de noter 1) L’auteure  rappelle dès le départ une distinction capitale dans un tel domaine entre « l’émetteur » et le « sujet percevant » » une distinction quasiment oubliée dans le discours du collectif de chercheurs, 2) que Catherine Coquery-Vidrovitch a été une des promotrices de l’introduction de l’inconscient collectif dans ce débat savant, 3) qu’elle fut la Présidente du jury de la thèse de doctorat de M.Blanchard, une thèse qui ne fit qu’effleurer les terrains d’évaluation de la presse, 4) que l’analyse de la presse de l’époque, seul vecteur susceptible de proposer une évaluation de l’opinion publique n’a pas été effectuée.

         « Iconographie coloniale, réalité et phantasmes »

        « Comprendre, expliquer l’impact de l’iconographie coloniale auprès du public exige de prendre en considération les conditions internes et externes qui ont présidé à sa conception, d’où la difficulté méthodologique

       « Expliquer l’impact… d’où la difficulté méthodologique » (p,24)

        Il s’agit d’une des difficultés de la méthode historique, à côté de beaucoup d’autres.

        Après la guerre de 14-18, et d’abord dans le cas de l’Algérie : « …Toujours pour Gilbert Meynier, ces images coloniales touchent finalement assez peu la masse française qui, toute à sa nouvelle prospérité, ne semble pas convaincue de l’apport des colonies en la matière… » (p,25)

     « … L’imbrication étroite de la réalité et du fantasme dans l’iconographie coloniale et dans ses répercussions sur l’inconscient collectif amène un problème de méthodologie majeur quant à l’étude de ces images. A partir du moment où les observateurs historiens ex-colonisateurs, ce qui est le cas de la plupart de nous tous, à partir du moment où des observateurs se déclarent objectifs, distants mais possédant un bagage culturel qui lui n’est pas objectif », affirme Catherine Coquery-Vidrovitch. Elle poursuit : « je fais métier de ne pas croire à l’objectivité puisque le travail de l’historien est précisément un travail de doute. .. « (p,26)

        Jean Devisse (le directeur de la thèse de doctorat  Blanchard) souligne cependant la nécessité d’ouvrir ce dossier et non plus d’en avoir peur. « Ce qui me semble évident c’est qu’il faut un inventaire complet, total, de tous les aspects, même ceux qui nous gênent beaucoup, de tous les aspects de cette longue période que nous avons occultée. Nous n’avons pas occulté que la guerre d’Algérie (…) Le rassemblement d’images, la constitution d’un corpus, ce n’est pas de l’histoire, c’est la base de matériaux qui permet ensuite de construire une réflexion historique. »

         Le travail de l’historien devra toujours pour Jean Devisse, « faire table rase des clichés, des images mentales, transmises presque génétiquement et porteuses de désastre pour les relations entre la Nord, la France et ses territoires extérieurs. ….

        Mais  au préalable, pour analyser ces images il faut apprendre à s’en méfier et être attentif à leur prolongement dans notre inconscient. » (p,26)

       L’auteur écrivait « Nous n’avons pas occulté que la guerre d’Algérie », une observation contradictoire avec celles de Benjamin Stora, historien de l’Algérie, qui écrit dans « Images et Colonies », à la page 257 : « guerre qui contrairement aux idées tout faites, a été montrée dans la presse quotidienne (lorsqu’elle n’était pas censurée) et dans les magazines à grand tirage. »

        Problèmes de méthode sûrement, non réglés tout aussi sûrement, mais à voir l’irruption de l’inconscient  dans ce débat historique, aucun participant ne semble avoir proposé de méthode d’analyse historique ou non.

        Catherine Coquery-Vidrovitch écrivait dans sa contribution :

        L’historien, l’image et les messages «  En dernier point, j’en viens à une réflexion personnelle. Le sujet qui nous occupe ici est passionnant, les sources sont extraordinaires. J’ai donc cherché à comprendre pourquoi je n’avais pas envie de venir parler dans ce colloque qui s’annonçait pourtant extrêmement intéressant et dont je reconnaissais scientifiquement tout l’attrait.
      Pour comprendre un réflexe de ce type il faut faire la psychanalyse de l’historien. » (p,30)

        L’historienne explique cette réflexion tout à fait personnelle par son propre passé, mais elle accrédite la thèse que je défends sur certains discours postcoloniaux, à savoir qu’il est difficile, sinon impossible pour un historien dont le vécu est contemporain de l’histoire qu’il veut raconter d’être suffisamment détaché des sources consultées.

       L’historien Goubert a d’ailleurs pris une position très nuancée sur le sujet de la « fabrication » de l’histoire contemporaine.

         Dans sa contribution, l’historienne Annie Rey-Goldzeiger sur le Maghreb et la France du XIXème et du XXème siècle a également pointé le rôle supposé de l’inconscient, mais en reconnaissant son échec à proposer une méthode d’analyse : « Aussi n’essaierai-je pas de formuler une méthode sûre pour aborder ce sujet qui m’a interrogée depuis longtemps : j’ai cherché une méthode de recherche qui, je l’avoue, n’a pas été trouvée. » (p,38) 

       Ce qui ne l’a toutefois pas empêché de lui attribuer un rôle important dans son analyse historique !

       Dans le livre « Supercherie coloniale », j’ai consacré un de mes chapitres au « ça colonial », et très récemment j’ai tenté de démonter la propagande du « modèle de propagande des raisins verts », animé par des enfants de parents « coloniaux » d’Algérie ou du Maghreb.

      Ces chercheurs ont eu en effet un passé qui les a mis en rapport avec le monde colonial algérien, un passé qui ne pouvait leur être indifférent, comme ce fut également le cas pour l’historien Gilbert Meynier.

       Dans la première séquence « Mythes, Réalités et Discours », l’historien affichait ce concept d’inconscient dans le titre même de sa contribution :     « Volonté de propagande ou inconscient affiché ? Images et imaginaires coloniaux français dans l’entre- deux-guerres ». (p41)

       L’auteur précisait qu’il s’exprimait sur les « indigènes » dans le cas algérien principalement.

         «Propagande et thèmes coloniaux Le lendemain de la guerre est un temps d’incantations volontaires du Parti colonial et de ses escortes idéologiques et médiatiques. Une foule de livres… des flots de brochures, de tracts, de films destinés à exalter l’idée coloniale…. Ces images coloniales touchent finalement assez peu la masse française… ». (p,44) 

        « Imaginaire colonial et inconscient français »

        « Les ambitions coloniales sont parallèles à la volonté de vulgarisation concernant les colonies. Cette vulgarisation touche pourtant différemment la masse française et l’élite de la foi coloniale… Le drame est que ces images des colonies, répondant à un inconscient français prioritairement hexagonal, sont émises au moment même des prodromes de la « décolonisation ».

       Quoiqu’il en soit, l’imaginaire même de la France coloniale ramène d’abord au pré-carré français et il doit très peu au grand large. » (p,48)

        Le lecteur est-il plus avancé ?

         Jean Pierre Renaud   –  Tous droits réservés

« La fin des terroirs » Eugen Weber Lecture critique

« La fin des terroirs »

1870-1914

Eugen Weber

(Fayard 2010)

Lecture critique

Préambule

            Pour avoir lu et étudié le ou les discours historiques d’un courant de pensée animé entre autres par le collectif que j’ai baptisé du nom de Blanchard and Co, dont l’animateur principal a, semble-t-il de multiples casquettes, publiques ou privées, puisqu’il est aujourd’hui chef d’entreprise dans la communication, patron de la petite agence de com’ « BDM », j’ai éprouvé le plus grand scepticisme à l’égard des thèses que ce collectif défendait sur la culture coloniale ou impériale, au choix, laquelle aurait été celle de la France, à l’époque des colonies.

        Pourquoi cette thèse historique manquait de pertinence scientifique ?

       Pour deux raisons majeures, la première son insuffisance d’évaluation scientifique et quantitative des vecteurs supposés de la dite culture et de ses effets sur l’opinion publique aux différentes périodes de notre histoire coloniale, la deuxième, sa méconnaissance de la culture populaire française des mêmes périodes, notamment au cours de la période historique allant en gros de 1870 à la fin de la première guerre mondiale.

        Dans mon livre « Supercherie coloniale », je faisais référence au livre roboratif de MM Keslassy et Rosenbaum, dans la collection Mémoires vives« Pourquoi les communautés instrumentalisent l’Histoire ? », en citant une de leurs appréciations :

      « Nos nouveaux entrepreneurs de mémoire, à l’affût, guettent ces désirs et ces tourments. Ils savent les instrumentaliser. » (MV,p,59)

     Et j’indiquais :

   « Pourquoi ne pas rappeler que dans une controverse récente sur la repentance entre deux historiens chevronnés, Mme Coquery-Vidrovitch et M. Lefeuvre, la première a défendu l’historien Blanchard en le qualifiant précisément d’historien entrepreneur ? » (p,264,265)

         Je ne sais pas si à l’époque l’historien ainsi désigné était déjà historien entrepreneur ou chef d’entreprise lui-même, comme c’est aujourd’hui le cas.

      Le travail d’Eugen Weber a le mérite de nous éclairer sur la situation qui était celle de la métropole au cours des mêmes années, c’est-à-dire une France rurale, arriérée, face à celle des villes, encore minoritaires, face aussi au rayonnement, sinon au pouvoir exorbitant de Paris, sa capitale.

       Le livre montre bien l’existence de deux mondes, un monde rural qui avait beaucoup de points communs avec certains des mondes ruraux rencontrés au cours des conquêtes et de la mise en place des superstructures coloniales, très loin du monde urbain, déjà sophistiqué, mais très minoritaire jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle et du début du siècle suivant.

      Les observations d’Eugen Weber sur la lecture anticolonialiste de Franz Fanon valent le détour.

     C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je publierai à la fin de ma lecture critique une petite synthèse intitulée « Indigènes de métropole et Indigènes des colonies ».

« La fin des terroirs »

1870-1914

Eugen Weber

« Préface inédite de Mona Ozouf »

Pluriel

Lecture critique

Il s’agit d’un gros bouquin de 713 pages avec toutes ses cotes, un gros pavé historique, que l’auteur a consacré à l’état de la France à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, une analyse qui a l’immense mérite à mes yeux de rebattre beaucoup de fausses cartes historiques sur lesquelles trop d’historiens ont construit leur discours, le dernier exemple étant celui du collectif de chercheurs Blanchard, Lemaire, Bancel, et Vergès, en ce qui concerne la culture coloniale qu’ils supposaient être celle de la France de 1870 à 1914, et qu’ils ont affirmé être celle-là.

            En finale de ma lecture critique, je me propose de rédiger un petit sommaire des traits qui, d’après la source historique en question, relevaient d’une France métropolitaine arriérée, sauvage, composée, pour plus de 90% de ses habitants, laquelle à la fin du dix-neuvième siècle, n’avait rien à envier à beaucoup des territoires coloniaux que la France se mit en tête de conquérir.

            L’intitulé de la première partie du livre « Culture coloniale », 1. « Imprégnation d’une culture » (1871-1914), sonne étrangement, alors que dans le contexte historique de l’époque, le vrai sujet portait sur l’imprégnation d’une culture française, outre le fait de l’indigence des évaluations qui sont faites à la fois des vecteurs supposés de cette culture et de ses effets.

            Ce livre comprend trois parties, qu’ouvre une préface tout à fait intéressante de Mona Ozouf (p,1 à 9) :

I  – « Les choses telles qu’elles étaient »  (pages 17 à 239)

II – « Les agents du changement » (pages 239 à 449)

III – Changement et assimilation (pages 449 à 589)

       La seule énumération du titre des 29 chapitres de ce livre suffirait déjà à en donner la couleur historique.

     Après publication de cette analyse, nous nous proposons donc de publier quelques pages de comparaison entre ce qu’était la France « coloniale » de la fin du dix-neuvième siècle, et la nouvelle « France d’Outre-Mer », que  les explorateurs, les officiers,  les administrateurs, les missionnaires, ou les colons, découvraient.

     Il n’y avait pas beaucoup de différence dans un certain  nombre de cas.

      Le contenu du vingt-neuvième chapitre, intitulé « Cultures et civilisation »,  le dernier est tout à fait intéressant à ce sujet.

            La préface, dans sa préface, Mona Ozouf, écrit :

        « On entre dans le livre d’Eugen Weber comme dans un conte, sous la douce injonction d’un « il était une fois » : dans le pays où il nous entraîne, les nuits sont très noires, les forêts très profondes, et les chemins des fondrières. Chaque village vit remparé, replié sur lui-même et ses très proches entours, et rien ne semble y bouger : ce que les hommes font, ils l’ont toujours fait, l’origine des usages se perd dans la brume des temps. » (p,I)

       « … comment les paysans se sont mués en citoyens français… comment donc le sentiment d’appartenance à la patrie est-il venu aux gens des campagnes ? Le livre d’Eugen Weber explore les chemins par lesquels s’est faite cette rencontre et développe une idée centrale : que cette rencontre a été très tardive, si bien que le sentiment patriotique des Français entre 1870 et 1914, est encore à  créer. » (p,III)

          « … il se rend compte qu’il ne sait rien de ces campagnes traitées par tant d’historiens comme de simples annexes de la ville ; que lui-même a longtemps identifié la France à Paris ; qu’il lui faut désormais privilégier les périphéries au détriment du centre que célèbre une historiographie française obstinément  jacobine. » (p,IV)

       L’auteure cite l’exemple du livre d’Antoine Prost sur l’enseignement :

      « …comment par exemple a-t-il pu faire l’impasse sur les obstacles que les langues minoritaires opposaient, sous la III° République encore, à l’alphabétisation des Français ? » (p,V)

       « En osant ces question, La fin des terroirs comportait donc sa pointe polémique. Il prenait à la traverse quelques- unes des certitudes les mieux ancrées que nourrit l’historiographie française sur la date et la teneur du sentiment national… (p,V)

       « …Aucune des dates invoquées ne trouve grâce à ses yeux… » (p,VI)

       « … L’objection décisive, face à Renan, à Benda, à tant de volontaristes, est que si être français suppose une mobilisation quotidienne de la volonté au service d’une conscience claire, alors ceux qui vivaient dans les campagnes françaises du XIXème siècle étaient à peine français… »(p,VI)

         Mona Ozouf émettait toutefois un doute :

      « Si bien que les lecteurs de la Fin des terroirs conservent un doute : le constat de la sauvagerie paysanne n’est-il pas étroitement dépendant du choix que fait Weber de son espace et de ses sources ? Son espace, parce qu’il a récolté ses exemples au sud-ouest de la ligne Saint Malo-Genève : ses observations auraient-elles été les mêmes s’il avait tourné ses regards vers les les plaines du Bassin parisien, du Nord, de l’Est et du Sud-Est au lieu d’élire la France pauvre, la France rebelle, celle du « fatal triangle » de Stendhal… Or ces sources, Weber les utilise parfois sans assez d’esprit critique… » «(p,VIII)

         Une bonne question, sauf à noter que la fracture nationale décrite, avait au moins un sens géographique, sud contre nord, ou montagnes contre plaines, de même que la question  suivante :

        « …Resterait enfin la grande question de savoir quelle est la valeur du raisonnement inductif qui, du peu de familiarité avec la culture savante, conclut à l’absence de sentiment national…. » (p,IX)

         Deux questions qui posent les questions rarement abordées et traitées de la représentativité des sources analysées, et de l’évaluation des effets de leurs contenus.

        Introduction (page 9)

       L’auteur nous raconte comment il avait découvert le livre de Roger Thabault « Mon village » :

      « Thabault retraçait l’évolution d’une commune – bourg, villages, hameau, fermes isolées -, dans laquelle la vie avait suivi le même cours depuis des temps bien antérieurs à la Révolution, et n’avait changé, mais alors radicalement, qu’au cours du dernier demi-siècle avant 1914… »

      Vingt ans plus tard, l’auteur découvrait un autre livre, celui d’André Varagnac, qui décrivait à sa manière la même métamorphose « Civilisation traditionnelle et genres de vie » ;

      « « Toute une mentalité se mourrait, était morte. Coïncidence ? Varagnac, lui aussi, situait ce tournant décisif dans le dernier quart du XIX°  siècle. (p, 10)

       … En cherchant les réponses aux questions que Varagnac m’avait amené à soulever, j’étais conduit à découvrir une nouvelle France dans les campagnes du XIX ° siècle, une France où beaucoup de gens ne parlaient pas français, ne connaissaient pas (et employaient encore moins) le système métrique, où les pistoles et les écus étaient mieux connus que les francs, où les routes étaient rares et les marchés éloignés, et où une économie de subsistance traduisait la plus élémentaire prudence. Ce livre traite de ces changements et de l’évolution des mentalités au cours de cette période ; en un mot, il montre comment la France sous-développée fut intégrée au monde moderne et à la la culture officielle – celle de Paris et des grandes villes. » (p,11)

         Comment ne pas souligner la justesse du propos, car il a toujours existé, et il existe encore à mes yeux, un biais méthodologique de base dans la façon dont la plupart des chercheurs confondent bien souvent la France avec sa capitale, ou le monde des grandes villes.

        Plus loin l’auteur reconnait que dans son hypothèse de travail, il s’est délibérément attaché aux régions qui servaient le mieux ses intérêts –« l’Ouest, le Centre, le Midi et le Sud-Ouest- , et aux quarante ou cinquante années qui  précèdent 1914,  un biais méthodologique qui est effectivement de nature à diminuer la portée de son analyse, contrebalancé par le constat qu’il a fait aux Archives nationales :

         « Mais même les recherches qui s’en tiennent aux lignes traditionnelles de l’histoire sociale des années 1880-1914 posent des problèmes particuliers. Il y a de sérieuses lacunes aux Archives nationales pour ce demi-siècle décisif d’avant 1914). » (p, 12)

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Le Japon et le fait colonial -1 L’Asie du Nord-Est coloniale -1880-1920- Lecture : deuxième partie

Le Japon et le fait colonial -1

L’Asie du Nord-Est coloniale – Années 1880-1920

Lecture critique : deuxième partie

« Hokkaidö, An Zéro » par Noémi Godefroy (p,105)
“Changement des rapports de domination et septentrion japonais à la fin du XIXème siècle »

         « Avant d’être une colonie du Japon moderne, puis un élément à part entière de son territoire national, l’actuelle île d’Hokkaidō, désignée avant 1869 par le nom d’Ezo, était déjà inscrite depuis longtemps dans un jeu complexe et changeant de rapports de domination à l’avantage de Honshū. »

          Il s’agit de l’île située au nord du Japon d’une superficie de 79 000 km2 comparée à la superficie du Japon de 360 000 km2, anciennement peuplée par une population aux mœurs primitives, les Aïnous, convoitée aussi bien par les Russes que par les Japonais,  dès les XVII° et XVIII siècles.

          Afin de bien comprendre la situation coloniale de cette île, il est indispensable de conserver en mémoire sa position géographique, et donc sa position stratégique, et son poids géographique à la fois sur le plan de sa superficie et de sa population, 17 000 aïnous, sa population indigène, et 60 000 japonais (p,118).

« La nécessité grandissante d’un nouveau type de domination » (p,108) 

         Sa proximité avec l’archipel, une de ses composantes, son importance stratégique pour le Japon ne pouvait que l’encourager à en prendre le contrôle.

       Cette île était historiquement convoitée par les russes, et le Japon s’en empara définitivement en 1869 :

       « La fonction de l’ïle d’Ezo est de servir de porte nord de l’empire » (p113)

         Le Japon créa une Mission au Défrichement et au peuplement dont le but était à la fois de coloniser l’île, de l’exploiter, de la développer, et de « japoniser » les quelques dizaines de milliers de ses habitants indigènes, et à lecture de cette chronique, on comprend bien que le Japon mit en œuvre les méthodes de pacification violente et de conquête des terres que les Américains ont utilisées pour la conquête du Far West, à la différence près que les échelles géographiques n’étaient pas du tout les mêmes.

        Les Japonais considéraient cette île comme une « terra nullius », et sur ce point leur regard n’était pas très différent de celui de la plupart des puissances coloniales qui, à l’est ou à l’ouest, au nord ou au sud, avaient tendance à faire valoir le même concept, de bonne ou mauvaise foi, à partir du moment où une terre n’était pas exploitée ou peu peuplée.

         A plusieurs reprises, l’auteure fait référence à l’exemple américain choisi pour imposer leur modèle de colonisation.

         Le conseiller américain Horace Capron a « préconisé pour la gestion aïnous les mêmes mesures que celles utilisées à l’encontre des nations indiennes »  (p,123)

       « L’annexion (1869) va permettre au gouvernement japonais de tester l’établissement sur le territoire nouvellement acquis d’une autorité propre et relativement indépendante, concrétisée par l’instance administrative spécifique qu’est la Mission au défrichement. Celle-ci s’appuie sur des conseillers américains pour élaborer une politique coloniale qui s’articule autour de trois grandes lignes de force ; la prise de possession administrative de l’île ; l’organisation du défrichement en vue d’une exploitation économique du territoire ; l’instauration de mesures d’assimilation concernant les indigènes. » (p,133)

       Il s’agissait bien plus d’une politique d’assimilation forcée, avec l’interdiction de coutumes traditionnelles (les tatouages, la mise à feu des maisons des morts, et le port de la barbe), que de la politique d’extermination pratiquée dans certaines colonisations de type anglo-saxon.

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Les débuts de l’emprise économique japonaise en Corée coloniale 1900-1919  par Alexandre Roy (page 135 à 187)

               La lecture de cette analyse m’a plongé dans un abîme de perplexité pour plusieurs raisons, notamment celle liée aux réserves méthodologiques dont l’auteur fait état à plusieurs reprises, sur les statistiques coloniales utilisées, (celles, très abondantes, citées dans de nombreux tableaux et graphiques), des réserves, notamment dans sa page de conclusion, dont je cite un extrait, dont l’interprétation ( monétaire, financière et économique) est de nature à susciter beaucoup de questions sur la pertinence scientifique des concepts utilisés :

          « Se pose donc la question du regard et du discours portés par la documentation utilisée ici. On voit que le gouvernement général aime à se présenter comme si la Corée était un Etat indépendant, jouissant de réelles prérogatives commerciales, comme s’il existait encore, après 1910, un « Etat » en Corée dont l’on pourrait analyser le déficit public et la balance commerciale. Mais ces notions ont elles un sens en contexte colonial ? En effet, que représentent  des « prêts » accordés par la métropole au gouvernement général de Corée, en réalité hypothéqués sur la richesse coréenne et servant à raffermir l’appareil colonial ? Celui-ci évidemment ne « remboursait » jamais la métropole, si ce n’est les investisseurs : il s’agissait d’un jeu bien compris dans lequel les valeurs monétaires et financières ne circulaient que dans un seul sens. De même, la question du rôle de la Banque coloniale de Corée qui, comme la Banque d’Indochine, dans le cas français, servit surtout de tremplin régional aux investisseurs de métropole, se pose quand l’on veut analyser le  secteur financier de la Corée coloniale. » (p,170)

          Perplexité aussi sur le choix de la période 1900-1919, sans tenir compte, semble-t-il, notamment dans sa présentation, en tout cas historique, sur le plan monétaire et financier, du choc de la Première guerre mondiale, «  le boum de la Grande guerre » (p,137) dont l’auteur souligne à plusieurs reprises, les effets importants, notamment en matière de spéculation financière, et tout autant d’érosion monétaire vraisemblable.

      Toutes les statistiques produites sont en yen et ne facilitent pas une tentative de comparaison avec des statistiques produites dans d’autres valeurs monétaires, livres, dollars ou francs.

       Pourquoi ne pas regretter en effet que l’auteur ne se soit pas attaché à esquisser une comparaison plus développée entre la colonisation française en Indochine et japonaise  en Corée, hors celle citée plus haut qui rend compte de façon tout à fait imparfaite du rôle des deux banques dans leur domaine colonial ou la description des relations commerciales fondées sur l’importation de riz ?

        Leur histoire avait certains points communs en ce qui concerne leur situation stratégique par rapport à la Chine et leur régime politique (Empire ou Royaumes), mais l’Indochine n’avait évidemment pas, pour la France, l’intérêt stratégique de sécurité  de la Corée pour le Japon.

         Indiquons que l’Indochine avait une superficie de 736 000 km2 pour une population lors de l’ordre de 15 à 20 millions d’habitants, et la Corée, une superficie de 220 000 km2 pour une population de l’ordre de 14, 15 millions d’habitants.

Un petit rappel historique tiré de l’analyse de M.Vié citée plus haut :

        En 1904, le Japon occupe militairement la Corée, et en 1905, le Japon place les trois royaumes de Corée sous son protectorat, un protectorat aussi fictif que celui de la France en Indochine sur l’empire d’Annam, grâce à un échange international de bons procédés, Corée contre Philippines.

         En 1910, le Japon annexe purement et simplement la Corée, décrite par Michel Vié sous le sous-titre «  La Corée comme muraille ». (p,57)

         L’auteur décrit avec force détails, les efforts que le Japon a effectués au cours de cette période dans le domaine des infrastructures et de la banque.

         Notons simplement que les lignes de chemin de fer construites avaient d’abord un objectif militaire, et que le total des lignes construites en 1918 était de 1.220 km, et de 2.026 km en Indochine, alors que l’objectif était autant économique que militaire.

        La démonstration financière laisse sur la faim, car elle n’embrasse pas la totalité du problème, en termes de description du système monétaire, financier et économique, des flux et des grandeurs analysées en monnaie constante.

      Certaines formulations financières paraissent surprenantes :

«  Une des raisons de l’effacement des subventions métropolitaines[1] était qu’en réalité la métropole ne donnait plus mais vendait son argent à l’administration coloniale. Cette dernière contracta des emprunts toujours plus importants assurant une rente permanente aux souscripteurs japonais, point sur lequel il faudrait se pencher davantage pour analyser l’expropriation coloniale. » (p,147)

       … « Remplir le tonneau percé des finances coloniales était lucratif pour la métropole, c’était aussi et surtout un moyen supplémentaire de dominer la péninsule. (p,147)

          Voire ! Compte tenu de l’évolution monétaire évoquée par l’auteur, marquée par la spéculation, donc le phénomène de l’érosion monétaire qu’a provoqué la guerre dans l’économie mondiale.

        L’auteur fait un constat, assez classique dans ce processus  d’équipement :

         « Sur l’ensemble de la période, le mouvement commercial extérieur de la Corée a été déficitaire. «  (p,148)

         Il était évident que le mode de financement du développement de ce type de territoire au début du vingtième siècle ne pouvait être que l’emprunt.

         Anglais et Français en avaient d’ailleurs fait un principe de base, le self-suffering anglais et la loi de 1900 française.

         En Indochine, ce fut l’emprunt, ou plutôt les emprunts qui permirent le démarrage économique du pays, comme en Afrique noire.

        La situation  déficitaire du commerce extérieur colonial (p,148) dans des territoires dépourvus de richesses ou encore en friche n’était pas une singularité de la Corée ; quasiment toutes les colonies françaises étaient affectées de la même faiblesse structurelle.

         L’historien Jacques Marseille a publié de bonnes analyses sur cette matière, applicables aussi à l’ancienne Afrique Occidentale Française, même si Elise Huillery a tenté de s’inscrire en faux sur le même sujet.

          Quant à la remarque faite sur « l’expropriation coloniale », une curieuse expression, elle mériterait d’être rigoureusement démontrée dans ce type d’analyse.

       « De la Banque n°1 à la Banque Coloniale de Corée » (p,148)

      Le processus décrit bien le processus de développement du système bancaire avec son rôle économique, le passage d’une banque privée à une banque centrale, et à son amarrage dans le système du yen en 1910, le même processus que celui suivi dans d’autres territoires coloniaux :

       « En dehors de l’infrastructure ferroviaire et de la structure administrative, la seule institution japonaise d’importance établie en Corée dès les débuts de la colonisation était la Banque n°1 de Shibusawa EIIchi. » (p151).

        Cette banque joua un rôle important dans les investissements du  Sud Est asiatique, compte tenu du nombre des antennes qu’elle y entretenait, 33 en 1918. (p,151)

       L’auteur porte alors son attention sur « Les structures de la production : entreprises et « industrie », à leur répartition, et à « une approche par le capital » (p,152), une analyse statistiquement très détaillée, en notant :

… « l’agriculture représentait tout au long de la période la quasi-totalité (85%) de la production économique matérielle coréenne. » (p,152)

   Etrangement, l’auteur analyse le fait colonial, tout en déclarant :

        « Par ailleurs, nous intéressant au phénomène colonial, nous ne traiterons pas des entreprises étrangères. La raison en est que ces dernières constituaient des structures très particulières : bien que très peu nombreuses (dix en 1910) leur poids en capital dépassait celui des entreprises coréennes. » (p,152)

   Plus loin :

    « Qu’en était-il des entreprises métropolitaines ?

    Le capital engagé dans ces dernières était sans commune mesure avec celui des entreprises péninsulaires : cinquante fois plus important, bien qu’elles fussent cinq fois moins nombreuses… «  (p154)

      La description économique que fait l’auteur montre bien comment fonctionnait l’économie coloniale animée par une banque centrale pas uniquement tournée vers la Corée, quelques entreprises importantes du capital, et un tissu de petites entreprises chargées de fournir à la métropole denrées (le riz), ou matières premières (le fer ), (« La capture commerciale du riz et du fer » (p160) :

      « L’emballement de la fin des années 1910 reposa donc sur le développement commercial et industriel. Autrement dit, comme on le voit, les statistiques construites par le gouvernement général de Corée dessinent assez clairement le schéma d’une colonisation économique « réussie », avec des débuts marqués par l’initiative politique, l’importance des entreprises publiques ou semi-publiques (banques et chemin de fer) et un développement assez rapidement marqué par l’importance du secteur privé, l’industrie et le commerce. » (p,157)

     Il est possible de s’interroger en ce qui concerne l’expression utilisée par l’auteur sur les statistiques que j’ai soulignée, et si tel était le cas, comment concilier l’observation sur le poids de l’agriculture (85%) et cette colonisation économique « réussie » ?

      En ce qui concerne le riz : « … le riz coréen s’imposa face au riz indochinois, birman et chinois. Cela à la faveur de la guerre…Ainsi, entre 1914 et 1917, les riz coloniaux japonais représentaient presque 80 % du volume importé. «  (p,163)

      La réorientation des importations de riz créa beaucoup de difficultés dans l’économie indochinoise qui avait de plus en plus besoin d’exporter son riz en métropole.

       Comme je l’ai écrit dans le livre « Supercherie coloniale », la mention qu’y fait une historienne du collectif Blanchard and Co, sur le riz dans nos assiettes, le riz indochinois bien sûr, ne correspondait pas à la réalité : l’Indochine avait besoin que la France importe du riz d’Indochine, un riz subventionné, et qui allait, ,non pas dans nos assiettes, mais dans nos poulaillers.

       L’auteur note l’importance qu’a eue le fer coréen dans le développement de la sidérurgie japonaise, en particulier en raison de la guerre :

    « Cette crise suscita au Japon un « boum de la fièvre sidérurgique » entre 1917 et 1918. » (p,167)

   Et l’auteur de conclure :

« L’économie coloniale de la Corée à la fin de la Première guerre mondiale : de la spéculation à l’impasse » (p,168) :

      « La politique menée en Corée entre 1905 et 1918-1919 était une impasse économique et sociale. Le lendemain, deux jours avant que l’ex-roi coréen Kojong fût inhumé, un peu plus d’un an après le discours du Président Wilson sur le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes… un groupe d’intellectuels militants coréens se réunit dans la capitale coréenne pour déclarer en public l’indépendance de la Nation et appeler au soulèvement. Ce fut comme une étincelle sur une plaine d’herbes sèches : la société toute entière réagit, le Mouvement du 1er mars » était lancé, ébranlant la domination coloniale. » (p,169)…

         « En ce sens précis, l’échec de la politique de développement des années 1910, puis le Mouvement du 1er mars 1919, amenèrent à une autre politique économique dans la colonie qui allait autrement complexifier la structure de la Corée coloniale, ainsi que les rapports entre colonisé et colonisateur. » (p,171)

         Avant de conclure cette lecture inévitablement imparfaite, deux questions se posent à mes yeux :

      La première : est-ce que la première guerre mondiale, plus que la question coloniale, n’a pas caractérisé les relations entre le Japon et la Corée ?

       La deuxième se rapporte au silence auquel l’auteur s’astreint sur  la répression coloniale qui a eu pour but de casser le mouvement du 1er mars, et sur le nombre des victimes, des précisions qu’il faut aller chercher dans la contribution Souyri, intitulée « Critiquer le colonialisme dans le Japon d’avant 1945 » (p,189)

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« Critiquer le colonialisme dans le Japon d’avant 1945 » par Pierre-François Souyri (pages 189 à 236)

         Cette analyse se situe dans une chronologie différente des autres analyses de la même revue.

        En se situant dans l’histoire des idées, cette analyse manque à la fois de cadrage historique et d’évaluation des effets des  « trois courants anticoloniaux » qu’elle décrit , le courant « moral », le courant « économiste », et celui d’ « une critique du système au sein même de l’université japonaise »

            Le cadrage historique : il parait difficile de ne pas situer  ces courants dans le système de gouvernement japonais, pas moins que dans la chronologie politique de la même époque, une époque relativement longue.

            Il parait tout de même difficile de tirer des conclusions sur l’efficacité de ces « courants anticoloniaux », sans avoir plus de précisions sur leur effet dans l’opinion publique, ou dans leur représentation politique.

            L’auteur écrit :

            « Le colonialisme antirépressif et réformiste des démocrates japonais des années 1920 et 1930 peut paraître aujourd’hui désuet. Qu’on ne s’y trompe pas. D’une part, bien rares étaient ceux qui, en Grande Bretagne ou en France, par exemple, dénonçaient vers la même époque aussi clairement les abus du colonialisme. Les critiques japonais du colonialisme japonais sont, de ce point de vue, tout à fait remarquables. Par ailleurs les radicaux indépendantistes étaient alors minoritaires dans les colonies japonaises. En effet, une partie des nationalistes coréens ou taïwanais pensaient sincèrement – à l’instar des démocrates japonais – que le système colonial était réformable » (p,234)

            J’ai envie de dire les « démocrates japonais » ? Combien de divisions ?

            « Bien rares étaient ceux qui, en Grande Bretagne ou en France, dénonçaient… ?

            Est-ce si sûr alors qu’aucune comparaison historique n’est proposée ?

            Et sans être méchant, pourquoi ne pas recommander quelques-unes des lectures françaises qui ne cachaient pas grand-chose des abus du colonialisme français ?

         René Maran dans « Batouala » Prix Goncourt 1921), André Gide dans « Voyage au Congo », le scandale des grandes concessions forestières (1927) , Albert Londres, dans « Terre d’ébène » (1929), le scandale du Congo Océan, Louis Roubaud dans « Viet Nam » (1931) la tragédie de Yên Baï,  Augagneur avec son livre «  Erreurs et brutalités coloniales » (1911), Vigné d’Octon avec « La gloire du sabre » (1900) ou « Les crimes coloniaux de la Troisième République » (1911),  etc, etc…

        Pourquoi ne pas demander à Monsieur Pierre-François Souyri, pourquoi il n’a pas cité le même type de livre anticolonialiste au cours de la période étudiée, un vrai test de crédibilité ?

        Enfin, et dans la même veine,  une autre affirmation qui mériterait d’être étoffée :

        « Contrairement à une légende tenace, le colonialisme japonais n’a pas été plus brutal que les autres », un propos qui mériterait d’être confirmé par des spécialistes, deuxième guerre mondiale y comprise ?

         Dans le « d’avant 1945 » ? Et au fil des périodes historiques ?

       Sur ce blog, le 20 août 2015, j’ai publié un petit exercice de critique historique qui concerne le même auteur dont je reproduis le texte ci-après.

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Petit exercice de critique historique ?

Ou la « contextualisation » du fait colonial ?

Publié le 20 août 2015

            Au fil des pages, et avant d’être en mesure de commenter les deux tomes tout à fait intéressants consacrés à l’ambitieux sujet traité, j’ai noté dans le chapitre intitulé « Critiquer le colonialisme dans le Japon d’avant 1945 » de Pierre-François Souyri, Université de Genève, une sorte de curiosité d’écriture d’histoire postcoloniale, un mélange tout à fait étrange entre histoire et prise de position politique.

            « Mais il faut quand même contextualiser le discours de Yanagi et, même si l’homme n’était pas exempt de défauts, il n’en a pas moins contribué à faire connaître une céramique largement mésestimée. Après tout, où sont les esthètes français capables de monter en Algérie un musée des arts populaires algériens ? » (page 209)

            « Contextualisons » donc un tel discours :

            Convient-il de rappeler qu’en Extrême Orient,  l’Ecole d’Extrême Orient a été créée en 1898, et installée à Hanoï en 1900, que l’Ecole Nationale des Beaux- Arts d’Alger a été créée en 1888, et la villa Abd-El-Tif en 1906, pour ne pas citer encore la création de l’Académie Malgache en  1902 ?

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Le ça colonial ! L’inconscient collectif ! Supercherie coloniale, chapitre 9

Comme annoncé dans ma chronique sur « Le fer à repasser colonial ou postcolonial », le lecteur trouvera ci-après le texte intégral du chapitre 9 que j’avais publié dans le livre « Supercherie coloniale »

Chapitre 9

Le ça colonial ! L’inconscient collectif !

Freud au cœur de l’histoire coloniale

Avec l’Algérie, l’Alpha et l’Omega de la même histoire coloniale !

            Il est tout à fait étrange de voir des historiens, normalement adeptes du doute, de la méthode scientifique de reconnaissance des faits, des dates, des preuves, s’adonner, ou s’abandonner aux délices, ou aux délires, de l’inconscient, le ça du célèbre docteur Freud.

            Car les chiens de l’inconscient ont été lâchés dans l’histoire coloniale !

            Nous sommes arrivés presque au terme de l’analyse et de la contestation du discours de ce collectif de chercheurs et nous espérons que le lecteur aura eu le courage d’en suivre les péripéties au fil des chapitres qui avaient l’ambition d’examiner, un par un, les grands supports d’une culture coloniale posée comme postulat, et d’apprécier le bien fondé de la démonstration historique qui leur était proposée. Au risque d’avoir très souvent éprouvé une grande perplexité devant le flot des mots, des approximations, et des sentences historiques

            Notre conclusion est que cette démonstration n’a pas été faite, et reste éventuellement à faire. Ce n’est pas en invoquant à tout bout de champ le refoulement, les stéréotypes, l’imaginaire et l’inconscient collectif, les imprégnations, les schèmes, les fantasmes, les traces et les réminiscences, et bien sûr l’impensé, que leur discours trouve un véritable fondement scientifique.

            L’inconscient collectif est incontestablement un concept à la mode, avec d’autant plus de succès que personne ne sait exactement ce que c’est !

            Il est vrai qu’au Colloque de janvier 1993, sur le thème Images et Colonies, l’historienne Coquery-Vidrovitch avait fait une communication intitulée Apogée et crise coloniales et fait remarquer que pour des raisons personnelles, elle n’avait pas eu envie de venir à ce colloque, indiquant : « Pour comprendre un réflexe de ce type, il faut faire la psychanalyse de l’historien » (C/30).

Confidence d’une historienne confirmée confrontée par son passé à ce type de question.

            Nous proposons donc au lecteur de faire un voyage initiatique dans le labyrinthe du nouveau Minotaure colonialen quête d’un des dieux de l’Olympe ou de Delphes, d’un papa Lemba du culte Vaudou, ou encore d’une nouvelle pierre philosophale de l’histoire, qui va transformer l’inconscient collectif en histoire. Et pour ce faire, et pour doper sa quête de l’inconscient colonial, qu’il n’hésite donc pas à faire appel aux racines hallucinatoires de l’iboga gabonaise.

            Ou encore à s’immerger dans le grand secret des familles coloniales, théorie psychologique et psychanalytique à la mode, puisqu’au même colloque, un historien distingué n’a pas hésité à appeler la génétique à l’aide de sa démonstration.

            On voit déjà que certains historiens, chevronnés et réputés, avaient ouvert une belle boite de Pandore au profit de jeunes chercheurs, sans doute émoustillés par la nouveauté, comme par du champagne, et à l’affût de trésors éditoriaux.

            Le discours du collectif de chercheurs sur le ça colonial.

            L’ensemble des livres rédigés par le collectif de chercheurs fait constamment appel à l’inconscient.

            Dans le livre Culture coloniale, et dès l’introduction, les auteurs écrivent : « comment les Français sont devenus coloniaux sans même le vouloir, sans même le savoir, sans même l’anticiper. Non pas coloniaux au sens d’acteurs de la colonisation ou de fervents soutiens du colonialisme, mais coloniaux au sens identitaire, culturel et charnel. »(CC/8)

            « L’école républicaine joue ainsi un rôle majeur en ancrant profondément dans les consciences la certitude de la supériorité du système colonial français… le bain colonial… »(CC/13)

            « Une culture au sens d’une imprégnation populaire et large. …une culture invisible. » (CC/15,16)

            « La colonisation « outre-mer » n’est donc pas en rupture avec le passé, elle s’inscrit au contraire dans un continuum consubstantiel à la construction de la nation française, puis par héritage, à la république. « (CC/25,26)

            Après la fameuse et grande exposition de 1931 :

             « La France semble s’être imprégnée alors en profondeur de l’idée coloniale et de cette puissance retrouvée grâce à l’empire » (CC/36)

            Le lecteur aura pu se rendre compte, notamment dans le chapitre consacré aux expositions coloniales, de la réalité de cette imprégnation, partie rapidement en fumée.

            « Les conquêtes coloniales sont un des ciments de la société française en ce sens qu’elles renforcent, légitiment et alimentent le régime dans sa dynamique interne. »(CC/39)

            « Une culture coloniale encore rémanente plus de quarante après les indépendances dans la France du XXIème siècle. » (CC/91)

            « Le discours fut véhiculé par des médias touchant des millions d’individus, permettant de répandre et d’enraciner le mythe d’une colonisation « bienfaisante et bienfaitrice » et surtout légitime, dans l’inconscient collectif. » (CC/143)

            « Dans le cadre d’une société française totalement imbibée de schèmes coloniaux. »(CC/160)

            Le livre suivant, Culture impériale (1931-1961), développe le même type d’explication.

            « Pour la grande majorité des Français de cette fin des années 1950, imbibés consciemment ou pas de culture impériale, le domaine colonial est effectivement une utopie parfaite. » (CI/26)

            Alors que nous avons vu qu’il en était très différemment dans le résultat des sondages d’opinion publique.

            « Ces éléments marquent sans aucun doute l’importance qu’a prise peu à peu l’Empire dans les consciences tout autant que dans l’inconscient français. » (CI/54)

            Sa force réelle (la propagande) réside alors dans la constitution véritable d’une culture impériale sans que les français en soient forcément pleinement conscients. C’est tout le succès de la propagande coloniale au cours de ces années qui parvient à banaliser le thème colonial. C’est bien le concept de colonisation « modérée » qui fut ancré par ce biais dans les esprits. (CI/57)

            Et pour couronner le tout des citations, et à propos des effets du scoutisme sur l’inconscient colonial des Français :

            « L’étude de ces deux médiations  singulières (qu’ont été l’école et l’action extrascolaire) permet, d’une part, de rendre compte de la complexité et de la profondeur de l’éducation à la chose coloniale à laquelle a été soumise la jeunesse durant l’entre-deux guerres ; d’autre part, d’approfondir la compréhension du jeu subtil qui s’instaure entre l’ordre de la transmission raisonnée des connaissances (dans l’institution scolaire), et celui de l’incorporation inconsciente des valeurs –(au sein des mouvements de jeunesse issus du scoutisme). »(CI/93,94)

            Cher lecteur, pour rien au monde, je n’aurais voulu vous priver de cette belle citation ! Car elle valait le détour littéraire ! Elle mériterait de figurer dans un livre des records de bêtise intellectuelle !

            Le livre La République coloniale s’inscrit dans la même démarche de pensée :

« Il existerait un impensé dans la République (RC/III). Notre rapport à l’Autre serait travaillé par le colonial (RC/21)

            « Nous avons donc choisi de revenir à l’héritage, de comprendre comment se construit la généalogie moderne de la république, et comment cette généalogie lie en profondeur lie l’héritage républicain à la dimension coloniale. » (RC/40)

            « Ces éléments nous conduisent à établir une généalogie républicaine de l’intrication national/colonial. »(RC/103)

            « La France s’est imprégnée en profondeur de l’idée coloniale (RC/108)…Lorsque l’on veut comprendre la profondeur de l’imprégnation sociale du colonial en France. » (RC/117)

            « Long serait le florilège de ce qui, dans les discours, poursuit de façon souterraine des régimes d’énonciation structurés durant la période coloniale. »(RC/144)

            « Car la France continue de se voir à travers l’impensé colonial. » (RC/150)

            « L’omniprésence souterraine de ce passé. »(RC/160)

            Alors un bon conseil : chers historiens ! Il vous faut aller consulter les psy !

            Le livre suivant, La Fracture coloniale, ne fait pas non plus dans le détail à ce sujet.

            Dans l’introduction, signée Bancel, Blanchard, Lemaire, les trois animateurs du collectif de chercheurs que nous incriminons, ils écrivent :

            « Une littérature récente a d’ailleurs montré que la colonisation a imprégné en profondeur les sociétés des métropoles colonisatrices, à la fois dans la culture populaire et savant (ce que l’on nommera ici une culture coloniale), dans les discours et la culture politique, le droit ou les formes de gouvernance. Il est par ailleurs légitime d’excéder les chronologies politiques qui rythment notre appréhension de la période coloniale : il serait trop simple de croire que les effets de la colonisation ont pu être abolis en 1962, après la fin de la guerre d’Algérie marquant celle de l’Empire français. Dans tous les domaines que l’on vient d’évoquer – représentations de l’Autre, culture politique, relations intercommunautaires, relations internationales, politique d’immigration, imaginaire …- ces effets se font toujours sentir aujourd’hui. » (FC/13,14)

            Le problème est que les trois auteurs renvoient dans la note 15, évidemment à leurs livres, c’est-à-dire ceux qui ont fait l’objet de notre analyse critique.

            Comment appeler en bonne logique ce type de raisonnement, sinon un cercle vicieux. ?

            Plus loin, les historiens Bancel et Blanchard écrivent :

            « Incontestablement, la République a contribué à forger politiquement les archétypes relatifs aux populations coloniales, en légitimant sur la longue durée leur subordination – le Code de l’indigénat étant la plus évidente expression de cette domination légalisée sous cette forme à partir de 1881 –selon un principe originellement racial, jusqu’à inventer culturellement l’ « homme/non homme » et le « citoyen/non citoyen » qu’est l’indigène. (FC/41)

            Est-ce que ces deux historiens croient et peuvent apporter la preuve historique que les Français, mis à part quelques spécialistes et une minorité de Français expatriés, aient jamais connu l’existence  du fameux code ?

            Mais le pire est encore à venir, lorsqu’on lit que « la mesure des discriminations et des vexations qu’ils subissent se trouve dans leur corps, que les réminiscences restent palpables, et que le déni du droit et les discriminations qu’ils subissent comme la persistance d’une figure de l’indigène logée dans leur corps. » (FC/200)

            Une histoire donc en mal d’exorcisme ou de recette fétichiste capable de faire sortir du corps le mauvais esprit !

            Le même auteur, sociologue, n’hésite pas à écrire que les femmes indigènes ont eu à subir une double oppression qui ne fut jamais dénoncée, et que l’érotisation et la prédation sexuelle accompagnèrent toute l’histoire coloniale, en ce qui concerne les deux sexes pour faire bonne mesure. (FC/202) Est-ce que cet auteur a jamais fréquenté des récits d’explorateurs, pas uniquement colonialistes, ou des analyses des sociétés et des cultures africaines rencontrées ?

            Je renverrais volontiers l’auteur à la réflexion du début, celle de l’historienne Coquery-Vidrovitch quant à l’opportunité, dans le cas présent, d’une psychanalyse, et à une invitation à mieux connaître la condition de la femme dans certaines cultures maghrébines ou africaines.

            Mais le pire est encore à venir dans un propos d’un jeune de banlieue, rapporté par un autre sociologue :

« Quand j’étais dans les couilles de mon père, j’entendais déjà ces mots. « (FC/215) C’est-à-dire les mots de République, citoyen ou intégration.

            Comme quoi, la généalogie coloniale fonctionne effectivement !

Les sources historiques du ça colonial

            Et pour cela, il nous faut revenir au fameux Colloque de janvier 1993 dont le thème était Images et ColoniesCe colloque savant a ouvert la boite de Pandore du ça colonial, ainsi que celle des envolées éditoriales que nous connaissons.

            Le ton est donné dès l’introduction aux Actes de ce colloque (Blanchard et Chatelier) :

            « Ce qui frappe, après un période de refoulement du passé colonial, c’est le retour ces dernières années à l’exotisme. » (C/11)

            « Mais surtout, il faut maintenant exploiter les images, non comme simple illustration de la période coloniale, mais bien comme une représentation. Car l’image est, comme il a été montré au cours du colloque, un élément important de la diffusion de l’idéologie coloniale en France au XXème siècle. Elle fut l’allié puissant du colonialisme…Aujourd’hui encore elle est présente, comme par exemple dans le numéro spécial de mars 1993 « Faut-il avoir peur des Noirs ? » de la revue Max…

            Ces représentations, véhiculées par une multitude de supports, se sont immiscées tant dans la vie quotidienne que dans la vie publique. Leurs influences nous semblent prépondérantes, puisque la grande majorité des Français n’a connu le fait colonial et le colonisé que par le prisme déformant de ces images. » (C/12)

            « Cette multiplication d’images coloniales et la variété de leurs supports, évoquent un véritable bain colonial. » (C/14)

            « Il semble que ces images soient devenues des « réalités » pour une majorité de Français, qui ne se doutent pas de leur véracité. » (C/15)

            La synthèse de la partie Mythes, Réalités et Discours, reprend brièvement les évocations et invocations d’un inconscient auxquelles se sont livrés quelques uns des hommes et femmes de science participant à ce colloque.

            Tout d’abord celle déjà citée de l’historienne Coquery-Vidrovitch. Dans sa communication Apogée et crise coloniale, elle déclare :

            « C’est d’ailleurs pourquoi je ne présenterai pas d’images. Comment s’est constituée cette collection d’images, souvent très belles, qui n’en sont pas moins des stéréotypes qui ont marqué de leurs préjugés l’imaginaire français ? » (C/27)

            A propos de l’exposition de 1931 :

            « Il s’agit de la naissance volontaire et inconsciente mais définitive de stéréotypes coloniaux qui sont construits et systématisés. » (C/29)

            Et d’évoquer le rôle du Petit Lavisse et d’écrire : « Cette iconographie a eu la vie longue, et combien d’adultes d’aujourd’hui la portent-ils encore en eux. » (C/30)

            Est-ce qu’à part son cas personnel, l’historienne a apporté la moindre preuve de ce propos ? Non ! Alors que cette historienne s’est illustrée, tout au long de sa carrière, par des travaux historiques très sérieux, en apportant une contribution importante à l’historiographie coloniale française.

            « Auraient-elles disparu d’ailleurs, les images n’en demeurent pas moins dans les esprits qu’elles ont contribué à façonner. » (C/31)

            « Les images vont nous apprendre énormément sur l’idéologie coloniale française, mais peut être plus encore sur l’image que nous portons, consciemment ou inconsciemment, en nous. »

            L’historienne Rey-Goldzeiger, (Aux origines de la guerre d’Algérie-2002 – Le Royaume Arabe- Politique algérienne de Napoléon III-1977) écrivait :

            « A partir de 1918 l’image du Maghrébin et du pays se modifie et va définitivement amener les stéréotypes maghrébins dans le conscient et plus grave, dans l’inconscient collectif. Pourquoi et comment ? » (C/37)

            Et dans le passage l’Impact de l’image, l’historienne de noter que :

             « L’étude en est beaucoup plus difficile et demande une recherche méthodologique nouvelle. Car la perception ne suffit pas pour faire entrer l’image dans le champ du conscient et de l’inconscient de ceux à qui elle est destinée. »

            Et de philosopher sur le déroulement du temps à propos de l’intrusion de plus en plus prégnante de l’image dans le domaine idéologique :

            « Les événements vont vite dans le temps court cher à Braudel, la conscience est plus lente et se situe dans le temps moyen ; quant à l’inconscient, il suit le temps long. Entre ces trois temps, il y a décalages. »(C/38)

            Les temps longs de l’histoire relèvent-ils du domaine de l’inconscient ? Est-ce qu’il ne faut pas manifester une certaine inconscience pour énoncer ce type de propositions ? S’agit-il d’histoire, de littérature, de psychologie, de psychanalyse, ou encore de philosophie ?

            Et de rattacher ses réflexions à la guerre d’Algérie, et à la difficulté que la France a rencontrée pour aboutir à une paix négociée en raison d’un décalage : « Question de décalage de temps ! »(C/38)

            Ou tout simplement en raison du décalage qui a toujours existé entre les ambitions de la France officielle, celle des pouvoirs établis, obnubilés de grandeur, toujours la grandeur, et toujours l’aveuglement, et celles du peuple français.

            Et plus loin : « Aussi l’image se fait vie et va alimenter jusqu’à l’inconscient qui s’appuie sur une symbolique de virilité, de chasse, et d’érotisme. »(C/39)

            « En quelques années, la conscience française, ainsi préparée est capable de percevoir l’image de la colonisation française, miracle qui a créé le Maghreb et le Maghrébin, d’intégrer à sa conscience la notion de supériorité de la civilisation française qui fait le bonheur des autres, de faire passer dans l’inconscient toute la puissance des mythes, qui bloque les actions rationnelles pour donner l’avantage à la passion. » (C/40)

            J’avoue que je n’avais jamais trouvé, jusque là, une explication du drame algérien par le rôle de l’inconscient colonial. Et d’expérience concrète de la guerre d’Algérie, j’ai souvent rencontré des soldats du contingent qui répugnaient, en toute conscience, à faire la guerre que la France officielle, celle des pouvoirs constitués légitimes, leur faisait faire, et qui n’était ni la leur, ni en définitive celle du peuple français. A l’expérience de leur épreuve, l’Algérie française n’était qu’un mythe, le contraire de celui que diffusait la propagande, mais malheureusement, il y vivait plus d’un million de Français.

            Continuons l’inventaire avec la communication de l’historien Meynier.

            Le titre de sa contribution a le mérite de la clarté en affichant : Volonté de propagande ou inconscient affiché ? Images et imaginaires coloniaux français dans l’entre-deux-guerres

            L’historien établit un constat qui ne va pas dans le sens des analyses de notre collectif, comme nous l’avons déjà noté, mais il pose la question :

            « Compte tenu de ce constat et des images officielles propagées, comment réagissent les Français ? Quels sont les référents inconscients qui se trouvent à l’arrière-plan lorsque l’on évoque les colonies

            Imaginaire colonial et inconscient colonial

            Inconscient français et mythes coloniaux : salvation et sécurisation. » (C/45)

            L’auteur n’hésite pas à rapprocher le mythe de Jeanne d’Arc à celui de Lyautey, ce qui est plutôt très hardi.

            Et dans sa conclusion :

            « Le Centenaire de l’Algérie française et l’Exposition coloniale de Vincennes confortent les stéréotypes que le discours savant lui-même avalise et pérennise. Le drame est que ces images des colonies, répondant prioritairement à un inconscient français prioritairement hexagonal, sont émises au moment même des prodromes de la « décolonisation ».

            Quoiqu’il en soit, l’imaginaire même de la France coloniale et impériale ramène d’abord au pré carré français et doit très peu au grand large. » (C/48)

            Alors cher lecteur, si on y trouve les concepts de stéréotypes, d’inconscient français et d’imaginaire, incursion scientifique plutôt surprenante de la part de l’historien, elle concerne beaucoup plus l’inconscient français, prioritairement hexagonal,  que l’inconscient colonial.

            Les conclusions de ce colloque étaient ambiguës, et ne pouvaient éviter de l’être, compte tenu de l’impasse faite sur les questions préalables de méthode, sur lesquelles nous reviendrons dans les conclusions.

            Il faut avancer dans la maîtrise de la méthodologie de lecture de l’image, qui est à la fois représentation figurative et forme de discours. D’une manière générale, peu d’historiens ont écrit sur les méthodes d’analyse et d’interprétation de l’image. Comme l’a montré Jean Devisse, il reste énormément à faire : ouvrir le chantier de la méthode mais également celui de la constitution d’un corpus. » (C/148)

            On peut effectivement se poser la question de la validité scientifique du corpus, car nous avons vu que son élaboration souffrait d’une grave carence d’évaluation quantitative  et qualitative, mais aussi de la capacité de la discipline historique à interpréter une image historique, sans faire appel au sémiologue.

            Ce qui n’empêcha pas les auteurs de la conclusion d’écrire :

            « La réflexion entamée  par ce colloque a soulevé davantage de questions qu’elle n’a apporté de réponses. Elle doit donc se poursuivre par un débat international dont l’objectif n’est rien moins que, aussi bien dans l’Europe colonisatrice que dans ses anciennes colonies, la déconstruction d’un imaginaire que ces images, pendant des décennies, ont contribué à édifier. « (C/148)

            Il faut donc tout à la fois, ouvrir le chantier de la méthode, mais aussi chercher à déconstruire l’imaginaire édifié pendant des décennies !

            Tout cela est-il bien sérieux ?

            Le collectif de chercheurs dont nous avons dénoncé le discours s’est engouffré dans les voies obscures de l’inconscient collectif encensé par des historiens confirmés et aussi dans celles d’une célébrité médiatique provisoire.

            Il est tout de même difficile de fonder une interprétation de notre histoire coloniale, pour le passé et pour le présent de la France, sur le fameux ça, avec en arrière-plan l’obsession permanente de l’Algérie.

            Comment laisser croire aux Français qu’ils sont imbibés de culture coloniale, alors qu’elle leur a été étrangère, même au temps béni des colonies ?

                        L’analyse critique

            Je me demande s’il ne faut pas parler de constat plutôt que d’analyse, à partir du moment où l’objet de la connaissance historique se dérobe, pour se réfugier dans un inconscient jamais défini, et sans doute indéfinissable.

            Des historiens s’intéressent donc à l’imaginaire, pourquoi pas ?

            L’inconscient collectif du docteur Jung ? Pourquoi pas ? Alors que le docteur Jung avait déjà bien du mal à définir ce nouveau concept, structures héritées du cerveau, mais plus en termes de capacité à penser, à réagir, qu’en termes de transmission elle-même d’images, de stéréotypes, mais je ne veux pas m’avancer plus loin sur ce terrain des spécialistes qui ne sont d’ailleurs pas d’accord entre eux.

            Lorsque les historiens invoquent l’inconscient collectif, les stéréotypes, les archétypes, il conviendrait qu’ils définissent ces termes, leur contenu, leur champ d’application, et qu’ils nous expliquent par quel processus de pensée et de raisonnement ils sont arrivés à cette conclusion, ce qui n’est pas le cas.

             Il conviendrait de l’explorer et le définir avec un minimum de prudence scientifique, et avec une méthode éprouvée, qui ne parait pas avoir été trouvée.

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            Les travaux effectués par l’historien Ageron sur les sondages de l’opinion publique montrent incontestablement la voie à ce sujet, et il ne suffit pas, pour énoncer un discours convaincant sur l’imaginaire colonial des Français d’adosser une réflexion historique sur une psyché personnelle, ou un inconscient individuel.

            Il est possible de nos jours, les outils de la connaissance existent, d’identifier et de dépeindre l’imaginaire moderne des Français. Encore faut-il s’en donner les moyens, et dépasser le stade artisanal de l’étude de Toulouse ! On serait peut-être surpris par les résultats d’une étude scientifique sérieuse.

            Quant à l’imaginaire du passé, celui postérieur à la première guerre mondiale de 1914-1918, ou à la deuxième guerre mondiale, qui peut avancer des hypothèses sérieuses ?

            Je fais partie d’une génération qui aurait été marquée par le Petit Lavisse, par la propagande coloniale de Vichy, puis par celle que le collectif de ces chercheurs qualifie d’impériale. J’ai eu beau creuser dans ma mémoire, je n’y rien trouvé de tout cela, mais j’avoue que je n’ai jamais été confessé sur un divan.

             Ma mémoire a été marquée par l’exode sur les routes, puis l’occupation allemande, et toute ma famille originaire de l’est a entretenu un imaginaire anti-allemand, avec la succession des guerres,  celle de 1870, la première guerre mondiale de 1914-1918, avec nos blessés et nos morts, puis la deuxième guerre mondiale, et dans la foulée, la guerre froide entre l’Est et l’Ouest, la menace de l’empire soviétique, à quelques marches de notre province. L’insurrection malgache de 1947 et la guerre d’Indochine appartenaient à une autre planète.

            Un imaginaire colonial réduit donc à sa plus simple expression, qui aurait explosé avec la guerre d’Algérie ? Mais est-ce qu’il est possible de réduire l’imaginaire colonial à l’Algérie ?

            Comment l’historien va-t-il procéder pour démêler tous ces imaginaires dans une chronologie déterminée, soupeser l’un et l’autre, souvent confondus, ou oubliés, tout en se gardant de tout regard anachronique, le plus grand danger de ce type d’exercice ?

            L’historien fera mieux que le psychanalyste de l’inconscient collectif ?

            Et pour que le lecteur comprenne bien notre propos, parce que ces chercheurs abritent leurs concepts sous l’ombrelle de la psychanalyse, il n’est pas superflu de rappeler quelques notions de la théorie freudienne sur le rêve et le fonctionnement de l’inconscient.

            L’inconscient, cette zone du cerveau toujours obscure- mais gît-elle vraiment dans le cerveau ?- serait à la racine de tous les phénomènes psychiques, l’inconscient des profondeurs psychiques, insondables, c’est-à-dire le ça, puis le moi avec son monde extérieur, et enfin le surmoi social. Le ça n’est jamais très loin de la libido, de la sexualité, une des clés centrales de la théorie de Freud, avec son refoulement, cause de toutes sortes de traumatisme psychique.

            Comme nous avons eu l’occasion de le constater, à la lecture de certains travaux, sur les cartes postales ou les affiches,  on n’est jamais loin de cette fameuse libido.

            Le ça est inaccessible à la conscience, et il n’est possible de le voir qu’à travers le rêve ou de symptômes, le rêve étant la voie royale d’accès à l’inconscient.

            On peut donc imaginer la difficulté que peut rencontrer un historien pour explorer l’inconscient collectif du peuple français, alors que le psychanalyste est déjà obligé de ruser avec la psyché individuelle pour apercevoir des lueurs du ça individuel, à travers les rêves.   Existerait-il des rêves coloniaux, des actes manqués, susceptibles d’être auscultés et interprétés ? Que le collectif de nos chercheurs aurait omis de nous décrire ?

            Le ça est le plus souvent une zone obscure et on ne risque pas grand-chose à mettre les historiens au défi de nous décrypter nos rêves coloniaux, s’il en existe ? A quelle catégorie de rêves faudra-t-il les rattacher ? Celles du chapeau, symbole de l’homme, ou de la castration ? Celles de l’escalier, ou de Bismarck ? Ou enfin celle du rêve absurde ?

            Ou de celles, toutes nouvelles, issues de leur créativité fantasmatique, de la fatma mauresque dévoilée ou du cannibale blanc enfin démasqué ?

            Alors, et compte tenu de tous les aléas rencontrés par l’interprétation psychanalytique, déjà considérables pour l’analyse individuelle, comment est-il possible d’avancer des explications historiques relevant de l’impensé, de l’inconscient, du refoulement ?

            Non, ce n’est tout simplement pas sérieux !

            Nous avons choisi pour titre La supercherie coloniale, mais Le rêve colonial aurait été aussi un bon titre. Il aurait fait l’affaire. Pourquoi ne pas proposer à ce collectif de chercheurs de se livrer à des exercices individuels et collectifs d’interprétation psychanalytique de leurs rêves coloniaux ?

            En ce qui nous concerne, nous renonçons à cette ambition impossible, puisqu’il  conviendrait aussi d’explorer l’inconscient de nos parents et de nos grands parents, morts.

            S’agit-il du racisme actuel des Français, réel ou supposé, de la domination coloniale française passée, ou tout simplement de la fameuse libido ? L’importance accordée aux cartes postales des mauresques nues, au thème de l’érotisme colonial, pourrait le laisser croire.

             Il n’est qu’à consulter les quelques pages que l’Illusion Coloniale consacre aux femmes pour s’en convaincre (IL/128 et suivantes), en concentrant l’attention sur la nudité, les Mauresques, mais en ignorant tout de la nudité noire, fréquente dans beaucoup de sociétés africaines des 19ème et 20ème siècles, en même temps que de sa condition habillée, et beaucoup plus mélangée entre le nu et l’habillé à Madagascar et en Indochine. Dans ces deux pays, les situations  étaient géographiquement inversées, nudité sur le côtes et vêtement sur les plateaux dans la grande île, et nudité dans les hautes terres et vêtement dans les plaines en Indochine.

            Pour illustrer le propos, on n’hésite d’ailleurs pas à joindre, de façon tout à fait anachronique, une affiche d’un film américain daté de 1953 !

            Inconscient collectif des Français aux différentes époques coloniales ou inconscient collectif des Français des années 2000 ? Inconscient des peuples anciennement colonisés ou inconscient des descendants des mêmes peuples dans leur pays ou en métropole ?

            Ou plus simplement inconscient caché de ces chercheurs ?

            Tout cela est on ne peut plus embrouillé, et à cet égard la fameuse enquête de Toulouse entretient la plus grande confusion, car ses auteurs ont déclaré eux-mêmes que l’Algérie en était ressortie comme un de ses thèmes obsessionnels. Alors que la guerre d’Algérie se situe dans la période de décolonisation.

            Depuis le Colloque de janvier 1993, au cours duquel le ça colonial a fait une très étrange apparition, les chercheurs n’ont pas beaucoup progressé, sinon pas du tout, dans l’élucidation du ça colonial, ou du ça de l’Algérie, ou du ça de la France.

            Alors faudra-t-il recourir au ministère du prêtre exorciste pour faire sortir le diable colonial de notre corps, ou aux services de sorciers fétichistes pour extraire les mauvais esprits du colonialisme de notre corps et de notre tête ?

            Le ça comme fétiche ?

            Je conclurais volontiers ce chapitre en rappelant que l’historien Ki-Zerbo reprochait au grand historien colonial que fut Henri Brunschwig d’être un fétichiste de l’écriture, par opposition à la tradition orale. Cette nouvelle école de chercheurs a abandonné les rives de l’écriture ou de la tradition orale, pour nous proposer celles du fétichisme de l’inconscient, le ça colonial.

            Avec l’excuse de s’être fait ouvrir la porte de l’inconscient collectif colonial au Colloque de 1993 par l’entremise d’historiens reconnus pour le sérieux de leurs travaux.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Chapitre tiré de mon livre « Supercherie coloniale » (2008)

« Français et Africains ? » frederick Cooper Epilogue

« Français et Africains ? »

Frederick Cooper

Epilogue

            Les lecteurs qui ont eu le courage de lire le livre très fouillé de Frederick Cooper, ou mon analyse critique de la thèse qu’il défend sur la décolonisation de l’Afrique noire, ont peut-être eu l’impression d’être submergés par un débat qu’on a plutôt l’habitude de trouver dans des enceintes universitaires, avec des enjeux de droit public, de droit constitutionnel, de droit international propres à nourrir de belles joutes politico-juridiques.

            A lire le texte Cooper, le lecteur a pu aussi en tirer la conclusion que les débats qui ont animé la décolonisation sont restés dans un monde d’abstractions, même si ces abstractions pouvaient trop souvent cacher des intérêts très concrets.Premier détour de pensée avec une interprétation stratégique de la décolonisation : une propension naturelle à la décolonisation

         Pourquoi tout d’abord ne pas passer cette thèse savante au crible des grands concepts de la stratégie, tels que la position, la disposition, la situation, la propension des choses, tels que définis par Sun Tzu ou par Clausewitz, en éclairant ce type d’analyse par la lecture moderne des livres du sinologue François Jullien sur le même type de sujet, notamment le « Traité de l’efficacité » ?

         Dans le cas de la décolonisation, en faisant appel à la fois à des concepts stratégiques ou à des concepts chinois tels que « Le cours spontané des choses » (p,116), ou « L’eau est ce qui se rapproche le plus de la voie » (p,201), tout incline à penser que l’évolution historique des relations entre la France et l’Afrique noire ne pouvait guère être différente de ce qu’elle a été.

        Il existait une propension des choses à la décolonisation telle qu’elle s’est déroulée.

        Cette interprétation a déjà été esquissée dans ma lecture critique.Deuxième détour avec le « cours des choses », ou la « voie » réelle

            Concrètement, ce type de débat ne pouvait traduire les réalités du moment, l’état des relations humaines existant, sur le terrain, à tel ou tel moment, entre les Français et les Africains, en résumé, les situations coloniales de l’Afrique de l’ouest et de la métropole, pour ne pas parler de l’Algérie, des protectorats et autres colonies.

            Il s’est agi de palabres interminables tenus dans les hautes sphères des pouvoirs, incompréhensibles, aussi bien en France qu’en Afrique noire, pour l’immense majorité de leurs habitants.

            Dans les années 1950, la Maison de la France d’Outre- Mer,  à la Cité Internationale universitaire du boulevard Jourdan, accueillait la fine fleur des nouvelles élites africaines venues faire leurs études à Paris.

            Nombreux ont été les témoins, pour ne pas dire les spectateurs, qui ont pu assister à des assemblées générales successives, interminables, et houleuses, très politisées, au cours desquelles des étudiants africains se livraient à des joutes oratoires effrénées et passionnées.

       A tour de rôle, les orateurs stigmatisaient le colonialisme et encensaient le marxisme-léninisme ou le maoïsme. On sait ce qu’il en est advenu dans la plupart des anciennes colonies, une fois venus au pouvoir la plupart de ces étudiants.

       Pour ne citer qu’un exemple de rédemption coloniale, l’histoire malgache a connu un amiral rouge qui a tenté de faire une expérience de développement maoïste à la chinoise, une entreprise sans aucun lendemain.

      Le même dirigeant « révolutionnaire » coule encore des jours heureux dans une grande ville de la vieille Europe.

       Pour reprendre une expression à mon avis malheureuse que semble affectionner Mme Coquery-Vidrovitch, « history from below » (p,17),  « histoire vue d’en bas » (p,35), « vue par le bas » (p, 41), pour ne citer que quelques-unes des expressions tirées de son petit livre sur « Les enjeux politiques de l’histoire coloniale », je dirais volontiers que le livre de Frederick Cooper est le fruit d’une histoire d’en haut, une histoire des idées des grands lettrés de l’époque, aussi bien pour les Français que pour les Africains, ce que l’intéressé ne nie d’ailleurs pas.

         Dans un livre très intéressant, « La fin des terroirs », Eugen Weber proposait le même type de critique historique à l’encontre de la plupart des historiens qui ont étudié la France de la fin du dix-neuvième siècle, plus tournés vers le monde des villes, pour ne pas dire d’abord Paris, celui des minorités lettrées, que vers celui des campagnes encore arriérées de France.

      Dans la préface de ce dernier livre, Mona Ozouf note : 

        « … comment par exemple, un livre aussi informé que celui d’Antoine Prost sur l’enseignement, se demande- t-il, a-t- il pu faire l’impasse sur les obstacles que les langues minoritaires opposaient, sous la III° République encore, à l’alphabétisation de la France. » (p,V)

        Ce n’est qu’à la fin du dix-neuvième siècle, notamment grâce à l’école publique, puis avec la première guerre mondiale, que la France vit naître une certaine unité nationale.

       Dans un de leurs livres, « Culture coloniale », les chercheurs de l’école Blanchard ont eu l’impudence scientifique d’intituler une partie de leur ouvrage, tout approximatif : « 1 Imprégnation d’une culture (1871-1914) », un titre que leurs auteurs seraient bien en peine de justifier par une exploitation sérieuse des sources historiques de l’époque.

            En deçà ou au-delà, de ces très savantes palabres, comment parler des belles histoires de relations humaines qui ont existé entre Africains et Français tout au long de la période coloniale, car comme l’écrivait Hampâté Bâ, tout ne fut pas que blanc ou que noir dans cette histoire commune ?

            De belles histoires humaines dans les villes ou dans la brousse, très souvent, dans les commandements des cercles (les préfectures), dans l’armée, dans les écoles, dans les missions, dans les entreprises, dans les hôpitaux, les dispensaires, aussi bien dans la brousse que dans les nouvelles cités, etc …,

            Il faut avoir lu beaucoup de récits d’officiers, d’administrateurs de la première phase de l’exploration et de la conquête, ceux par exemple de Binger juché sur son bœuf pour traverser une Afrique occidentale encore à peine ouverte sur le monde extérieur, de Péroz sur le Niger dans l’empire de Samory ou dans le delta du Tonkin au contact de ses habitants, de Baratier lors de son expédition vers Fachoda, pour comprendre ce que fut cette histoire à hauteur d’homme et la qualité des relations humaines qui furent alors nouées.

            Au cours de la période de colonisation elle-même, les exemples de ces relations humaines furent innombrables.

            Pour reprendre un des mots préférés de Frederick Cooper, il existait à la base, de très multiples « connexions » humaines, de vraies relations d’affection entre êtres humains, et aussi, pourquoi ne pas le dire, de belles histoires d’amour.

            Je conclurais volontiers en écrivant que c’est l’existence de ce tissu très dense de bonnes relations humaines qui explique plus que tout le dénouement pacifique de ces relations coloniales avec l’Afrique de l’ouest, à l’exception du Cameroun, et de Madagascar, si on rattache cette grande île à l’Afrique.

            Comment expliquer autrement que les affreux commandants de cercle et chefs de subdivision, tous également colonialistes, bien sûr, aient pu survivre dans la brousse, même la nuit, dans des résidences grandes ouvertes, seulement protégés,  à quelque distance,  par un gendarme ou quelques gardes-cercles ?

            En ultime conclusion, il est effectivement possible de se poser une des questions que Frederick Cooper soulève dans son avant-propos :

       « Les lecteurs constateront peut-être également un certain « sénégalo-centrisme » (p,11), j’ajouterais, effectivement et sûrement, en même temps qu’un vrai penchant pour une histoire d’en haut, comme l’auteur en fait mention dans son avant-propos, à la page 10 :

      « Ce livre est une étude des élites politiques, des acteurs français et africains se confrontant mutuellement et tentant de mobiliser des partisans dans un contexte où les travailleurs, les agriculteurs et les étudiants, hommes et femmes votaient en nombres sans cesse croissants écrivaient des articles dans la presse africaine, et organisaient des meetings et des manifestations qui contestaient la nature du pouvoir politique. »

       Nous avons proposé aux lecteurs toute une panoplie de sources historiques qui relativisent beaucoup le propos.

       Dans quelle catégorie d’histoire classer le livre de Frederick Cooper ?

       L’auteur écrivait dans son avant-propos :

      « Ceci est un livre sur la politique, en un double sens. Premièrement, c’est un livre sur la politique en tant qu’art des individus et des organisations à amener les gens à faire des choses qu’ils ne voulaient pas, un livre qui montre comment l’entrée de gens différents dans le débat politique changea le cadre dans lequel la politique se déroulait. » (p,9)

          A lire cet ouvrage, il parait difficile d’y voir des gens « faire des choses qu’ils ne voulaient pas » et changer « le cadre dans lequel la politique se déroulait », alors que les situations coloniales, leurs acteurs de l’époque, et que le scénario de la décolonisation suivait imperturbablement son « cours ».

        Une lecture des faits et des idées ? Un essai historique d’interprétation des diplomaties constitutionnelles ? Une interprétation, ou même une exégèse, d’une histoire des relations internationales qui aurait pu tourner autrement ? En faisant l’impasse sur le contexte historique de l’époque, « d’en haut », et d’ « en  bas » ? Avec en plus, cet aveu de « sénagalocentrisme »

       Sommes-nous encore dans l’histoire ? Ou dans l’exégèse politique ?Troisième détour par les « voies » postcoloniales

       Pourquoi ne pas saisir en effet cette occasion pour s’interroger sur la pertinence scientifique et historique de certains discours postcoloniaux ?

      En ma qualité de chercheur historien, libre de toute allégeance, en tout cas, je m’y efforce, j’éprouve presque plus que de la réserve à l’endroit d’une certaine histoire postcoloniale tout à la fois idéologique, anachronique, et  donc non pertinente.

        Que les lecteurs ne se méprennent pas sur le sens de ma lecture critique ! Il ne s’agit pas de ranger la thèse très étoffée et très documentée de Frederick Cooper dans la catégorie de quelques-uns des livres qui sont proposés dans l’histoire postcoloniale, lesquels souffrent soit d’insuffisance ou même d’absence de sources solides, soit d’anachronisme, soit de préjugé idéologique, soit enfin de pertinence scientifique, par défaut d’évaluation des faits analysés, de leurs effets sur l’opinion  publique, ou encore des grandeurs financières ou économiques analysées.

         Donc, ni clés marxistes à découvrir dans ce type de thèse, ni clés d’idéologie humanitariste, d’autoflagellation nationale, laquelle aurait pris la place du marxisme !

        Comment qualifier autrement que d’histoire postcoloniale approximative, celle de l’équipe Blanchard and Co, à partir du moment où les recherches affichées n’accréditent pas un discours effectivement fondé sur des sources statistiques éprouvées ? Comme le savent les sémiologues, il est possible de faire tout dire aux images, et encore plus les historiens, quand elles sont sorties de leur contexte historique, et en ignorant leurs effets sur l’opinion.

       Pourquoi ne pas citer aussi une histoire théoriquement solide, scientifiquement prouvée par un luxe de corrélations et d’outils mathématiques, telle que celle racontée par Mme Huillery, mais avec un manque de pertinence scientifique de certains de ces outils de corrélation, mâtiné d’un fort soupçon de recherche idéologique ? Un soupçon d’autant plus fort que sa thèse enjambe un « trou noir » statistique d’une trentaine d’années,  en gros entre les années 1960 et 1990.

          Il n’est pas vrai en effet, comme l’écrit l’auteure, que la France ait été le fardeau de l’Afrique Occidentale Française, pour reprendre une de ses expressions de langage idéologique, car tel était son but, pourquoi ne pas l’écrire ?

       L’historien d’origine indienne,  Sanjay Subrahmanyam, notait dans son dernier livre « Leçons indiennes » que les maisons d’édition américaines recherchaient des produits qui plaisent au marché, et il est possible de se demander s’il n’en est pas de même dans notre pays.

       Comment ne pas citer certains « produits » d’édition riches en images coloniales, souvent mal interprétées, mal cadrées historiquement, et à leur diffusion et à leurs effets jamais évalués aux époques de leur diffusion?

       Je m’en suis expliqué longuement dans le livre « Supercherie coloniale ».

       Citons un seul exemple tiré du numéro de la revue « l’Histoire » intitulée « La fin des Empires coloniaux » (octobre décembre 2010), dans un article signé Jean Frémigaci et intitulé «  Madagascar : la grande révolte de 1947 » (pages 64 à 67). 

      Cette revue reproduit une photo intitulée «  Le travail forcé » (page 67)

      Avec pour commentaire : « La chaise à porteurs, instrument et symbole de la domination coloniale. Le travail forcé fut généralisé dans l’île entre 1916 et 1924 puis à nouveau pendant la Seconde Guerre mondiale (carte postale vers 1910). »

      On y voit coiffé du casque colonial blanc, un administrateur ou un officier  tout de blanc vêtu,  juché sur un filanzana, la chaise à quatre porteurs malgache qu’empruntait l’aristocratie de ce pays pour se déplacer, bien avant l’arrivée des Français, en signalant  qu’à l’époque de la conquête (1895- 1896), et encore longtemps plus tard, il n’existait dans la Grande Ile, ni pistes, ni routes, et encore moins de lignes de chemin de fer.

      Comment ne pas noter enfin pour apprécier toute la valeur de ce type de manipulation historique, qu’à la même époque, la  chaise à porteur ne faisait pas le déshonneur de l’Asie, pas plus d’ailleurs que les pousse-pousse que les responsables de cette revue ont d’ailleurs pu admirer ces dernières années sur la plus belle avenue du monde, nos Champs Elysées, ne font aujourd’hui le déshonneur de la France ?

       Le vent du large des historiens : pour conclure sur un mode détendu, une certaine pertinence historique nous viendrait, peut-être de nos jours de l’étranger, des rives du grand Ouest, ou de celles du continent indien, libre de toute attache liée aujourd’hui à un passé colonial ignoré de la grande majorité des Français et des anciens peuples colonisés, donc loin des explications franco-françaises fondées sur un « inconscient collectif », jamais sondé, (Coquery-Vidrovitch), ou sur une « mémoire collective », jamais mesurée, (Stora), des explications hypothéquées, soit par la guerre d’Algérie, soit par l’esprit de repentance .

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

« Supercherie coloniale » 4ème de couverture

« Supercherie coloniale » (2008)

Comme annoncé  dans mon article sur les « migrants », vous trouverez ci-après la quatrième de couverture de ce livre

        Pourquoi ce livre ? Pour démontrer la vacuité, mais aussi le danger du discours que propage, depuis quelques années, au fil des livres, un collectif de chercheurs  (Bancel, Blanchard, Lemaire), d’après lequel  la France aurait été pourvue d’une culture coloniale, puis impériale ( 1870-1962), lesquelles déboucheraient aujourd’hui sur une fracture coloniale.

        Avec dans la pochette surprise, la découverte des nouveaux Indigènes de la République et la crise des banlieues !

      Stop au bourrage de crâne colonial !

       Mes amis m’ont dissuadé d’écrire ce livre.

        Ils répétaient : ces chercheurs ne sont  pas sérieux. Laisse-les à leurs bavardages ! Ce soufflé dégonflera vite ! Et comment peux- tu lire ces écritures insensées ?

       Je suis tout à fait d’accord, mais à partir du moment où des gens sérieux prennent au sérieux ce genre d’ouvrage, avec le concours des médias, et que leur contenu, la thèse pseudo scientifique  qu’ils défendent, fournit des aliments idéologiques inespérés, soit disant scientifiques, à des mouvements associatifs ou politiques , pourquoi ne pas contredire point par point , le discours qu’ils n’ont pas réussi à démontrer, quant au rôle de la presse, des livres scolaires, des expositions coloniales, des cartes postales, des affiches et de la propagande coloniale dans la formation d’une culture coloniale ou impériale.

      Et pour couronner le tout, l’intervention magique d’un inconscient collectif colonial et  impérial qui imprégnerait encore en profondeur la mentalité française ! Sans en apporter la preuve !

  Ce livre à donc été écrit à l’intention des Français qui ont encore  les oreilles et les yeux ouverts, pour qu’ils ne prennent pas les vessies de ce collectif pour de  lanternes historiques.

      Ancien élève de l’Ecole Nationale de la France d’Outre- Mer – Licencié en droit – Docteur en sciences économiques – Officier de SAS en Algérie ( Soummam) et ancien haut fonctionnaire au Ministère de l’Intérieur

Ces migrants qui ne font pas rêver les Français !

« Ces migrants que la France ne fait pas rêver »
Titre de la première page du journal Le Monde des 13 et 14 septembre 2015
OU
 Ces migrants qui ne font pas rêver les Français !

            En comprenez-vous les raisons ?

            Il ne s’agit pas de celles qu’évoque Monsieur Stora, historien, camarade de gauche bien connu, qui semble avoir oublié l’accueil enthousiaste que la France a « réservé » au million de Français d’Algérie à l’occasion de l’indépendance de ce pays, et il ne s’agissait pas alors de « migrants ».

            A voir le succès de fréquentation de la Cité de l’Immigration, il n’est pas interdit de se demander si cette création purement politique (Chirac), sorte de gage du malaise des quartiers sensibles, n’est pas à la fois inutile et coûteuse.

            Il ne s’agit pas des raisons caricaturales  qu’il développe dans sa tribune du Monde des 6 et 7 septembre 2015, la «  diabolisation des combats antiracistes », « la mise au secret des histoires migratoires qui ont fait la France »

            Diable, c’est le cas de le dire !

            Comment ne pas souligner que Monsieur Stora, en compagnie de nombreux autres intellectuels ou chercheurs développent depuis des années un discours mémoriel et historique d’autoflagellation, pervers, idéologique, politique, d’une France coupable de tous les maux coloniaux imaginables ou pas, avec en prime l’inévitable guerre d’Algérie qui, aux yeux de l’historien, représenterait l’alpha et l’oméga de notre histoire coloniale.

            Comme je l’ai écrit à plusieurs reprises, la propagande coloniale n’a jamais eu l’ampleur de celle que ces groupes de chercheurs politiques, animés par un esprit d’anticolonialisme anachronique développent dans notre pays depuis des dizaines d’années.

            Au feu ! Au feu ! Clament-ils ! Alors qu’ils ont allumé la mèche, et qu’ils en entretiennent  les braises !

            Ce discours pervers a donc produit des effets dans l’opinion publique aussi bien d’adhésion que de rejet.

            Les spécialistes parleraient à juste titre d’un discours autoréalisateur, avec la sorte de mission réussie de mise en accusation permanente de l’histoire de notre pays, une mise en accusation qui fait logiquement peur à une partie de l’opinion publique, une peur de l’étranger.           

            Le livre « Supercherie coloniale » que j’ai publié en 2007 dénonçait déjà ce discours d’intoxication qui produit de nos jours des résultats destructeurs.

            Le lecteur pourra se reporter plus loin aux textes que j’ai publiés à ce sujet, en particulier la postface.

            Pour les citoyens bien ou mal informés, le « secret » dénoncé par Monsieur Stora ne serait-il pas au contraire celui qui pèse en partie sur certaines statistiques de l’immigration, sur les origines « ethniques », sur les flux du regroupement familial et des mariages mixtes, sur les chiffres des binationaux par pays, sur la réalité historique des demandeurs d’asile.

        On sait que les trois quarts de ces demandeurs n’ont pas droit à l’asile, et qu’en cas de refus, le retour dans leur pays d’origine est pure illusion.

       Faites le calcul sur les dernières années,  sur des demandes annuelles de l’ordre de 60 000, 45 000 restent concrètement dans notre pays, sous quel statut ?

     La démonstration que vient de faire l’OFPRA à Munich pour tenter de faire venir en France quelques centaines de demandeurs d’asile est tout à fait surréaliste, compte tenu de l’impéritie qui a été la sienne depuis plusieurs dizaines d’années.

    Pour beaucoup de nos compatriotes, une autre raison, bonne ou mauvaise : on a déjà donné ! Dans le passé, et par exemple, des régularisations massives de clandestins.

     La France a une situation qui n’a rien à voir avec celle de l’Allemagne.

     Le pays n’est pas bien portant, le chômage est important, beaucoup de Français souffrent, alors qu’ils voient se déployer, année après année, de nouveaux flux de population venant du sud ou de l’est, des concurrents économiques et sociaux qui viennent déstabiliser, qu’on le veuille ou non, l’accès au travail ou aux soins.

     Est aussi à citer, le multiculturalisme dont les tenants de l’« établissement »  parisien raffolent, sauf que sur le terrain, ce mouvement de fond anime tout autant un communautarisme socio-politique et culturel, pour ne pas dire religieux, qui donne en prime, la majorité, dans telle ou telle collectivité, aux populations venues d’ailleurs.

     Un communautarisme à caractère de plus en plus religieux, compte tenu du poids de la population de confession musulmane, du prosélytisme d’une partie d’entre elle, et de l’absence d’interlocuteurs représentatifs.

      La communauté musulmane est divisée, tiraillée, entre plusieurs courants, principalement entre chiites et sunnites qui se font une véritable guerre de religion, au Moyen Orient ou ailleurs, pour ne pas parler d’autres nombreuses allégeances.

       Enfin, face à ces vagues de jeunes migrants qui semblent bien portants,  qui se recommandent de nos droits de l’homme,  les Français sont en droit des se poser la question : combien seraient-ils prêts à s’engager pour la cause des droits de l’homme à établir dans leur pays ?

        La France est en quête de vérité.

Jean Pierre Renaud, avec la collaboration de MCV

« Supercherie coloniale »
Jean Pierre Renaud
Postface (page 273)

           Le discours anachronique, idéologique, et pseudo scientifique  de ces chercheurs n’aidera certainement pas les Français d’origine immigrée à trouver leur juste place au sein de la communauté française. Il ne contribuera pas non plus à assurer la paix des esprits et des cœurs, ou tout simplement la paix civile.

            Aujourd’hui, on mélange tout, mémoire et histoire, et le dossier algérien submerge toute réflexion objective sur notre mémoire, comme sur notre histoire nationale, car la population française compte aujourd’hui des millions de citoyens d’origine algérienne qui cultivent des mémoires conflictuelles. Et une proportion encore plus importante de Français de souche qui entretiennent d’autres mémoires conflictuelles. Ces conflits n’étant pas prêts de s’apaiser, il convient donc de traiter ce dossier à part parce qu’il empoisonne tout.

            Il n’est pas sérieux de dire que l’histoire coloniale française (y compris algérienne) a été une histoire cachée, alors que des travaux innombrables ont été effectués et non censurés, avec des thèses historiques souvent opposées. Que l’histoire coloniale n’ait pas fait l’objet de pages et de pages dans les livres scolaires modernes, quoi d’étonnant alors qu’elle n’occupait pas une place beaucoup plus grande au temps béni des colonies ! Cette situation continue à exprimer tout simplement le désintérêt continu du pays pour son ancien empire.

            Alors il est vrai que notre histoire nationale est une sorte de roman, comme l’ont écrit certains, mais elle a au moins le mérite, en comparaison d’autres, d’être ouverte à toutes les critiques.

            Alors il est vrai  que certaines minorités françaises se plaignent de voir ignorer leur propre histoire, mais personne ne les a empêchées, semble-t-il, de manifester leur curiosité pour leur propre histoire. J’ai rencontré il n’y a pas si longtemps une fort belle antillaise qui ne s’était jamais préoccupée de ses origines : s’agissait-il d’une exception ? Et auparavant, j’avais fait la même expérience avec de jeunes membres de l’élite malgache.

            Rassurez-vous, les Français de métropole cultivent la même ignorance de l’outre-mer, sauf lorsqu’il se pare, comme dans le passé, des couleurs d’un exotisme, depuis peu mâtiné de générosité internationale.

            Et en ce qui concerne l’Afrique francophone, il est heureux que l’histoire coloniale ait permis à beaucoup de traditions orales d’être transcrites, au lieu d’être perdues, et mises à la disposition de l’histoire africaine !

            Ce livre met en évidence le manque de culture générale de ces chercheurs et leur goût forcené pour le tout médiatique, imitant à leur façon et dans leur domaine,  toute une partie de notre élite politique, culturelle, sociale, et économique, qui souffre du même travers.

            Alors, on raconte n’importe quoi !

Le 12 décembre 2007

            Je publierai ultérieurement la quatrième de couverture de ce livre.